Elève et professeur en lycée professionnel en mécanique
Education et scolarité

Le lycée professionnel : une formation en pleine mutation

Sociologue, inspecteur général de l’Éducation nationale et spécialiste de l’enseignement professionnel, Aziz Jellab fait le point sur les atouts du lycée professionnel et l’enjeu de la dernière réforme, qui s'appliquera à la rentrée prochaine. Une question au cœur de l’actualité éducative.

Que pensez-vous de la réforme en cours ? 

Elle vise à augmenter les chances de réussite des élèves en lycée pro. Parmi ses points forts, une carte des formations revue région par région et territoire par territoire d'ici 2025. Certaines filières qui n'offrent pas assez de débouchés vont être revues, voire fermées. D'autres vont être créées, dans la rénovation énergétique ou le numérique par exemple, pour mieux répondre aux besoins de formation des métiers d'avenir.
Les stages seront également plus longs et gratifiés et une rémunération accrue sera proposée aux enseignants qui accepteront certaines missions de suivi des élèves et d’organisation. Pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement professionnel, le lycée pro est mis en avant et posé comme une priorité nationale. Cela a le mérite de montrer sa contribution à la démocratisation scolaire, qui est souvent minorée, sa capacité d’adaptation et le fait de conforter sa place comme acteur majeur du développement économique.

Qu'est ce qu'un lycée professionnel ? 

Mal connu des médias et du grand public, le lycée professionnel1 accueille un lycéen sur trois et propose, à côté des matières générales, un enseignement technologique et professionnel en relation avec les entreprises et des périodes de stages obligatoires.
En CAP, ce sont près de 200 formations à des métiers souvent très spécialisés qui sont proposées. Le bac pro compte, lui, plus de 80 spécialités et se situe, dans certaines spécialités, dans la continuité d’un CAP. Il forme plutôt des ouvriers et des employés polyvalents, avec des compétences plus variées et élargies.

En quoi son image s’est-elle modifiée ?

Le lycée pro a été longtemps déconsidéré, car il concentrait les élèves les plus fragiles socialement et scolairement. Mais l’accélération des réformes depuis la fin des années 2000 contribue à en modifier l’image. On peut citer celle de 2009, qui fait passer la préparation du bac pro à trois ans au lieu de quatre, et a valorisé l' image du lycée professionnel aux yeux des élèves, et la réforme de cette année, dans la lignée de celle de 20182.
Autre changement, l’arrivée d’élèves de plus en plus jeunes dans ce cursus a des effets significatifs sur leur poursuite d’études à l’issue du baccalauréat. Aujourd’hui, la réalité de ce lycée est celle d’une institution en forte mutation.

Jeune et professeur en Lycée professionnel sur une machine
Jeune et professeur en Lycée professionnel sur une machine (c) iStockPhoto

Quels sont ses atouts ?

Le lycée professionnel est aujourd’hui le lieu d’innovations pédagogiques importantes qui réconcilient les jeunes avec l’école et les rendent fiers de leurs études, avec une ouverture faite aux stages et un encouragement à la mobilité des élèves vers l’international.
C’est une vraie école de l’émancipation, qui permet à des jeunes parfois fâchés avec le système scolaire de reprendre confiance dans leurs études et de trouver leur place dans la société en s’autorisant à sortir des déterminismes sociaux.
C’est aussi une école de la créativité, de l’expérimentation, de l’innovation parfois, qui donne leur chance à ses élèves, grâce à la bienveillance, l’exigence et l’accompagnement assuré par les enseignants. Il est d’ailleurs bien regrettable que ces innovations ou même les pratiques pédagogiques spécifiques au lycée professionnel soient à ce point méconnues, invisibles. Autre atout, le lycée pro permet aux élèves de se former en faisant le lien entre leurs études et la vie. La confrontation à des savoirs professionnels leur donne la possibilité d’acquérir des compétences non seulement scolaires, mais aussi très utiles en entreprise et dans la vie.
Enfin, le taux de réussite du lycée pro était de 90,5 % pour le bac pro en 2020 (90 % pour le CAP). Des chiffres à mettre en lien avec une réelle volonté, chez les titulaires de ces diplômes, de poursuivre leurs études après le bac, avec des incitations à entrer en BTS qui comportent des attendus adaptés à leur formation.

Quels défis majeurs doit-il relever ?

Malgré un changement de perception des lycées professionnels, mieux considérés, l’objectif de ces établissements est bien de continuer à renforcer leur attractivité et de faire passer les élèves d’une orientation encore trop subie à des parcours choisis. Ces lycées doivent également se rapprocher davantage des entreprises, en proximité avec le tissu économique local.

Lycée professionnel Saint-Philippe - CAP MFMMA (Menuisier, Fabricant de Menuiserie, Mobilier et Agencement), François de Belder, professeur de menuiserie et des élèves
Un cours de pratique en CAP au lycée professionnel Saint-Philippe d'Apprentis d'Auteuil, à Meudon. (c) Igor Lubinetsky

Pourquoi tant de décrochage ?

Malgré les nombreuses réussites des élèves, le lycée professionnel continue encore à être affecté par un décrochage important, souvent conjugué à de l’absentéisme qui en est précurseur. Il est d’une importance variable selon les diplômes préparés – plus répandu en CAP qu’en bac pro – et les spécialités. Il y a davantage de décrochage dans les spécialités peu ou faiblement choisies, comme par exemple, la chaudronnerie, que dans les spécialités très demandées par les élèves.
Ce décrochage tient à une pluralité de facteurs : l’orientation non choisie, des difficultés d’apprentissage ou des problèmes familiaux ou de mobilité. Je voudrais insister sur un point important : que l’orientation soit choisie ou non, c’est la manière dont les élèves sont accueillis et accompagnés en lycée professionnel qui détermine leur réussite et leur engagement.
La persévérance scolaire est révélatrice de l'attention que les chefs d’établissement et les enseignants, comme les personnels d’éducation, portent à leurs élèves. Il y a, par exemple, de grands écarts en matière de décrochage selon les établissements, y compris dans les mêmes spécialités. Il faut donc réinterroger le préjugé tenace qui tend à expliquer le décrochage par l’orientation subie. Mes observations de terrain ne confirment pas scientifiquement cette relation.

1. 651 000 lycéens inscrits, bac pro et CAP confondus, en 2021 Chiffres-clés du système éducatif, novembre 2021.
2.Cette réforme avait réduit le nombre de spécialités de bacs pro et retardé le choix de la spécialité à la classe de première en créant des familles de métiers en seconde. Des pédagogies innovantes avaient aussi été annoncées et l’épreuve du chef d’œuvre avait été créée pour faire avancer les lycéens en mode projet.

Le lycée professionnel

Il prépare à différents diplômes :

Il permet d’exercer dans de multiples secteurs industriels, tertiaires et du bâtiment.