Illustration harcèlement scolaire au collège
Education et scolarité

Anne et Nicolas, anciens harcelés : ils témoignent

Anne et Nicolas (les prénoms ont été changés) ont été harcelés dans leur ancien collège. A l'occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire ce 9 novembre, ils témoignent de manière anonyme de ce qu'ils ont vécu. 

Afficher le résumé facile à lire et à comprendre
Anne et Nicolas, deux adolescents, ont été harcelés dans leurs collèges avant d'arriver à Apprentis d'Auteuil. Une période difficile de leur vie. Ils nous expliquent ce qui s'est passé et comment ils s'en sont sortis.

Le témoignage d'Anne, 14 ans

 

Illustration harcèlement scolaire au collège
Illustration : Priscille Depinay

« Le harcèlement scolaire, je connais. Pour moi, ça s’est passé il y a deux ans quand j’étais en 5e. Depuis, j’ai mûri et j’arrive à en parler. Je venais d’arriver d’un autre pays d’Europe et je ne connaissais pas bien le français. Un jour, dans la cour du collège où j'étais, un garçon s'est mis à m'embêter sans raison, à cause de mon accent. Bref, à se moquer de moi de manière entièrement gratuite. Au début, il disait que c’était pour rigoler. Mais il a continué, pour me rabaisser, racontant en même temps qu’il allait arrêter. 

D'abord seul, il a vite été entouré. D’autres collégiens l’ont rejoint, d’abord trois, puis cinq. Ils étaient sept à la fin de l’année, sans limites, prêts à tout pour le suivre. Sans compter les filles qui se sont mises, elles aussi, de la partie. Petit à petit, ce garçon est devenu de plus en plus violent. Un jour, emporté par son élan, il a même déchiré un de mes cahiers. Et il m'a menacée de mort. Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. Je n’avais presque pas d’amis et tous les soirs, je rentrais chez moi en pleurant.

Longtemps silencieuse, j'ai fini par tout dire à ma mère : les insultes, les cauchemars, ma peur... Elle m'a invité à tous les envoyer balader. J'ai essayé, mais rien ne bougeait. Les semaines passaient, rien ne changeait. Je me sentais tellement mal. Alors, ma mère est allée voir la direction du collège en menaçant de porter plainte, elle ne savait pas trop comment tout cela marchait. Ils l'ont écoutée, mais ils n'ont rien fait. Le harceleur a persévéré. Ses parents ont fini par téléphoner à ma mère, mais en même temps, ils défendaient leur fils, en disant qu’il avait des problèmes.

La fois de trop, c’est le jour où  le harceleur s'en est pris à moi physiquement. C'était la fin de l’année et je sortais du collège. Il m'a bousculée sous un nouveau prétexte, jusqu'à me faire méchamment tomber. Je suis rentrée chez moi désespérée, avec une entorse au pied. Une étape non négociable dans l'escalade de la violence avait été franchie. Ma mère a eu peur qu'il finisse par m'arriver pire encore. C'en était trop. Elle a pris la décision qu'on change de région. Ce qui l'arrangeait elle aussi, elle cherchait un nouveau travail.

Je suis arrivée à Saint-Paul à la rentrée suivante. Je revivais ! Entourée d'adultes bienveillants, je me suis tout de suite sentie en sécurité et me suis fait de nouveaux amis. Rapidement, j'ai décidé de rejoindre l’équipe des Sentinelles. Une mission très importante pour moi ! Avec le recul, j’ai du mal à comprendre ce besoin maladif qu’ont les harceleurs de devoir se sentir supérieurs ou les plus forts pour être populaires. On peut être apprécié sans avoir à écraser les autres, non ? »

Le témoignage de Nicolas, 12 ans

Illustration harcèlement scolaire au collège
Illustration Priscille Depinay

« Être harcelé, c’est dur ! En plus par trois filles de ta classe quand t’es un garçon et que t’arrives en sixième dans un nouveau collège ! C’est ça que j’ai eu à subir toute une partie de l’année dernière. Ces élèves se sont mis à me faire des commentaires, dans la cour, sur la manière dont je m’habillais et à me traiter de moche. Ou à dire à tout le monde, quand je passais pas loin d’elles, « regardez, voilà le clochard ». 

Elles me glissaient aussi des petits papiers en classe où il était écrit par exemple « enlève ton pull ». En plus, elles étaient bizarres, parce qu’un jour elles m’embêtaient et le lendemain, elles redevenaient sympa. Du coup, je croyais qu'elles allaient se calmer. Je refaisais confiance. Et elles repartaient de plus belle. C'était horrible. Je ne comprenais rien, mais c’est tombé sur moi ! Je ne me rappelle plus exactement quand elles ont commencé car au début, je ne me rendais pas compte de ce qui se passait.

Les premières fois, je n’ai rien dit. En plus, j'en étais incapable, tellement j'étais choqué. Au bout d’un moment, c’est devenu insupportable. J'en ai parlé à des amis de ma classe et à ma mère. Elle m’a beaucoup soutenu et encouragé. Mais ça n’a pas suffi. Je n’avais plus envie de rester dans ce collège où, en plus, aucun surveillant ne bougeait. Dès que j’ai su qu’une place se libérait à Saint-Paul, j'y suis allé, sans attendre la fin de l’année. J'ai très vite remonté la pente. En plus, j’étais intéressé par la section de Jeune-Sapeur-Pompier (JSP).

Aujourd’hui, c’est du passé et je vais bien. J’ai aussi compris que parler peut aider. Du coup, je viens de suivre une formation proposée pour devenir Sentinelle, un programme de lutte contre le harcèlement à l'école. Maintenant, j'ai les outils pour me défendre et je sais repérer les victimes, les écouter et alerter les référents, des adultes qui s’occupent, eux, des agresseurs. On a tous en nous les ressources pour riposter, si on est un tant soit peu initié. Plus de jeunes devraient être formés. Des adultes aussi. Les ambiances dans les collèges en seraient transformées. »