Vie de la fondation
03 octobre 2016

Des jeunes d'Apprentis d'Auteuil au sommet du Mont-Blanc

Médecin du sport et guide de haute montagne, Hugues Chardonnet emmène depuis quatre ans des jeunes à l’assaut des sommets, dont fin août dernier, un groupe d’Apprentis d’Auteuil. Une belle école de vie !

Vous emmenez des jeunes au sommet des montagnes, pourquoi ?

Je suis né à Paris et j’ai eu la chance de découvrir, adolescent, la montagne, grâce à des amis de mes parents très généreux, qui nous prêtaient leur chalet à Chamonix, été comme hiver. Pour moi, ces horizons furent une révélation. A tel point que je suis aujourd’hui médecin à l’hôpital de Briançon et depuis quelques années guide de haute montagne. J’adore enseigner les techniques pour avancer dans la neige, escalader des montées ou utiliser des piolets… Reste que la haute montagne se trouve être injustement réservée aux personnes les plus favorisées. Avec quelques amis animés par la même conviction, nous avons décidé de faire découvrir cet univers à tous.

C'est-à-dire ?

L'objectif de notre association 82 4000 (la conquête des 82 sommets des Alpes de plus de 4000 m) est de militer pour les droits aux loisirs pour tous. Ce n’est pas parce que quelqu’un manque de moyens qu’il n’a pas aussi le droit de profiter de ces temps forts pour l’aider à se réaliser. C’est de l’ordre de la dignité de la personne. Aider des gens à aller encore plus au sommet alors que ce n’était pas gagné, c’est magnifique !

Comment vous y prenez-vous ?

L'équipe des jeunes des établissements Jean-Marie Vianney, avec Hugues Chardonnet, guide de haute montagne ©Hugues Chardonnet

On rencontre les jeunes que nous emmenons avant les ascensions, pour qu’ils puissent apprivoiser ce milieu totalement inconnu d’eux qu’est la montagne. Et s’en faire, peut-être, une autre représentation. On leur propose généralement deux week-ends de préparation physique, technique et mentale qui leur permettent de mieux comprendre concrètement en quoi l’ascension prévue va consister, de poser leurs questions, de rêver, de commencer à s’atteler à leurs peurs, etc. Ces étapes permettent vraiment de s’acclimater à un milieu inconnu, de commencer à l’apprivoiser et de vaincre ses résistances. Côté encadrement, nous essayons d’être suffisamment nombreux pour pouvoir suivre chacun des jeunes individuellement et parer aux éventuelles surprises.

Les jeunes jouent-ils le jeu ?

La découverte de la très haute altitude, de l’effort, de la solidarité d’une cordée, de la confiance faite au guide, c’est  un autre monde pour qui n’en n’a jamais fait l’expérience. C’est vraiment difficile de lâcher prise et de se laisser guider. Mais nous faisons tout pour mettre les jeunes en confiance et leur permettre de s’ouvrir, notamment par le biais des règles de vie attenantes à ce type de projets : se lever tôt, porter un casque et des crampons, s’encorder, etc. Après un temps de résistance, les adolescents finissent tous par s’y plier et voir l’aspect "sécurité" des règles, qui permet d’aller au bout de l’aventure. La plupart d’entre eux nous confient aussi que l’expérience vécue restera à jamais gravée dans leurs vies. C’est finalement une proposition éducative qui permet d’aller très loin et d’ouvrir son horizon vers l’inconnu. Arriver en haut d’un sommet, cela permet de construire sa vie !

Fin août dernier, six jeunes d’Apprentis d’Auteuil se sont lancés dans l’ascension de l’Aiguille du Tour avec vous, quel retour ? 

A l'assaut de l'Aiguille du Midi pour un groupe de jeunes d'Apprentis d'Auteuil ©Hugues Chardonnet

L’aventure n’était pas gagnée au départ ! On est partis à trois guides et deux éducatrices comme 
adultes encadrants, mais les jeunes venus de lieux de vie différents ne se connaissaient pas bien entre eux et la plupart découvraient le vide, les hauts sommets et la glace. L’un d’entre eux s’est également complètement bloqué, arrivé au niveau du glacier : il n’avait jamais vu la neige et avait peur d’être englouti par la montagne et les séracs. Il a fallu, du coup, adapter quelques montées pour lui, mais à force de lâcher prise et de patience, nous avons réussi à mettre entre nous un espace de confiance et tout le monde est arrivé content au sommet ! Pour résumer, ce furent quelques jours intenses, avec des découvertes inoubliables et de vraies prises de conscience. Ces jeunes ont pu mesurer leur force, celle de leur mental et de leur volonté, ils ont appris à se surpasser et sont rentrés, je crois, plus ouverts à l’inconnu.

Personnellement, qu’est ce que la montagne vous apporte ?

La première fois que j’ai fait une ascension en haute montagne, j’avais 12 ans. Je me souviens d’un 
immense glacier, de couleurs magnifiques, d’un lever de soleil hors du commun… C’est là qu’est née ma 
passion pour l’alpinisme. J’ai été très profondément ému et je me suis dit que j’allais retenter 
l’aventure dès que possible et pourquoi pas, la poursuivre sur la durée. Pour moi, faire de la haute 
montagne, c’est atteindre un sommet dans sa vie, comprendre qu’on peut être plus fort que ses 
appréhensions et les vaincre. C’est en dépassant ses peurs que l’on peut trouver son identité. La 
montagne est une énorme école de vie sur tous les plans. C'est la raison pour laquelle nous organisons, en partenariat avec plusieurs associations, une grande rencontre Montagne partagée, avec des conférences, témoignages et débats, le samedi 5 novembre prochain à Grenoble. Des jeunes et des éducateurs d'Apprentis d'Auteuil seront notamment présents. 
Hicham, 19 ans, en deuxième année de CAP Maintenance des bâtiments de collectivité "J’étais content de pouvoir vivre cette expérience, parce que je ne l’avais jamais faite, c’était une grande première pour moi et aussi parce que j’étais avec des éducateurs que j’aime bien. C’était un peu dur, surtout de se lever le matin si tôt, et de marcher si longtemps dans la neige, mais j’y suis allé bien volontiers. J’ai vraiment passé de bons moments et je suis fier d’avoir pu monter au sommet."