
« La santé mentale est encore un sujet tabou. »
Grande Cause nationale 2025, la santé mentale reste pourtant un sujet tabou dans notre pays selon Aude Caria, la directrice de Psycom, l'organisme public qui informe, oriente et sensibilise sur cette question. Ses explications.
Quelle est la situation des jeunes aujourd'hui en France en matière de santé mentale ?

Chez les jeunes, les questions de santé mentale se caractérisent surtout par des problèmes d’anxiété et de dépression. Selon le Baromètre 2023 de Santé publique France, en 2022, 20,8% des 18-24 ans disaient avoir des difficultés (troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires) contre 11,7% en 2017. Mais il faut être prudent vis-à-vis de ces chiffres. D’une part, nous avons peu de recul concernant la santé mentale des jeunes qui n’est pas mesurée depuis longtemps. D’autre part, parce que les jeunes d’aujourd’hui parlent beaucoup plus facilement de ces difficultés. Ils ont aussi plus d’outils pour comprendre leurs émotions, leurs problèmes, etc.
Le Covid a joué un rôle de révélateur vis-à-vis de ces questions de santé mentale, mais les difficultés des jeunes existaient avant. Les jeunes en difficulté sont plus exposés à des facteurs de risque du fait de leur histoire. Selon l’OMS, l’une des premières causes de perturbation de la santé mentale, c’est l’exposition aux violences économiques, physiques, psychologiques ou sexuelles. Donc, plus les jeunes cumulent des expositions aux violences, plus ils ont de risques que cela se transforme en problèmes d’anxiété, de dépression, de risques suicidaires, etc.
Quelle est la perception du grand public vis-à-vis de la santé mentale ?
Depuis le Covid, le grand public s’intéresse beaucoup plus à cette question, mais le sujet est encore tabou. Or, plus on en parle, moins on a peur et moins on a honte de parler de ses vulnérabilités. C’est un sujet de société qui prend plus d’importance aujourd’hui dans les médias et l’espace public, notamment grâce à la Grande cause nationale 2025.
Quel est l’impact de cette Grande Cause nationale consacrée à la santé mentale ?
Depuis 2023, un collectif dont fait partie Psycom a porté le plaidoyer pour que la santé mentale devienne Grande Cause nationale. Nous nous réjouissons donc que ce soit la Grande Cause 2025. L’impact de la Grande Cause est avant tout médiatique. Cela a fait monter le sujet dans les médias et dans toutes les sphères de la société depuis que le Premier ministre Michel Barnier a annoncé son intention de consacrer l’année 2025 à ce sujet. Cela contribue à une prise de conscience de la société et à une libération de la parole. La santé mentale ne concerne pas seulement l’individu, car les déterminants dépendent aussi beaucoup des conditions de vie, de travail, de logement, des revenus et de l’exposition à des violences ou des discriminations.
Il est important de comprendre que nous avons toutes et tous une santé mentale, comme nous avons une santé physique. La santé mentale c’est un continuum qui évolue entre le bien-être, le mal-être et les troubles psychiques. Tout au long de la vie, notre santé mentale varie, en fonction des obstacles que l’on rencontre et des ressources individuelles et collectives que l’on peut mobiliser. On peut agir pour prendre soin de sa santé mentale et prévenir des problèmes ; et quand on va très mal, on peut avoir besoin de soins. Les déterminants de la santé mentale sont sociaux, économiques, environnementaux. C’est pourquoi, chacun, à sa place, en tant qu’élu, collègue, ami... peut contribuer à la santé mentale des autres, en agissant sur ces déterminants. Il est important de prendre en compte cette dimension collective de la santé mentale au niveau de la société.
Comment accompagner les jeunes avec le manque de moyens aujourd’hui ?
Il existe effectivement une difficulté d’accès aux soins. Le recours aux soins psychiatriques est réservé aux personnes dont les troubles psychiques empêchent de réaliser leurs activités habituelles (aller à l’école, au travail, entretenir des relations sociales, etc.). Mais avant d’en arriver aux soins psychiatriques, il est possible d’agir sur le bien-être de chacun. Cela peut passer par l’entraide, le soutien du collectif, des groupes de parole, une ligne d’écoute… Des dispositifs d’écoute existent aussi à l’école ou dans les établissements de formation ou de protection de l’enfance. Prendre soin fait partie du quotidien des travailleurs sociaux. La prévention en santé mentale est fondamentale et peut contribuer à créer des environnements plus favorables sans avoir recours à la psychiatrie. D’où l’importance d’éduquer toute la société (adultes, enfants ou jeunes) à cette question.
Il existe nombreux outils de médiation développés par Psycom vers lesquels les professionnels peuvent se tourner : la boussole de la santé mentale, le voyage dans le Cosmos mental® pour expliquer la santé mentale et ses influences. Faire de la prévention, ouvrir des espaces de débat sur la santé mentale permet d’aider les jeunes mais aussi les adultes.
Pour savoir plus
Le site internet de Psycom : psycom.org
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