Groupe de jeunes filles
Société

Une plongée dans le monde des jeunes filles d'aujourd'hui

INTERVIEW. À quoi pensent les jeunes filles de 13 à 20 ans, comment voient-elles leur place dans la société, les relations garçons-filles ? Avec " Ce que nos filles ont à nous dire" (éd. La Mer Salée), un livre-enquête passionnant, la journaliste Florence Pagneux dresse un tableau de la première génération qui a grandi avec le mouvement #MeToo. Propos recueillis par Agnès Perrot.

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Dans un livre-enquête passionnant, la journaliste Florence Pagneux dresse un tableau de la première génération qui a grandi avec le mouvement #MeToo.

Pourquoi ce livre

Portrait de Florence Pagneux
Florence Pagneux (c) Thomas Louapré

En m’appuyant sur les résultats d'une enquête sociologique menée sur 814 jeunes filles de 13 à 20 ans par l'association LAdydeNAntes, début 2021, en Loire-Atlantique et en Vendée, j’ai voulu en savoir plus sur la façon dont ces adolescentes voyaient leur place dans la société, les relations garçons-filles, leur avenir professionnel, le féminisme, etc.

Pour cela, je suis partie à la rencontre d'autres jeunes filles, de médecins, d'acteurs de terrain, de chercheurs, d'associations, etc. Et j'ai brossé le portrait d'une génération.

Mon livre n’est ni un essai féministe ni un plaidoyer, mais un outil de discussion qui donne à la fois des informations et un éventail de solutions aux parents, aux professionnels et aux élus.

Qui sont ces jeunes filles ?

Des adolescentes et des jeunes femmes plus informées grâce au mouvement #MeToo, aux réseaux sociaux et à un nombre croissant d’ouvrages édités sur le féminisme. Elles ont une parole libérée sur des sujets souvent tus par les générations précédentes et s’engagent davantage.

En même temps, elles baignent dans un univers dont elles savent qu’il génère beaucoup d’inégalités à affronter. Une réalité dont elles ont parfaitement conscience, qu’elles n’acceptent plus et qu’elles combattent.

Vos principaux sujets d’étonnement ?

La question des violences de couple à l’adolescence. Une violence cachée et pourtant bien réelle qui reste un angle mort des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes : 26 % des jeunes filles d’aujourd’hui vivent des violences amoureuses, avec des situations d’emprise qui dégénèrent vers des situations parfois plus graves.

Et celle du manque de liberté : les adolescentes d’aujourd’hui sont encore 84% à ne pas s’habiller comme elles le souhaitent, à cause de leur peur du regard encore trop massivement posé sur elles par les hommes. Deux tiers d'entre elles sont harcelées. Une privation (de liberté) que ne connaissent pas les garçons.

Le regard de deux garçons au passage d'une jeune fille
Le regard de deux garçons au passage d'une jeune fille - (c) iStockPhoto

Les filles sont plus anxieuses que les garçons dites-vous également ?

Oui, c'est un vrai sujet, notamment lié aux troubles des comportements alimentaires, qui ont  explosé avec le confinement et touchent principalement les filles. Tout comme la pratique des scarifications. Conséquences chez ces dernières ? Plus de difficultés à dormir, de dépressions, d'hospitalisations pour tentatives de suicide.

Une différence filles-garçons qui n'est pas nouvelle. De plus en plus de psychiatres l'expliquent par des violences sexuelles féminines subies dans l'enfance ou à l'adolescence. 

Se définissent-elles comme féministes ?

Elles sont nombreuses à se définir comme telles à partir de 18 ans, donc bien plus tôt qu'aux générations précédentes, maîtrisant des sujets comme la transidentité ou la non-binarité dès l'âge de 13-14 ans et n'admettant plus les propos sexistes.

Pour elles, être féministe signifie (à la différence de leurs aînées) vouloir l’égalité et non pas des combats contre les hommes, qu’elles veulent au contraire intégrer.

Quels constats faites-vous sur leur vie affective et sexuelle ?

Deux points sont nettement ressortis de l’enquête : Internet, qui a du bon, peut aussi être le lieu de tous les dangers, je pense notamment à la pornographie.

Et les cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EARS), normalement obligatoires à l’école depuis 2001, ne sont pas donnés partout et quand ils le sont, ne parlent pas suffisamment de consentement, de sentiments et de plaisir. Des sujets encore trop souvent tabous dans les familles

Groupe d'amis, filles et garçons, lycéens
Les jeunes filles souhaitent dans leur majorité inclure les garçons dans leur combat pour l'égalité femmes/hommes. (c) iStockPhoto

Que faire pour remédier à ce manque ?

Nombre d'experts et d'acteurs de terrains rencontrés m'ont dit qu'il faudrait, pour les jeunes, davantage de possibilités de discussions sur les relations garçons-filles et l’éducation à la sexualité, aussi bien à l'école que dans l'espace public.

Et ce même si bien plus de ressources existent pour s’informer qu’il y a vingt ans, sur Internet et dans les rayons des librairies.

Comment cette génération se projette-t-elle dans son avenir professionnel ?  

Les jeunes filles ne s’autorisent pas certains métiers, pensant qu’elles n’en ont pas les capacités, ne s’orientent pas vers des études scientifiques ou ont des difficultés à prendre la parole en public. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur ces sujets, à l’école notamment.

Qu’admirez-vous chez ces jeunes femmes ?

Leur sororité, leur désir de se former, leur solidarité, leur ouverture d’esprit, leur envie de se battre, l’empathie qu’elles ont, malgré tout, envers les garçons et leur envie profonde de faire alliance avec eux !
 

À LIRE

Ce que nos filles ont à nous dire", de Florence Pagneux, Éd. La Mer Salée