
A Montdidier, un lieu où surmonter les vulnérabilités
Si la Maison des familles de Montdidier, dans la Somme, est le lieu par excellence du soutien à la parentalité et de l’accueil inconditionnel des enfants et des parents, le milieu rural dans lequel elle est située nécessite une solidarité sans faille pour surmonter les vulnérabilités. Et construire ensemble son avenir.
Ce mercredi matin, à la Maison des familles de Montdidier, le café fume. Installée dans la cuisine, Élodie, à l’aise avec le traitement de texte, met en forme le devoir qu’Audrey a rédigé dans le cadre de sa reconversion professionnelle d’accompagnant éducatif et social pour les élèves en situation de handicap. Les éclats de rire des deux mamans solos font rempart à la pluie qui s’abat sur le jardin partagé du pavillon où la Maison des familles a emménagé l’été dernier. « Je ne m’attendais pas à un tel élan de solidarité. Ici, j’ai trouvé une famille », reconnaît Audrey.

De son côté, Aurore, une autre maman, s’est rendue dans la salle de jeux pour jouer avec son fils, Baptiste, 6 ans, souffrant d’un trouble du spectre autistique. « Ici, je prends du temps pour moi, je fais du yoga », confie la jeune femme. Cette année, elle a pu se reposer, l’esprit tranquille, grâce à Audrey qui lui a proposé de s’occuper de son fils lors d’un séjour de vacances de la Maison des familles.
Solidarité constante
En milieu rural, à Montdidier et dans les alentours, la solidarité est une nécessité. Les familles, habituées à affronter des difficultés de mobilité, de formation, d’insertion, de garde d’enfant, s’épaulent et se soutiennent. Dans une région meurtrie par la désindustrialisation, l’emploi, notamment pour les jeunes, est devenu rare. Quand avec Lucile Sessou, l’énergique directrice de la maison, nous évoquons la situation des personnes qui fréquentent les lieux, environ 80 familles en 2024, elle explique préférer au terme « précarité » celui de « vulnérabilités », plus adéquat. Pour la directrice, ce sont ces moments de vie qui fragilisent : la maladie, qui peut mener à la dépression, des chocs émotionnels, tels un divorce, une séparation, un veuvage, un isolement social qui peut enfermer, la recherche d’un travail, d’une formation. Mais aussi l’absence de solution pour faire garder son enfant ou pour se déplacer.

Lever les freins, déjouer les peurs
Dans cet espace de soutien à la parentalité, l’équipe et les bénévoles s’emploient à combattre les vulnérabilités en levant les freins à la mobilité, à l’insertion professionnelle et les freins psychologiques qui empêchent de se projeter au-delà de Montdidier. Les ateliers, les entretiens individuels ou collectifs, les échanges, l’ambiance, tout contribue à créer du lien, à lever les peurs, à rechercher ensemble des solutions. « Nous mettons en commun nos savoir-faire et nos savoir être pour faire de la maison un lieu de partage, de convivialité et de solidarité pour redonner confiance et valoriser les compétences de chacun », explique Lucile.
14 heures, les familles arrivent. Une vingtaine de mamans, une dizaine d’enfants et une poignée de bénévoles se pressent dans la salle à manger. Dans la famille d’Aurore, je voudrais Marie-Claude, 72 ans, l’arrière-grand-mère. Présente ! À la Maison des familles, parents et enfants se retrouvent ainsi parfois sur quatre générations. Et toujours avec d’autres familles, tissant des liens de cœur aussi solides que ceux du sang.

En quelques minutes, la table est dressée pour un après-midi jeux de société. À l’heure du goûter, les gâteaux sont vite engloutis. Imperturbable dans ce joyeux tohu-bohu, Steven, un bénévole, pose une barre de seuil. Le jeune homme de 27 ans, chauffeur routier après un accident de travail dans le secteur du bâtiment, met volontiers la main à la pâte durant son temps libre : « Si je n’avais pas été accueilli par la Maison d’enfants d’Apprentis d’Auteuil Marcel-Callo, dans l’Oise, je ne sais pas si j’en serai là aujourd’hui. À mon tour, je veux aider les enfants. »


À 15h30, Marie-Claude se rend à l’atelier de sophrologie. « Sortir de chez soi, voir du monde, travailler sur ses émotions dans l’atelier, ça fait du bien », confie-t-elle. Et Lucile de conclure : « Ici se rencontrent des personnes qui ne se seraient pas rencontrées ailleurs et qui se reconnaissent en humanité, qu’elles soient ou non de la même famille. Certaines arrivent avec le visage défait. Elles repartent avec une tout autre posture, la tête redressée. »
En bref
Ouverte en 2016, d’abord antenne d’Amiens puis entité autonome depuis 2019, la Maison des familles a accueilli 80 familles en 2024, essentiellement des femmes avec enfants, souvent mamans solos, et des personnes âgées. Elle est la seule de sa communauté de communes à bénéficier de l’agrément "Espace de vie sociale" financé par la caisse d'allocations familiales (CAF).
La Maison des familles bénéficie de financements croisés, dont ceux de la CAF, et de mécénat. Elle fait partie d'un réseau de Maisons des familles porté par Apprentis d'Auteuil et le Secours catholique. Elles sont actuellement au nombre de 25.
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