Enfants de la MECS Saint-François d'Assise de Strasbourg
Protection de l'enfance
17 juillet 2025

Ma vie à la Maison d’enfants de Strasbourg

En France, 310 000 mineurs et 34 000 majeurs sont pris en charge par la protection de l’enfance. À la fondation, 11 200 enfants, adolescents et jeunes adultes sont accueillis dans 90 Maisons d’enfants et dispositifs de la protection de l’enfance. Reportage à la Maison d’enfants Saint-François d’Assise de Strasbourg qui a la particularité d’accueillir notamment des fratries.

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Reportage à la Maison d'enfants de Strasbourg où vivent des enfants placés pour leur protection.

La Maison d’enfants à caractère social (MECS) Saint-François d’Assise est située juste à côté de l’école Joie de vivre d’Apprentis d’Auteuil à Strasbourg. La MECS accueille une quarantaine d’enfants répartis dans cinq pavillons, aux façades de couleurs chaudes, ouvrant sur un grand jardin arboré. 

Aurélie, l’éducatrice du pavillon « Les peupliers » qui est venue chercher les enfants aujourd’hui à l’école, a pris un moment pour discuter avec l’enseignante de la classe car Ilhan et Nasserdine ont eu une journée un peu compliquée : « Ils ont eu quelques problèmes de comportement. Ils ont un peu de mal à canaliser leur énergie... », résume l’éducatrice. Elle reprendra les choses avec les enfants une fois arrivés dans le lieu de vie. 

Enfant de la MECS Saint-François d'Assise de Strasbourg avec une poule dans ses bras
Pirouette, Roussette, Mira et Gertrude, sont les quatre poules mascottes de la Maison d’enfants. (c) David Betzinger/Apprentis d'Auteuil

16h30

Justement au pavillon « Les peupliers » c’est l’heure du goûter. Avec ce beau soleil de printemps, les enfants se sont installés autour d’une grande table dans le jardin. Les gâteaux au chocolat vite engloutis, les enfants courent vers les balançoires et les jeux installés dans le jardin. Avant de se lancer dans un épervier, ils prennent le temps d’aller dire bonjour à Pirouette, Roussette, Mira et Gertrude, les quatre poules devenues les mascottes de la Maison d’enfants installées dans le jardin.

« Notre rôle est d’accompagner les enfants vers l’autonomie, de leur donner un cadre pour qu’ils puissent grandir, explique Aurélie. Il faut savoir respecter les rythmes, les âges et les personnalités de chacun et en même temps gérer un groupe d’une dizaine d’enfants qui vivent ensemble dans une maison sans l’avoir choisi. Ce n’est pas toujours facile de trouver le bon équilibre. » Aurélie s’interrompt car la maman de Sonia (le prénom a été changé) vient d’arriver avec sa fille. Elles rentrent d’une sortie en ville. Aurélie en profite pour parler de l’adaptation de la petite fille qui est arrivée il y a seulement quelques mois. « C’est un placement administratif et non pas judiciaire, explique Aurélie. La maman a choisi de faire appel à la protection de l’enfance car elle ne pouvait pas offrir un environnement stable à ses deux filles. Sonia (3 ans, la plus jeune des enfants accueillis dans le pavillon, NDLR) a bien progressé depuis qu’elle est accueillie à la Maison d’enfants. Elle ne savait pas parler pas quand elle est arrivée en décembre. Maintenant, c'est le cas. »

Maëlys, 10 ans, elle, est arrivée dans cette Maison d’enfants à caractère sociale il y a déjà trois ans. « J’ai fugué de chez ma mère parce que ça se passait mal », confie-t-elle sans en dire plus. Charlotte, l’autre éducatrice du pavillon, rassure Sonia qui pleure car sa maman est repartie. Les séparations sont encore difficiles. « Nous accompagnons les enfants dans leur vie de tous les jours comme dans une famille : les devoirs, les douches, le lavage des dents, le linge, le rangement des chambres. Nous sommes aussi aidés dans cette tâche par la maîtresse de maison qui accompagne les enfants au niveau éducatif à travers les temps de préparation du repas ou de ménage. »

Enfant de la MECS Saint-François d'Assise de Strasbourg faisant ses devoirs avec une éducatrice
Les éducateurs aident les enfants et les ados à faire leur devoir comme dans une maison. (c) David Betzinger/Apprentis d'Auteuil

L'accueil des fratries

Le pavillon compte plusieurs fratries : Séif/ Nasserdine. Lucie a sa sœur plus âgée dans un autre pavillon. Idem pour Grace 4 ans qui a son frère, Rayan, dans une autre unité de vie de la MECS. « Le plus souvent, nous maintenons les fratries ensemble dans le même pavillon, précise Aurélie. Mais parfois les frères et sœurs ont besoin d’évoluer en dehors de leur fratrie, notamment lorsqu’il y a un écart d’âge important. Ce qui ne les empêche pas de manger ou de faire des sorties ensemble car les enfants vivent sur le même site. »

« Dans 2 minutes ce sera l’heure d’aller prendre les douches ! », lance Aurélie aux enfants qui voudraient bien continuer leurs jeux par cette belle après-midi de printemps. A l’entrée du pavillon, les chaussures s’accumulent. Les enfants sont montés dans leur chambre. Des chambres individuelles ou qu’ils partagent avec un autre enfant. Chacune dispose d’un petit lit couvert de « doudous » ou de peluches, d’une petite armoire pour ranger ses vêtements et d’une salle de bain.

Chez les plus grands

Dans le pavillon d’â côté, Les capucins, l’ambiance est plus calme. C’est le pavillon des plus grands. Les 11 enfants ont entre 4 et 15 ans. Ici, aussi plusieurs fratries sont réunies sous le même toit. C’est le cas notamment de Nolan qui vit ici avec ses deux petits frères. « Nous sommes ici depuis trois ans parce que nos parents s’engueulaient tout le temps, explique-t-il sobrement. Ça été un peu dur au début, mais je me suis vite habitué à la vie en collectivité. Je suis content d’avoir mes deux petits frères avec moi. » 

« Notre rôle en tant qu’éducateur est de répondre aux besoins des enfants qui arrivent avec des carences sociales, éducatives, affectives, explique Ludovic, l’éducateur du pavillon. Nous sommes là pour leur donner ce dont ils ont besoin pour grandir sereinement dans l’environnement le plus stable possible. Nous maintenons aussi le lien avec les parents en fonction de la décision du juge qui a procédé au placement des enfants. Certains viennent pour des visites médiatisées, des sorties avec leurs enfants ou les hébergent temporairement. En dehors des visites, nous tâchons de maintenir le lien avec les parents en les tenant au courant de la vie quotidienne de leurs enfants, des résultats scolaires ou des projets de sorties organisées par la MECS. »

L'heure du dîner

Dans la cuisine, le dîner se prépare. Au menu ce soir : pomme de terre sautées et poissons en papillote. Deux éducateurs sont de corvées de pommes de terre pendant que les enfants mettent la table.

« Je suis ici depuis 2022 avec ma sœur Ambre, explique Jacques-Philippe. Avant nous étions en foyer d’accueil. Le juge nous a placé car il y avait de gros problèmes du côté de mon père. Ici, j’ai mis un mois à m’habituer à la vie en collectivité. Il faut partager l’espace comme si on était une famille alors qu’on ne l’est pas. Les avantages : les grandes veillées et les sorties seules. Les inconvénients : faire la vaisselle et passer le balai. Depuis trois ans je me suis quand même fait de bons copains qui sont devenus des amis proches. Je suis content aussi d’avoir ma petite sœur, on s’entend bien, on est très proches. Nous allons bientôt pouvoir faire des sorties avec ma mère. J’ai hâte ! »

20h30

C’est déjà l’heure du coucher pour les plus petits du pavillon. Les plus grands ont la permission de 21h30. Juste le temps pour eux de faire quelques jeux et il sera l’heure d’aller se coucher.

Pauline Kosman, directrice de la Maison d’enfants Saint-François d’Assise

Quel est le rôle d’une Maison d’enfants ?

Le rôle d’une Maison d’enfants à caractère social (MECS) est d’héberger des enfants en lieu et place de leurs parents. Les enfants sont (le plus souvent) retirés à leurs parents sur décision de justice puis placés dans une structure comme la nôtre où ils sont accueillis 24h/24, 365 jours par an. Le placement peut aussi être le fruit d’une convention passée entre le département et les parents. Nous accueillons les enfants pour les mettre en sécurité, pour répondre à leurs besoins en termes de scolarité, d’éducation, d’entretien. Nous leur offrons un cadre sécurisant pour qu’ils puissent grandir dans les meilleures conditions possibles. La journée se sont des éducateurs qui assurent l’accompagnement éducatif aidés par des maîtresses de maison. La nuit, des surveillants de nuit prennent le relais. Nous avons aussi des fonctions "support" : chef de service, psychologues, infirmière, agent technique, etc. 

Les fratries sont-elles toujours maintenues ensemble ?

Depuis la loi du 7 février 2022 le placement dans un même foyer, si possible dans un même pavillon, doit être la norme, et la séparation l’exception sinon le service de l’Aide sociale à l’enfance du Département doit justifier sa décision. L’avantage de maintenir les frères et sœurs ensemble est de leur permettre de vivre, de grandir ensemble et de préserver un noyau familial minimum. Les enfants sont déjà séparés de leurs parents, l’idée n’est pas d’ajouter une nouvelle rupture au sein de la cellule familiale. 

Les parents sont-ils déchus de leur autorité parentale ?

Très peu de parents sont déchus de leur autorité parentale quand leurs enfants sont placés. C’est vraiment l’exception. Dans ce cas, c’est le président du conseil départemental qui signe les documents à la place des parents. Nous veillons à tenir les parents informés des actes non usuels de la vie de l’enfant : une coupe de cheveux chez le coiffeur, un départ en classe verte… Les parents peuvent continuer à voir leurs enfants à la MECS : lors de visite médiatisée en présence d’un professionnel, lorsqu’ils ont des droits de sortie à la journée ou à la demi-journée ou pour un hébergement le week-end ou pendant les vacances scolaires. Les parents peuvent aussi être hébergés avec leurs enfants à la maison Sainte-Odile qui dépend de la MECS. Tout dépend de la décision du juge des enfants.