
Maisons d’enfants à caractère social, points de repères
Encore trop peu connues du grand public, les maisons d’enfants à caractère social jouent pourtant un rôle essentiel auprès des jeunes retirés de leurs familles. Le point avec Ludovic Maréchal, directeur de l’Aide sociale à l’enfance à la Collectivité européenne d’Alsace.
Comment définir une maison d’enfants à caractère social (MECS) ?

Les Maisons d’enfants accueillent, pour des périodes plus ou moins longues, des jeunes de tous horizons retirés de leurs familles. Leur mission : offrir à ces enfants et ces adolescents un soutien quotidien, tout en maintenant le lien avec leurs parents.
Publics ou privés (gérés par des associations), ces établissements, travaillent en lien avec avec l’Aide Sociale à l’Enfance, un service des départements chargé de protéger les mineurs en danger.
En général, c’est un juge qui décide d’orienter un enfant vers une Maison d’enfants, le plus souvent quand sa sécurité ne peut plus être assurée au sein de sa famille. Dans certains cas, plus rares, cette démarche peut aussi être engagée d’un commun accord avec les parents, sans passer par la justice.
Les placements en Maisons d’enfants permettent aux jeunes de grandir dans un environnement le plus stable possible, avec le soutien d’équipes éducatives, pour les aider dans leur développement et leur reconstruction. Parallèlement, un accompagnement est proposé à leurs parents pour leur permettre de renforcer leurs compétences éducatives.
Cette solution n’est jamais idéale. Elle représente un bouleversement majeur pour l’enfant, qui se retrouve séparé de ses repères, parfois loin de ses proches.
Combien y a-t-il aujourd’hui d’enfants relevant de l’Aide sociale à l'enfance en France ?
La dernière étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) indique qu’au 31 décembre 2022, 310 577 mineurs et 34 105 jeunes majeurs étaient suivis en protection de l’enfance.
Tous les jeunes relevant de l'Aide sociale à l'enfance sont-ils accueillis en Maisons d'enfants ?
Si plus de la moitié (51%) d'entre eux sont désormais - et pour la première fois dans l'histoire de la protection de l'enfance - accueillis en Maison d’enfants, de nombreux jeunes sont également placés chez des assistants familiaux. Ces professionnels les hébergent à leur domicile et deviennent leurs familles d’accueil.
Les enfants peuvent également bénéficier d’un suivi en accueil de jour. Ils passent alors tout ou partie de la journée dans des structures spécialisées et rentrent chez eux le soir. Ce dispositif favorise le maintien des liens familiaux.
Une autre possibilité consiste, pour les professionnels, à suivre les jeunes à leur domicile. Ce qu'on appelle l’action éducative en milieu ouvert (AEMO). Souvent mise en place lorsque le jeune est prêt à quitter une Maison d’enfants, cette option permet de préparer son retour en famille dans de meilleures conditions.
Quel est le profil des jeunes accueillis en Maisons d'enfants ?
Leur âge varie entre 3 à 18 ans, en fonction des capacités d'accueil des établissements. La durée de prise en charge est très variable et la proportion des garçons plus importante que celle des filles.
À quoi les Maisons d'enfants ressemblent-elles aujourd’hui ?
L’existence des Maisons d’Enfants remonte à plus de trente ans. À leurs débuts, il s’agissait le plus souvent de grandes structures collectives, dans lesquelles les enfants vivaient dans un cadre assez strict.
Un vaste mouvement de modernisation a été engagé depuis, pour rapprocher la vie en Maison d’Enfants de celle d’une famille. Pour atteindre cet objectif, les professionnels cherchent en permanence les meilleures manières d’accompagner les enfants, afin de répondre au mieux à leurs besoins.
Vous auriez des exemples ?
La mise en place de groupes de vie à l'intérieur des Maisons d'enfants, de plus en plus répartis par tranches d'âge sur plusieurs bâtiments d'un même site, avec des espaces de vie communs et des lieux dédiés aux plus grands.
Pour les adolescents, il est très courant de leur proposer de vivre dans des appartements aménagés, où ils peuvent acquérir progressivement plus d’autonomie dans la gestion de leur vie quotidienne, tout en bénéficiant d’un accompagnement éducatif.
Certains jeunes peuvent également bénéficier d'un accueil dit "modulable", leur permettant de passer une partie de la semaine en Maison d’enfants et l’autre au sein de leur famille. Une solution qui implique davantage les parents et favorise une continuité éducative.
Au quotidien, les enfants sont encouragés à participer à la préparation des repas et à la gestion des tâches ménagères selon leur âge, à s'investir dans des activités sportives ou culturelles hors de la structure, des conseils de Maisons sont mis en place durant lesquels les jeunes échangent avec les éducateurs sur les règles de vie de la Maison ou les projets en cours, etc.
Quand on dit Maison d’enfants, on pense collectif. Comment faire pour que chaque enfant y soit respecté en tant qu’individu ?
Au fil des jours, les éducateurs veillent à trouver le bon équilibre entre les temps partagés en groupe, qui favorisent la socialisation des enfants, et les moments dédiés à leur accompagnement individuel, essentiels pour répondre à leurs besoins propres.
Même si chaque jeune bénéficie d’un projet personnalisé construit avec lui et sa famille, personnaliser l’accompagnement de chacun dans des structures qui accueillent, pour certaines, un nombre important d’enfants avec des problématiques très différentes reste cependant un point délicat.
Quelles actions mettez-vous en place pour accompagner les jeunes vers l’autonomie ?
Quand un jeune approche de la majorité, une nouvelle étape s’ouvre : celle du passage à la vie adulte. Le rôle des éducateurs est alors de les aider, à ce moment précis de leur parcours, à apprendre à gérer un budget, accomplir des démarches administratives, cuisiner, chercher un stage, une orientation d'études, etc.
Ils ne les laissent pas partir du jour au lendemain et construisent avec eux un projet pour la suite, avec un logement, un accompagnement, et des personnes sur lesquelles les jeunes pourront compter pour ne pas se retrouver seuls.
Quels liens entretenez-vous avec les familles des jeunes sur votre département ?
Nous sommes convaincus qu’il est essentiel de travailler de manière très régulière avec les parents des jeunes placés en Maisons d'enfantsl.
C’est pourquoi nous avons créé, depuis deux ans, 25 postes d’éducateurs spécialement dédiés à cet accompagnement, pour les soutenir dans leur rôle et les aider à surmonter leurs difficultés. L’objectif est de permettre aux familles de préserver des liens affectifs forts avec leurs enfants, tout en veillant à leur sécurité et à leur bien-être.
À quels défis majeurs les Maisons d'enfants sont-elles aujourd'hui confrontées en Alsace ?
La continuité des parcours des jeunes est au centre de nos préoccupations, avec comme volonté prioritaire du département de limiter autant que possible les réorientations au cours des placements des jeunes. En effet, les ruptures qui se succèdent les fragilisent, entraînant chez eux une perte de repères et un sentiment d’insécurité.
Un autre de nos défis essentiels, c'est l’innovation. Il est important de ne pas se limiter aux réponses institutionnelles traditionnelles.
Enfin, comme la plupart des départements, nous sommes confrontés à une nette augmentation du nombre de jeunes présentant des troubles psychologiques ou psychiatriques accueillis dans nos établissements. Dans ce domaine aussi il nous faut innover, afin de pouvoir offrir aux enfants qui nous sont confiés un accompagnement qui s'appuie à la fois sur l’expertise des spécialistes du soin et des acteurs du handicap.
Malgré tous nos efforts, il reste cependant des situations où l’on aimerait pouvoir - ou avoir pu - faire mieux. Une réalité qui nous pousse à chercher constamment à nous améliorer.
Photo d'ouverture : David Betzinger/Apprentis d'Auteuil
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