Société
28 juin 2021

L'art de bien parler, un enjeu porteur de sens pour les jeunes

GRAND ANGLE. Pour la première fois au programme du nouveau bac, l’art de bien parler a le vent en poupe. Un enjeu porteur de sens pour les jeunes. Par Agnès Perrot. 

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Cette année, il y a une nouvelle matière au bac, l'art de bien parler. Une matière importante pour l'avenir des jeunes. Bien parler peut les aider à mieux s'exprimer, à avoir plus confiance en eux et à réussir leurs études.


D’évidence, l’apprentissage de l’expression orale est dans l’air du temps. Après avoir longtemps été la grande oubliée du cursus scolaire en France, la discipline vient de retrouver ses lettres de noblesse avec l’épreuve du grand oral du nouveau bac général et technologique : un exposé-entretien de 20 minutes face à un jury. 

Une compétence utile

Cette initiative de l’Éducation nationale s’ajoute à la demi-heure supplémentaire de français consacrée depuis la rentrée 2019 à un enseignement hebdomadaire d'éloquence en classe de troisième. Sans oublier la vogue grandissante des concours d’éloquence en collège et lycée, longtemps réservés aux grandes écoles et aux universités.

Mais qu’est-ce qu’au juste que l’art de bien parler ? « C’est l’art de développer une pensée propre, et non la simple déclamation d’un savoir reçu », précise Pablo Martin-Paneda, enseignant en lycée et cocréateur de Mon oral, une application pour aider les profs à entraîner leurs élèves, conçue par le service en ligne Le Projet Voltaire, numéro 1 de la remise à niveau en orthographe. 

Apprendre à construire sa pensée

Partager ses convictions, défendre son point de vue, apprendre à construire sa pensée, capter la bienveillance de son auditoire, autant d’ingrédients qui font de l’art oratoire une aventure aussi intéressante que nécessaire. « En plus de montrer l’étendue de ses connaissances, l'élève qui présente son grand oral du bac doit délivrer un discours clair, structuré et qui donne envie », souligne encore Pablo Martin-Caneda. « L’éloquence est un enjeu fondamental pour tous les jeunes, au lycée bien sûr, masisaussi dès l'âge collège, voire même avant ».

Un enjeu fondamental 

Et le professionnel de préciser : « Ceci, non seulement pour qu’ils réussissent leur bac, mais pour qu’ils intègrent la formation de leur rêve, trouvent du travail et plus important encore, vivent de manière la plus libre et authentique possible, en ayant appris à s’affirmer » souligne encore l'enseignant. 

« J’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner à l’exercice avec les professeurs de spécialité de mon lycée, très déterminés à nous faire avancer, confie en écho Paul, 17 ans, en terminale générale. De tempérament plutôt réservé, je  ne me sentais pas du tout légitime pour prendre la parole devant mes camarades en début d'année. Encouragé par mes enseignants, j'ai persévéré ».

Parler en public, ça s'apprend

L'apprentissage à la prise de parole est désormais inscrite dans les programmes de l'Education nationale.Photo Eloquentia
La prise de parole est désormais au programme de l'Éducation nationale. Photo Eloquentia

Reste que s’adresser à un auditoire est souvent perçu comme une des plus grandes peurs partagées au monde. Pourtant les spécialistes s’accordent pour le dire, parler en public s’apprend. Laurent Delvolvé, avocat au barreau de Paris et animateur de sessions à la prise de parole l'atteste. « Même si certains tempéraments ont plus de prédispositions de départ que d’autres, souligne l'avocat, tout le monde peut progresser à l’oral à force d’entraînement, de conviction et de confiance en soi. Dans nos vies, tout passe par la parole. Elle peut changer le monde ! »

Une parole vraie

Pour ce faire, le professionnel propose à ceux qui souhaitent se lancer dans la discipline de donner le meilleur d'eux-mêmes en s’exprimant avant tout avec leurs mots propres. « J'invite ensuite les candidats à être le plus enthousiaste possible et à accepter le regard de l’autre, en s’ouvrant à lui et en le prenant en compte en tant que personne. Plus notre parole est vraie, plus on rejoint son auditoire et la magie opère », poursuit-il. Conditions requises : assumer sa légitimité à prendre la parole et accepter que la personne qui nous écoute puisse ne pas être d’accord avec notre manière de penser.

« Les oraux blancs de préparation à l'examen, raconte de son côté le jeune Paul, m'ont permis d'apprendre à parler moins vite, à bien articuler et à regarder le jury dans les yeux. Je me sens désormais beaucoup plus opérationnel ».

L'art de se faire confiance

Car, paradoxe apparent, apprendre à parler en public développe l’art de se faire confiance. Jusqu’à en devenir un vrai plaisir, même pour les plus réservés. Un point de vue qui a fait, au fil du temps, l'un des arguments phare du programme Eloquentia, créé en 2012 en Seine-Saint-Denis par Stéphane de Freitas, entrepreneur social et réalisateur.

Le pouvoir des mots

L’association s’est fait connaître en 2017 avec le film « À voix haute », qui retrace le parcours de cinq jeunes participant à un concours d’éloquence. Tout au long de l'année, elle propose différents types d'ateliers de prise de parole à l’attention de tous les jeunes, dès le début du collège. Et de plus en plus, de leurs enseignants. 

Son but ? Apprendre à être soi, développer son imaginaire, lever sa timidité par les biais de sessions qui mêlent expression scénique, cours de rhétorique, respiration et travail de la voix. Histoire de  mieux faire comprendre aux jeunes le pouvoir des mots.  

« Nous intervenons essentiellement dans le cadre scolaire, souligne Romain Van Den Brande, responsable pédagogique, grâce à une centaine d’animateurs formés par nos soins. Avec notre pédagogie spécifique, nous permettons aux élèves de prendre confiance en eux, en débattant dans le respect et la bienveillance. Les professeurs n'ont pas forcément le temps d'apprendre à leurs élèves à parler en public. C'est vraiment dommage, notamment pour les jeunes les plus introvertis, qui ont tendance à le rester, en plus d'être critiqués parce qu'ils ne participent pas assez en classe ! Or, pour réussir à vivre ensemble, il faut apprendre à se parler, non ? »

Faire briller sa lumière

Apprendre à parler en public, c'est faire briller sa lumière ! Photo : Eloquentia
Apprendre à parler en public, c'est se montrer aux autres et faire briller sa lumière ! Photo : Eloquentia

Prendre la parole devant les autres est une aventure qui a transformé l'existence d'Eunice Assamoi, étudiante en sociologie. La jeune fille a remporté en 2018 la finale du plus grand concours d’éloquence francophone. Aujourd'hui formatrice, elle raconte, éblouie.

« Se former à la prise de parole peut changer nos vies. Élevée en Seine Saint-Denis avec un grand frère brillant, je me sentais illégitime. Bouleversée par une rencontre, dans mon lycée ,avec Stéphane de Freitas, venu présenter sa méthode, j’ai décidé, poussée par une enseignante, de me présenter en 2018 au premier concours Eloquentia HEC, organisé par la Fondation HEC pour des lycéens. Stéphane nous avait dit qu'on pouvait réussir, nous, les enfants de banlieue, et devenir des exemples pour les autres. Selon lui, même ceux qui n’ont pas fait de hautes études, peuvent écouter leurs rêves, les décortiquer et les exprimer. Je n’avais jamais entendu ça ! À ma grande surprise, j'ai gagné le concours. N’ayez pas peur d’assumer qui vous êtes et faites briller votre lumière. Nous avons  tous quelque chose à transmettre ! »

 À LIRE :

À APPRENTIS D'AUTEUIL

  • Permettre aux élèves d’apprendre à s’exprimer à l’oral fait partie des engagements des équipes enseignantes d’Apprentis d’Auteuil en primaire, au collège et au lycée. Et notamment au groupe scolaire Saint-Gabriel de Bagneux, avec ses ateliers de prise de parle en public "Parcours oral, même pas peur" qui remportent un vif succès.
  • La fondation propose également des formations à la prise de parole à des jeunes en MECS ou en parcours d'insertion courts. Comme les adolescents et jeunes adultes accueillis dans les Maisons d’enfants Sainte-Thérèse (75) et Saint-Philippe (92) et dans les dispositifs Boost Insertion d’Ecouen et Propulse Prépa apprentissage de Paris, qui viennent de bénéficier d’un programme Eloquentia, grâce à un mécénat de la fondation Lacoste.