Projection d'un film de prévention contre le harcèlement à l'école au lycée Saint-Michel
Education et scolarité

Harcèlement scolaire : Apprentis d’Auteuil se mobilise contre les violences

La Première ministre a présenté le 27 septembre un plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire et appelé à la "mobilisation générale" contre ce fléau. Comment les établissements d’Apprentis d’Auteuil s'organisent-ils pour prévenir et lutter contre ces violences scolaires ? Les réponses de quatre établissements mobilisés sur le sujet.

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Apprentis d'Auteuil agit pour prévenir et lutter contre les violences à l'école.

Insultes, menaces, brimades, violences à répétition, en France entre 6 et 10 % des élèves seraient victimes de harcèlement scolaire chaque année. Un phénomène qui toucherait entre 800 000 et un million d’élèves sur les 12 millions d’élèves français. Selon une étude de l’IFOP, ces violences auraient lieu majoritairement au collège (54%) mais aussi en primaire (23%) et au lycée (13%).

Selon le baromètre de l’éducation publié par Apprentis d’Auteuil en 2022, plus de 7 jeunes sur 10 disent avoir été victimes de violences à l’école, quelles soient verbales (64%), psychologiques (44%) ou physiques (38%).

Les annonces du gouvernement

A l'occasion de la présentation du plan interministériel contre le harcèlement scolaire le 27 septembre, la Première ministre, Elisabeth Borne, a appelé à "la mobilisation générale" pour mener une "lutte implacable" contre ce fleau. Au menu de ce plan figurent plusieurs mesures : la saisine systématique du procureur de la République en cas de signalement de harcèlement, la désignation d'un numéro d'aide d'urgence et de signalement (le 3018), la formation de tous les acteurs de la communauté éducative (élèves, enseignants, parents...), un questionnaire annuel pour tous les élèves à partir du CE2, la confiscation des téléphones portables et l'exclusion des élèves harceleurs des réseaux sociaux ou encore la mise en place de cours d'empathie dès la maternelle à l'instar de ce qui existe au Danemark.

Apprentis d’Auteuil accueille chaque année 8000 élèves dans ses 58 établissements scolaires de l’école primaire au lycée. Que mettent en place les établissements de la fondation pour prévenir et lutter contre le harcèlement scolaire ? Réponses avec les initiatives de quatre établissements.

Des ambassadeurs contre le harcèlement

Témoignage de Sarah
Sarah, ambassadrice contre le harcèlement (c) Apprentis d'Auteuil

Au lycée professionnel Saint-Michel (56), des élèves se portent volontaires pour devenir « ambassadeurs contre le harcèlement » auprès de leurs camarades. « Nous sommes une dizaine d’ambassadeurs sur tout le lycée, explique Sarah, 17 ans. Notre rôle est de faire de la prévention, mais aussi de faciliter la parole sur le sujet. Les jeunes ont du mal à se confier aux adultes. Le fait que nous soyons des jeunes comme les autres, cela permet aux élèves d’en parler plus facilement. En début d’année, nous passons dans toutes les classes pour nous présenter et dire que si quelqu’un est victime ou témoin d’un harcèlement, de moqueries, d’insultes répétées, il peut venir nous en parler. Tout ce qu’on nous dit est confidentiel. » Charge ensuite aux adultes alertés d’intervenir auprès du harceleur et de la victime.

« Le harcèlement est plus insidieux qu’avant, souligne Johann Quenault, directeur adjoint du lycée Saint-Michel. Cela se traduit moins par des insultes, des moqueries répétées, de la violence physique ou du racket. Mais plutôt par du cyberharcèlement. Un jeune est ainsi devenu le bouc émissaire via le groupe WhatsApp d’une classe. Cela n’est pas visible par les adultes mais cela fait néanmoins beaucoup de dégâts. Nous faisons donc plus de prévention sur l’utilisation des réseaux sociaux. »

Réunion de prévention contre le harcèlement à l'école, au lycée Saint-Michel
Réunion de prévention contre le harcèlement au lycée Saint-Michel (c) Marion Le Glouet/Apprentis d'Auteuil

Les Sentinelles aux aguets

Au collège Saint-Paul (73), une vingtaine de jeunes et une dizaine d’adultes sont impliqués dans le dispositif « Sentinelles » mis en place dans l’établissement depuis trois ans. « Les élèves Sentinelles sont les yeux et les oreilles des adultes là où nous ne sommes pas ou peu présents : dans les vestiaires, le bus, les toilettes…, explique Mickaël Gay, éducateur et coordinateur du dispositif dans l’établissement. Nous ne demandons pas aux Sentinelles d’intervenir auprès du harceleur mais uniquement auprès des victimes et des témoins et d’alerter les adultes référents. » Pour mieux les identifier, chaque membre du dispositif Sentinelles porte un petit bracelet fluo au poignet. Une permanence d’écoute a également lieu tous les 15 jours dans une salle dédiée où les élèves peuvent venir se confier en toute discrétion. Enfin, une boîte aux lettres et une adresse mail spécifique ont été créées pour recueillir les témoignages des élèves. « On utilise tous les canaux, mais c’est le contact direct qui fonctionne le mieux. »

Développer le sens de l’empathie

Le lycée Saint-François La Cadène (31) situé près de Toulouse a, lui, opté pour la méthode dite de la « préoccupation partagée ». Une méthode originale, née en Finlande, qui sensibilise le harceleur en développant son sens de l’empathie. « Lorsque nous sommes informés d’une situation de harcèlement, nous intervenons en toute discrétion auprès du jeune harceleur (que nous appelons « intimidateur ») pour lui faire comprendre que nous sommes inquiets pour un jeune, sans le mettre en cause directement, explique Emilie Chiandetti, éducatrice. Nous le poussons, sans le dire, à se remettre en question par lui-même, à développer de l’empathie. Généralement, « l’intimidateur » change son comportement auprès de l’élève et crée une nouvelle relation avec lui. Et le jeune victime retrouve sa place dans le groupe. Nous veillons à ne pas enfermer le jeune « intimidateur » dans la case du « mauvais garçon ». »

Mais il n’est pas toujours facile pour l’équipe d’éducateurs de faire le tri entre ce qui relève des relations normales entre jeunes et du harcèlement : « Le mode de communication entre jeunes a changé, souligne l’éducatrice. Ce qui apparaît pour nous, adultes, comme des insultes ou des violences verbales, est devenu un mode de communication habituel pour les jeunes. Dans la cour, il n’est pas rare d’entendre : "Gros nez ! ", "Le chinois !"  Les élèves se stigmatisent par leur apparence physique. Or, si nous laissons ce mode de communication s’installer, des élèves sont discriminés et mis à l’écart. Idem pour les petites bousculades du quotidien. Leurs répétitions aboutissent souvent à du harcèlement. »

Jeunes du lycée Saint-François La Cadène
Jeunes du lycée Saint-François La Cadène (c) JP Pouteau/Apprentis d'Auteuil

Instaurer un espace de dialogue grâce à la médiation

Pour prévenir les conflits, le collège Sainte-Claire (82) a choisi la médiation. Chaque année, une quinzaine de jeunes sont formés à mener des entretiens, en présence d’un adulte co-médiateur, pour tenter de résoudre des conflits entre deux élèves. « Nous leur proposons cet espace de dialogue, explique Boudjemaa Benali, éducateur et responsable de la médiation dans l’établissement. Il faut bien sûr que les deux jeunes soient d’accord. Chaque co-médiateurs a un rôle bien défini. Nous suivons une feuille de route avec un temps de parole pour chacun, des questions précises… » Et l’éducateur de souligner : « Les conflits tournent souvent autour de la rumeur via les réseaux sociaux qui naissent pendant les weekends et les vacances. Et se poursuivent dans le collège. Cela peut être une blague mal vécue par un élève. L’année dernière, grâce à la médiation, nous avons réussi à régler plusieurs conflits nés sur les réseaux sociaux. Cela aurait pu tourner au harcèlement. Grâce cet espace de dialogue, les jeunes ont réussi à passer à autre chose et à recréer du lien entre eux. »

Jeunes du collège Sainte-Claire à Dieupentale (82)
Jeunes du collège Sainte-Claire à Dieupentale (82) (c) Sophie Stacino/Apprentis d'Auteuil