médiatrice scolaire
Education et scolarité
07 juillet 2025

A la rencontre des enfants du quartier Saint-Jacques, à Perpignan

Depuis près de dix ans, des médiateurs d'Apprentis d'Auteuil accompagnent des jeunes de collèges publics de Perpignan et tissent des liens entre les familles et l'école. Reportage, à la fin de l'année scolaire, avec les enfants du quartier Saint-Jacques, que suit Charlène Lanaille, une des deux médiatrices scolaires d’Apprentis d’Auteuil, au sein d'un dispositif de raccrochage.  

Quartier Saint-Jacques, Perpignan. En ce début de matinée, la plupart des élèves sont déjà entrés dans leur établissement. Charlène Lanaille, médiatrice scolaire d’Apprentis d’Auteuil au collège Jean-Moulin, a donné rendez-vous à un petit groupe d’élèves devant les larges portes du collège public. C’est presque la fin de l’année scolaire. L’air est déjà aux vacances. 

L’un après l’autre, ils arrivent, un peu intimidés. Shakana, Tony et Shabeli sont issus de la communauté gitane. Charlène les connaît bien. Depuis la rentrée 2024, elle les accompagne, comme tous ceux qui font partie du dispositif de raccrochage scolaire DPAS, et fait le lien entre le collège et les familles. Un travail de dentelle pour approcher la communauté gitane, rassurer, persuader chacun de l’utilité de l’école, soutenir les enfants dans leurs apprentissages. Un bon nombre d’entre eux ne savent ni lire ni écrire. Shakana, en 6e, résume la mission de Charlène : « Elle nous fait découvrir des choses, elle regarde comment on travaille et nous aide à travailler. Elle aide aussi les familles à remplir des papiers comme le dossier de réinscription à l’école. »

médiatrice scolaire devant le collège Jean Moulin
Charlène Lanaille, médiatrice scolaire, rencontre les jeunes du projet musical devant le collège Jean Moulin (c) Teaser Medias

La fierté de monter sur scène

Aujourd’hui, il n’est pas question de travail scolaire, d’assiduité ou de papiers à remplir. Les jeunes mettent la dernière main à la chanson qu’ils vont interpréter lors de la fête de l’école. Une grande première : ces élèves n’avaient jamais participé au spectacle de fin d’année. Il a fallu beaucoup de bienveillance et de persévérance pour convaincre tout le monde. Mais le résultat est là. Maintenant, sur la scène de la Casa musicale, ce sont des jeunes radieux qui entonnent la chanson patiemment écrite en trois semaines, Les enfants de Saint-Jacques. Le texte parle de leur communauté, de leur famille, du quartier où ils ont grandi et auquel ils sont si attachés, des thèmes qui leur sont chers : le respect des anciens, le mariage, la fête, les coutumes.

Mine de rien, en écrivant les paroles et la musique de la chanson, accompagnés par des professionnels, Delf à la guitare, Samados aux percussions, ils ont travaillé la lecture et l’écriture et y ont mis beaucoup d’eux. Les artistes ont encouragé les jeunes, les ont aidés à se sentir à l’aise sur scène. Valorisés, les adolescents sont fiers du travail accompli, fiers de montrer qui ils sont. « Charlène porte des enjeux importants, souligne Chloé Azzopardi, responsable des dispositifs d’insertion et de lutte contre le décrochage scolaire d’Apprentis d’Auteuil à Perpignan. Il s’agit de faire évoluer des fonctionnements par rapport à l’école et aux apprentissages, et au-delà, de contribuer à changer les regards des gens sur ces familles et inversement. »

médiatrice scolaire
Lors de la répétition de la chanson, Charlène, la médiatrice scolaire, entourée des jeunes et de Delf, la guitariste et accompagnatrice du projet. (c) Teaser Medias

Charlène, elle, est forte d’une longue pratique du travail social dans le handicap. Elle souligne aussi qu’en tant que maman d’ado, elle connaît les difficultés rencontrées au collège durant cette période parfois délicate. Elle pense en particulier aux réseaux sociaux, à leur importance pour les adolescents, et au revers de la médaille, le harcèlement, les préjugés et contrevérités qui y prolifèrent. 

En quelques mois, elle a réussi à nouer un vrai lien de confiance avec des familles, a priori loin des codes de l’école, méfiantes vis-à-vis de telles initiatives. Patiemment, elle a fait du porte-à-porte, a engagé le dialogue. « Venir à la rencontre, c’est normal et essentiel pour cette communauté, souligne-t-elle. J’ai commencé par un temps d’observation pour bien comprendre les familles, décortiquer les codes, comprendre aussi pourquoi les enfants ne venaient pas à l’école. Il a fallu me présenter, expliquer qui j’étais, quelle était ma mission, différente de celle d’une assistante sociale. » 

Des défis quotidiens à relever

Parmi les qualités à mettre en œuvre, Charlène met en avant la patience, l’écoute, l’envie d’accompagner ces enfants. Car la difficulté à accrocher les familles et les élèves, l’absentéisme quotidien, le décrochage scolaire, l’habitude de faire quitter l’école aux filles dès qu’elles grandissent, l’addiction aux écrans, sont des défis à relever au jour le jour. Il lui faut aussi prendre en compte l’angoisse des familles et des jeunes vis-à-vis de l’institution scolaire. « L’école, les diplômes sont pour eux secondaires, note-t-elle. Cela fait partie de ma mission que d’expliquer combien ils sont importants, qu’ils offriront une chance à leurs enfants d’avoir un métier, un avenir. Ce sont des enfants extraordinaires. Ils méritent qu’on s’intéresse à eux. » À voir le visage souriant et détendu de Shabeli, 13 ans, son envie de poursuivre ses études, sa timide projection dans l’avenir et peut-être, dans un métier de l’esthétique, on se dit que de grands pas ont déjà été accomplis. 

Zoom

Le premier poste de médiateur scolaire Apprentis d’Auteuil a été créé en 2016, suite à une demande du collège public Pons et de la Préfecture. Affecté à un établissement d’un quartier prioritaire de la ville (QPV), le médiateur scolaire a une mission de six ans maximum auprès de publics en difficulté. Actuellement, elles sont deux à intervenir dans deux collèges de Perpignan : Jean-Moulin, et Pons.