Engagé, Mohamed Masrouhi accompagne les jeunes vers leur insertion
Coordinateur de deux dispositifs d’insertion à Lille et à Douai pour des jeunes décrocheurs, sans emploi ni formation, Mohamed Masrouhi met tout en œuvre pour remobiliser ces 16-29 ans et les accompagner sur le chemin de la réussite dans le monde du travail et dans la société.
L’insertion des jeunes ? Mohamed Masrouhi ne pense, ne vit, ne travaille que pour ça ou presque depuis dix-neuf ans à Apprentis d’Auteuil. « Je me dis chaque jour que je peux faire mieux pour cette jeunesse qui a tant de besoins », juge-t-il.
Alors, inlassablement, passionnément, Mohamed Masrouhi, 47 ans, se remet chaque jour au travail comme coordinateur de deux dispositifs d’insertion Boost et Pro’pulse - créés par Apprentis d’Auteuil - à Lille et à Douai. « Avec Boost, à Douai, deux collègues et moi allons à la rencontre de jeunes très éloignés de la formation et de l’emploi, presque invisibles aux yeux de la mission locale et de France Travail. Nous levons leurs freins (mobilité, logement, santé), les remettons à l’endroit dans leur vie pour qu’ils dorment la nuit et se lèvent le jour. À travers des activités sportives (escrime, tir à l’arc...) et culturelles (fresques, photos...), nous les remobilisons, nous travaillons la confiance en soi, en l’autre, dans les institutions, l’estime de soi, le goût du travail aussi. Pour que chaque garçon et fille trouve une formation ou un emploi. »
Avancer dans son projet professionnel
Avec Pro’pulse, à Lille et à Douai, Mohamed Masrouhi et quatre collègues permettent à des jeunes sans projet, décrocheurs, un peu perdus, de préparer et de suivre une formation par la voie de l’apprentissage et de réussir leur entrée dans le monde de l’entreprise. Durant cinq mois, ces jeunes alternent deux semaines théoriques (technique de recherche d’emploi, travail sur les compétences, l’éloquence, la posture, la socialisation...) et deux semaines en entreprise pour découvrir et expérimenter un métier. « L’essentiel est que ces garçons et filles âgés de 16 à 29 ans puissent chaque jour se dire : « J’avance dans mon projet professionnel », relève Mohamed. En cinq mois, huit jeunes sur dix trouvent soit une formation, soit un emploi. Si besoin est, nous accompagnons les jeunes sans solution trois, six ou douze mois supplémentaires. »
Comment Mohamed et ses collègues obtiennent-ils de si bons résultats ? « En premier lieu, je m’assure que les équipes disposent des moyens nécessaires - locaux, équipement, rythme de travail - pour remplir au mieux leur mission. Et, plus que tout, je veille à ce que nous prenions tous du plaisir dans ce que nous faisons, car les jeunes le ressentent instantanément. »
Au service des jeunes
Ce chemin de réussite personnelle et collective, Mohamed Masrouhi, l’enfant de Tourcoing, l’a tracé avec des rencontres et des défis. À 18 ans, il se voit ingénieur, suit un cycle préparatoire de deux ans à Polytech Lille, mais hésite sur son futur métier. Il passe le concours de professeur des écoles, mais échoue à l’oral. Hasard ou providence, Mohamed apprend par une amie qu’Apprentis d’Auteuil recrute un professeur pour un remplacement de congé maternité. « C’était durant l’été 2006, titulaire d’un BAFA et d’un BAFD, deux brevets pour encadrer des enfants et des adolescents, je dirigeais un centre de loisirs à Tourcoing. J’aimais bien le contact avec les jeunes. Je me suis dit pourquoi pas ? »
Mohamed Masrouhi entre ainsi par la petite porte, comme il dit, à Apprentis d’Auteuil. Précisément comme formateur en mathématiques, sciences, technologie et dessin technique au Centre de formation continue (CFC) et à l’Unité de formation par apprentissage (UFA) situés à La Bassée dans le Nord. « Je me souviens très bien de mon premier jour. Le CFC et l’UFA ne représentaient pas les plus beaux sites de la fondation ! D’entrée de jeu, j’ai assisté à une bagarre entre jeunes. J’ai pensé : Il y a de l’animation et de l’humain ici. Ça va matcher ! »
Au terme des trois mois de remplacement quand Nadine Bezeau, responsable du CFC, et Emmanuel Cavrois, responsable de l’UFA, lui proposent un CDI, Mohamed Masrouhi accepte volontiers. « Ça a été un peu dur au début, car les jeunes avaient des lacunes en maths et en physique. Mais humainement, ils me touchaient vraiment. Je n’ai pas voulu les lâcher. »
En 2009, Pierre Sattler, alors directeur régional, lui propose de créer un dispositif d’accès à l’apprentissage pour permettre aux collégiens de se préparer à l’apprentissage dans les meilleures conditions possibles. « En les aidant notamment à trouver l’entreprise qui corresponde à leurs besoins et à leurs souhaits », précise Mohamed. La formule est un succès : 70% des collégiens trouvent leur voie dans l’apprentissage.
En 2019, Mohamed Masrouhi devient coordinateur du dispositif d’insertion Pro’pulse lancé à Lille, trois ans plus tard à Douai. Et coordinateur de Boost ouvert à Douai en 2023.
Tout est possible
Parmi ses bons souvenirs à Apprentis d’Auteuil, Mohamed Masrouhi énumère des événements tous plus incroyables les uns que les autres : une semaine avec six collégiens sur le porte-avions Charles de Gaulle, une autre sur le porte-hélicoptères amphibie Le Tonnerre, une marche vers Saint-Jacques-de-Compostelle, un pèlerinage à Lourdes. « Ce qui est magique à la fondation, c’est que l’on peut faire et rêver plein de choses. Il y a toujours quelqu’un qui connaît quelqu’un qui peut faire ceci, donner cela... »
Aujourd’hui encore quand les jeunes toquent à la porte des dispositifs d’insertion Boost ou Pro’pulse, Mohamed a beaucoup de mal à dire non. Convaincu qu’il peut encore faire plus et mieux pour eux, comme il l’a fait maintes et maintes fois pour d’autres, Youssef et Anaïs, notamment. « Youssef, un jeune Irakien chrétien d’Orient, ne parlait pas français quand je l’ai rencontré. Aujourd’hui, il est marié et propriétaire d’un garage automobile. Anaïs, qui avait obtenu un contrat d’apprentissage sans CDI à la clé – le patron ne voulait pas s’engager sur le long terme – a, en quelques semaines, trouvé un CDI dans un service d’aide à la personne... et m’a demandé d’être le témoin de son mariage. Avec Youssef, Anaïs et les autres, je me dis que je peux toujours m’améliorer. C’est cela qui m’anime. Je n’ai qu’un mot d’ordre auprès des jeunes : Osez ! La seule erreur serait de ne rien faire. Même quand vous vous trompez, vous apprenez. Alors n’hésitez pas ! »
Quand Mohamed ne pense pas, ne vit pas, ne travaille pas, ne rêve l’insertion des jeunes d’Apprentis d’Auteuil, il retrouve sa femme Sonia, Abigael et Neyla, leurs filles, et Louise, leur petite-fille, avec un bonheur immense... ou s’offre des navigations sur son petit voilier, un Jeanneau Sun Fast 37. « Je prends l’air, je retrouve des amis, je me ressource pour accueillir d’autres jeunes. Quelle que soit leur situation, c’est l’humain qui prévaut. »
Mohamed Masrouhi en cinq questions
Quelles sont les qualités essentielles pour être un bon coordinateur ?
Écoute, organisation, réactivité.
Votre dernier fou rire au travail ?
Avoir mis en boîte un nouveau collaborateur lors d’un pot de départ.
Qu’est-ce qui vous a ému cette année au travail ?
Les départs de certains membres de l’équipe.
Quel est votre meilleur souvenir à Apprentis d’Auteuil ?
Il y en a tellement ! Les différents séjours avec les jeunes sur le porte-avions Charles de Gaulles et le porte-hélicoptères Le Tonnerre, la marche vers Saint-Jacques-de-Compostelle, le pèlerinage à Lourdes...
Une qualité pour définir les jeunes d’Apprentis d’Auteuil ?
Ils sont plein de vie et d’espoir !
Le meilleur souvenir avec un jeune ?
Être son témoin de mariage.
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