Jeunes du collège Saint-Louis (35)
Education et scolarité
13 mai 2025, modifié le 15 mai 2025

Prendre soin des jeunes et de leur santé mentale

Grande Cause nationale 2025, la santé mentale des jeunes est devenue un sujet de société majeur. À Apprentis d’Auteuil, le bien-être des enfants et des adolescents est au cœur des préoccupations des équipes, confrontées depuis des années à des parcours de jeunes complexes, aux multiples répercussions sur leur vie et leur avenir. 
Photo d'ouverture Philippe Besnard/Apprentis d'Auteuil

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Beaucoup de jeunes ne vont pas bien, surtout depuis la crise sanitaire en 2020. A Apprentis d'Auteuil, les établissements prennent soin des jeunes et les informent sur leur santé et leur bien-être. La santé mentale est devenue Grande Cause nationale 2025.

Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Élena, 9 ans. La petite fille, confiée par les services de l’Aide sociale à l’enfance à la Maison d’enfants Don-Bosco, à Charleville-Mézières, dans les Ardennes, est toute contente de coller son prénom à l'emplacement du mot « Heureux » sur la fusée des émotions affichée dans la salle commune. À sa disposition, d’autres termes comme « Joyeux », « Déçu », « Triste », « Énervé », En colère », « Honteux », « Content ». Cet outil ludique, simple d’usage, est devenu une routine. Non seulement il permet aux enfants d’identifier leur humeur du jour et de s’exprimer, mais il éclaire l’équipe sur l’état émotionnel de chacun pour mieux s’ajuster et trouver les bonnes réponses éducatives.

 

MECS  Don Bosco à Charleville Mézières. Unité de Vie SALSA. Séance individuelle de soutien, assurée par Déborah Michel, éducatrice scolaire avec Elena
La première chose qu’Elena fait quand elle entre en classe est de placer son nom sur la fusée des émotion, accompagnée par Déborah Michel, éducatrice scolaire. Aujourd’hui, jour de son anniversaire, elle est très heureuse. Elena est placée à la Maison d'enfants Don-Bosco à Charleville Mézières. (c) Roberta Valerio/Apprentis d'Auteuil
MECS Don Bosco à Charleville Mézières. Unité de Vie SALSA. Des post-it  colorés affichés au mur de la classe. Question : Comment te sens-tu dans ta vie d'enfant/adolescent au sein de la maison Don Bosco ?
Les enfants confiés par l'Aide sociale à l'enfance ont répondu par des post-it colorés à la question : "Comment te sens-tu dans ta vie d'enfant/d'adolescent au sein de la Maison d'enfants Don-Bosco de Charleville Mézières ?" (c) Roberta Valerio/Apprentis d'Auteuil

Si la Maison d’enfants Don-Bosco a mis en place ce dispositif pour que les enfants se connectent à leurs émotions, apprennent à se connaître et à identifier les sentiments qui les traversent, c’est que le bien-être des jeunes, et au-delà, leur santé mentale, sont au cœur des préoccupations des équipes. Partout sur le territoire, les éducateurs, professeurs, formateurs, professionnels de terrain de la fondation sont en première ligne et prennent soin des jeunes, que ce soit dans les établissements scolaires, de formation, d’insertion, ou dans les structures de protection de l’enfance. Ils constatent les besoins d’information et d’accompagnement des jeunes sur le sujet de la santé mentale, rejoignant les constats au niveau national. 

Un thème de société central

Les questions de santé mentale se sont imposées dans le débat public français depuis la crise sanitaire du Covid en 2020. Les différents épisodes de confinement ont particulièrement touché les adolescents et les jeunes adultes, les limitant dans leurs interactions sociales, leur scolarité, leurs loisirs extérieurs. Et faisant littéralement exploser l’usage des écrans. 
Différentes enquêtes menées au niveau national (l’enquête EnClass de Santé publique France sur les collégiens et les lycéens, par exemple, ) pointent une dégradation de la santé mentale des jeunes Français et l’augmentation des troubles de l’humeur, des troubles anxieux et de la dépression, à tel point que le Gouvernement a fait de la santé mentale la « Grande Cause nationale 2025 ».

À Apprentis d’Auteuil, cette question de la santé mentale de jeunes en difficulté sociale, familiale ou scolaire, cumulant parfois ces trois problématiques, est cruciale. Sa prise en compte fait partie intégrante du projet éducatif et de l’accompagnement global de chaque jeune, dans toutes les dimensions de sa personne. « Un mal être conjugué à leurs difficultés peut se manifester de différentes manières et à des niveaux de gravité différents :  manque d’estime de soi, peurs, anxiété. Il altère leurs relations aux autres et peut conduire à des problèmes de rupture dans les parcours scolaires, d’addiction, voire, à de conduites à risque. Il nécessite un cadre sécurisant et un accompagnement », explique Jeanne-Marie Trantoul-Gadrat, cheffe de projet à Apprentis d’Auteuil.

 

Groupe scolaire Val de Drôme - médiation animale avec Natacha Vauclin, Ornella CAP2, Léana 4ème, Préscillia CAP2 et Usko le chien
De la médiation animale est organisée pour apporter de l'apaisement et du bien-être aux jeunes au groupe scolaire Val-de-Drôme, à Montéléger, dans la Drôme. Ici, Natacha Vauclin, avec Ornella, Léana, Préscillia, autour du chien Usko. (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Sensibiliser les équipes et les jeunes

La sensibilisation et la formation des équipes est essentielle, en lien avec des partenaires, grâce aux modules Premiers Secours en santé mentale, par exemple, ou à Kayrn, un programme pour aborder les traumas des jeunes et mieux les accompagner. Des ressources sont mises à disposition des professionnels : documentation, adresses utiles, rencontres thématiques. Les bonnes pratiques sont valorisées et partagées. Le but est, dans un premier temps, de pouvoir repérer les signes précurseurs d’un mal-être chez les jeunes : insomnies, manque d’hygiène, négligence vestimentaire, irritabilité, troubles alimentaires, prises de risque, etc., pour savoir comment réagir et quand les orienter vers des professionnels du secteur médical. 

Alors que nombre de jeunes n’osent pas parler, l’objectif est également d’aborder librement ce sujet encore stigmatisé dans la société. Les équipes, qui ont un lien privilégié avec les jeunes au quotidien et nouent avec eux des relations de confiance, peuvent faire comprendre aux jeunes que la santé mentale nous concerne tous, et ainsi, alléger leur sentiment de honte ou de culpabilité. Parler, accepter de l’aide n’est pas honteux. 

Des leviers pour aller mieux 

Des initiatives sont déployées dans de nombreux établissements pour favoriser le bien-être des jeunes :  la médiation animale, comme au groupe scolaire Val-de-Drôme, à Montéléger, dans la Drôme, ou au campus éducatif et écologique Saint-Philippe, à Meudon, dans les Hauts-de-Seine. Des séances de relaxation sont organisées à la Maison d’enfants La Valbourdine, à Toulon. Ailleurs, on trouve de la socio-esthétique pour apprendre à prendre soin de son corps, de l’art-thérapie, de la musicothérapie...

Ecole Saint-Etienne -  Mélanie Barbotin (éducatrice), dans la salle Snoezelen, pendant un temps d'échange individuel avec un enfant, appelé "bulle d'oxygène"
Séance "bulle d'oxygène" dans la salle Snoezelen de l'école Saint-Étienne, à Saint-Estèphe, près de Bordeaux. Mélanie Barbotin, monitrice éducatrice, anime ce temps d'échange individuel, destiné à apaiser les jeunes et à leur permettre d'exprimer leurs émotions. (c) Astrid Lagougine/Apprentis d'Auteuil

À l’école Saint-Étienne et son internat éducatif et scolaire, situés à Saint-Estèphe, près de Bordeaux, dans le Médoc, la gestion des émotions est prise très au sérieux. « Pourquoi je suis en colère ? » « Pourquoi je pleure ? » Face aux besoins et aux questions des élèves, l’équipe éducative a installé un dispositif déjà expérimenté à la Maison d’enfants Sant-Jordi, à Perpignan. La salle Snoezelen, du nom de cette méthode née il y a une cinquantaine d’années aux Pays-Bas, permet aux enfants de se détendre et de s’apaiser dans une lumière bleutée, entourés d’installations lumineuses et baignés par une musique apaisante. Des éducateurs et des enseignants ont été formés à la méthode. Parmi eux, Mélanie Barbotin, monitrice-éducatrice : « Quelquefois, les comportements sont difficiles à gérer : des cris, des crises de colère. Cette salle nous permet d’accompagner les enfants, de les recentrer, de les apaiser, pour qu’ils ressentent un mieux-être. Cela leur permet de libérer leurs émotions, de parler quand ils ont un sentiment d’injustice. Quelquefois, le retour à la maison est difficile – personne ne joue avec moi, on ne s’occupe pas de moi... Ils se confient sur leur quotidien, leur histoire, leurs joies, leur tristesse.»

Des situations complexes

Les jeunes adultes sont eux aussi accompagnés sur ces sujets de santé mentale, comme à la Touline d’Apprentis d’Auteuil à Lyon et à la résidence sociale Saint-Bruno de Vaulx-en-Velin. « Sur les 200 jeunes que nous accompagnons, environ un tiers d’entre eux ont vécu des expériences de traumas à différents degrés (abandons, violences, abus sexuels), estime Maxime Chopard, le responsable. Ils souffrent aussi d’addictions, notamment aux substances psychoactives et aux écrans. Comme beaucoup de mes collègues, je note une montée certaine des difficultés en santé mentale dans la population des jeunes que nous accompagnons depuis la pandémie. Nous sommes aussi confrontés aux difficultés actuelles du secteur de la psychiatrie, très engorgé. » 
Pour y remédier, la Touline et la résidence sociale se sont constitué un réseau de partenaires qui peuvent agir en cas de crise. Des ateliers d’équithérapie et de boxe thérapie sont proposés aux jeunes de Saint-Bruno. La Touline a transformé en cocon accueillant une pièce où est diffusée de la musique douce. Un cadre qui agit sur le sentiment de sécurité des jeunes et leur permet de parler en confiance lors des entretiens.  

MECS  Don Bosco à Charleville Mézières. Dans la salle de sport de l'Unité de Vie Quai Roussel, une séance collective géré par Hakim Chioui, ex champion de France mi-lourds (2011 et 2013), professeur de sport. Yénis fait de la boxe, Louanne du vélo et Loann de la course à pied.
Dans la salle de sport de la Maison d'enfants Don-Bosco de Charleville Mézières, une séance collective animée par Hakim Chioui, professeur de sport et ex champion de France mi-lourds (2011 et 2013). Yénis fait de la boxe, Louanne du vélo et Loann de la course à pied.
(c) Roberta Valerio/Apprentis d'Auteuil

Enfin, Apprentis d’Auteuil déploie un programme pour des jeunes en situation de grande fragilité, dite « complexe », et qui ont besoin d’un suivi spécifique. C’est le cas pour un certain nombre de jeunes de la Maison d’enfants Don-Bosco. Jérémy Rampon, le directeur, souligne : « Le recrutement des éducateurs, maîtresses de maison et surveillants de nuit est déterminant, car l’essentiel pour moi est le lien qui peut se nouer entre l’adulte et le jeune. Une fois noué, la confiance s’installe, les enfants et les adolescents retrouvent le sourire, se sentent bien et peuvent construire avec les adultes une relation solide et durable. Sans confiance, on ne peut rien construire. »  

Outre l’accompagnement individualisé et l’encadrement renforcé, adapté aux besoins des jeunes, l’établissement déploie un éventail d’activités sportives, culturelles, manuelles pour qu’ils retrouvent le goût des apprentissages, reprennent confiance, découvrent leurs talents. Le sport y joue une large part : la boxe et le fitness permettent aux jeunes de se délester d’un trop plein d’émotions. Loïs, 11 ans, remarque : « Avant, je m’énervais beaucoup à l’école et à la Maison d’enfants. Après avoir passé six ans à l’unité de vie des petits, j’ai grandi. Aujourd’hui, dans celle des adolescents, je me sens mieux, plus autonome. Déborah, l’éducatrice, m’a beaucoup aidé. J’ai bien progressé. »

La fondation poursuit sa réflexion sur ce sujet aux multiples ramifications. Les établissements développent la prévention et avancent, en lien avec des partenaires. Chacun sait que le bien-être et la confiance en soi des jeunes se travaillent avec eux, au jour le jour, par un accompagnement bienveillant. Maxime Chopard, à Lyon, conclut : « Les jeunes ont besoin d’attention, de respect, de patience, d’espoir, de bienveillance, de dédramatisation, de qualité de regard posé sur eux... Ces questions ne touchent pas seulement les jeunes en précarité, mais tous les jeunes. Et aussi les adultes que nous sommes ! La crise du Covid a certes fait des ravages, mais elle a aussi permis que la santé mentale devienne un sujet dont nous osons de plus en plus nous emparer et parler. »

MECS  Don Bosco à Charleville Mézières. Moment de relaxation pour Louanne, 11 ans, au Parc, Le Mont Olympe
Moment de relaxation pour Louanne, 11 ans, au Parc, Le Mont Olympe. La jeune fille est placée à la Maison d'enfants Don-Bosco à Charleville Mézières. (c) Roberta Valerio/Apprentis d'Auteuil

ZOOM
20,8% des 18-24 ans disaient avoir des difficultés - troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires - en 2022, contre 11,7% en 2017
(Baromètre 2023 de Santé publique France)

Parmi les formations proposées à Apprentis d’Auteuil


Kayrn : inspirée d’une méthode québécoise, cette formation vise à apporter aux professionnels une meilleure connaissance des traumas complexes et des séquelles associées pour mieux accompagner chaque jeune, en lien avec son histoire. 

Premiers Secours en Santé Mentale forme des secouristes parmi les équipes, capables de mieux repérer les troubles en santé mentale, d’adopter un comportement adapté, d’informer sur les ressources disponibles, d’encourager à aller vers les professionnels adéquats et, en cas de crise, d’agir pour relayer au service le plus adapté.