Engagé ! Le parcours de Gilles Lesueur, responsable de la Maison des familles d'Ermont-Eaubonne

Gilles Lesueur se moque gentiment de sa première vocation : « Banquier ! ». Et en effet, on imagine mal ce sémillant quinquagénaire à la faconde méditerranéenne, lunettes colorées, tout sourire, aujourd'hui responsable de la Maison des familles d’Ermont-Eaubonne, s’épanouir derrière un bureau. Normand d’origine, il finance ses études à Caen par un emploi de surveillant en collège. Il y côtoie des jeunes en difficulté familiale et sociale et change d’orientation. « La découverte de la précarité m’a été insupportable. Il fallait que j’agisse, même à mon modeste niveau », confie-t-il. Il devient aide-éducateur en emploi jeune dans un collège sensible où des actes de violence ont été commis. En écoutant les jeunes raconter leurs difficultés, en prenant en compte leur parole, en les valorisant grâce à des projets, Gilles conforte sa nouvelle vocation. 

La vocation du social

En l’an 2000, diplômé en médiation sociale, il devient moniteur éducateur à Apprentis d’Auteuil à la Maison d’enfants Louis-Roussel de Massy, près de Paris. « La fondation m’a fait confiance », souligne-t-il. Quelques années plus tard, diplôme en poche, il éprouve le désir de travailler dans le champ du handicap, plus précisément dans celui des troubles psychiques. Engagé dans un service d’accompagnement à la vie sociale pour adultes à Palaiseau, puis auprès d’enfants en service d’éducation spéciale et de soins à domicile à Sainte-Geneviève-des-Bois, il passe une validation des acquis de l’expérience et devient éducateur spécialisé.

Penser et agir avec les familles

En 2011, fort de ce sésame, il réintègre Apprentis d’Auteuil, cette fois au service de placement des jeunes à domicile de la Maison d’enfants Saint-Antoine, à Marcoussis, toujours en région parisienne. La particularité de ce dispositif de la protection de l’enfance ? Les jeunes sont placés au sein même de leur famille, non pas dans un collectif en foyer, ce qui permet un travail d’accompagnement éducatif dans l’écosystème familial. « Auparavant, je m’étais interrogé sur la place des familles dans l’accompagnement des jeunes. C’est mon fil rouge. J’ai suivi la formation « Éduquer avec la famille » en interne. J’y ai découvert les Maisons des familles d’Apprentis d’Auteuil et leur rôle dans le soutien à la parentalité. » 

Enfin, il obtient un master en Éducation familiale et intervention sociale en Europe. « Sans en avoir encore pleinement conscience, j’étais déjà dans le droit fil du « Penser et agir ensemble », la dynamique développée par la fondation : j’arrivais dans les familles, non pas en éducateur prodiguant ses conseils, mais en prenant le temps d’écouter les familles et les jeunes, de réfléchir avec eux à la manière dont ils pouvaient agir pour améliorer leur situation. Et aussi à la façon dont je pouvais les accompagner pour y arriver. Il s’agissait déjà de coconstruire ensemble », analyse-t-il. 

En 2021, il concrétise son vœu professionnel en devenant responsable de la Maison des familles d’Ermont-Eaubonne, coportée par Apprentis d’Auteuil et le Secours catholique, qui accueille quatre-vingts familles par an. Son rôle est de coordonner l’ensemble des activités de la Maison, de piloter la gestion administrative et la recherche de financement, qui demeure l’un des défis à relever.

Accueil inconditionnel

Parmi les qualités indispensables à son métier : « bienveillance, écoute, empathie, non jugement. Et en premier lieu, savoir accueillir », souligne le responsable. Du mardi au vendredi, de 9h à 17h, c’est avec ces mots simples - « Bonjour, bienvenue les enfants ! » - assortis d’une vigoureuse poignée de main, que Gilles, entouré d’une collègue et de quelques bénévoles, reçoit les familles. Le pavillon où s’est installée la Maison des familles offre ainsi un moment de répit, de partage et de convivialité aux mamans avec leurs enfants. 

Pour briser la glace et après avoir fait faire le tour du propriétaire, Gilles offre un café aux visiteuses. « Ma mission est de m’assurer qu’un cadre d’accueil bienveillant est donné aux familles en situation de précarité, qu’elle soit matérielle, financière ou sociale. Nous accueillons essentiellement des familles isolées, c’est-à-dire, en demande d’asile, et qui n’ont pas de lien social à l’extérieur », explique Gilles. 

Quand on l’interroge sur les activités de la Maison, il évoque sa singularité : « Ce qui se vit ici est né de l’envie et du besoin des familles. Nous ne leur disons pas ce qui est bien ou pas pour elles. En revanche, nous les accompagnons et les soutenons. Nous les poussons aussi dans leurs retranchements en les questionnant. Ce sont elles qui trouvent leurs réponses. »

Coconstruire des projets

C’est ainsi que les mamans ont, par exemple, imaginé un atelier bien-être de soins esthétiques. « Prendre soin d’elles influe aussi positivement sur leur parentalité, fait remarquer Gilles. Ici, nous avons réussi à recréer un lieu familial et convivial. Les mamans me disent que c’est leur deuxième maison, leur deuxième famille. Elles se sentent chez elles, en sécurité. Elles partagent du temps. » Et construisent ensemble des projets : jeux de société, sorties au parc, journée à la mer... 

Parmi les meilleurs souvenirs, Gilles évoque le tournage d’un reportage cet hiver pour l’émission La maison des Maternelles sur France 2 : « Les mamans avaient organisé un atelier pâtisserie avec les enfants. Elles les laissaient mettre la main à la pâte. J’ai trouvé ça génial, car ici, nous ne recherchons pas la perfection, juste le goût et le plaisir. » Autre atout de la Maison des familles, le partage d’expériences pour ce père de famille qui trouve les échanges très enrichissants. Gilles se souvient aussi des prises de parole en public de mamans très timides qui parviennent à s’ouvrir aux autres, à prendre confiance en elles. « Cela fait partie de mes souvenirs marquants. Ici, les mamans oublient leurs soucis », conclut Gilles Lesueur.