Vie de la fondation

Journées nationales d'action contre l'illettrisme, le combat d'Apprentis d'Auteuil à Mayotte

À l’occasion des huitièmes journées nationales d’action contre l’illettrisme, zoom sur le dispositif mis en place par Apprentis d'Auteuil à Mayotte pour favoriser l'insertion professionnelle des 16-29 ans, tout en leur permettant de se réapproprier le français écrit.

"Avant, avec les démarches administratives, j’étais perdue, raconte Moinecha, 25 ans, mère de deux  enfants. Depuis que je prends la barge chaque matin de Petite Terre pour venir en cours, je ne suis plus la même !" Comme Moinecha, depuis trois ans, de plus en plus de jeunes en situation d’illettrisme poussent les portes du dispositif boost Hima Shababi "Debout jeunesse", mis en place par Apprentis d’Auteuil à Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte. Ils sont orientés par les missions locales, les éducateurs de prévention, l'interne ou le bouche-à-oreille... Le centre de formation favorise l’insertion de jeunes de 16 à 29 ans tout en luttant contre l’illettrisme, très présent sur l'île. Suite à une scolarité souvent chaotique, un grand nombre de jeunes Mahorais maitrisent mal les savoirs fondamentaux : calcul, écriture, lecture, raisonnement logique. Ce qui complique leur quotidien et leur avenir professionnel. 

Des scolarités découpées

Moinecha, 25 ans, mère de deux enfants, se réapproprie le français écrit avec joie grâce au dispositif boost d'Apprentis d'Auteuil à Mayotte.

"Tous nos élèves ont eu des scolarités très découpées, précisent Véra Florent et Alice Arnoux, directrice adjointe et coordinatrice pédagogique. Ils comprennent le français oral, mais ont de grosses lacunes à l’écrit. Notre programme comporte 12 heures de remise à niveau en français, maths et informatique par semaine. Avec, en plus, huit heures d'apprentissage du code de la route." 
Au menu également, une série d'ateliers qui visent une plus grande autonomie au quotidien : rédaction de CV, techniques de recherche d’emploi, gestion d’un budget, mais aussi ateliers d'écriture, expression corporelle, contrôle des naissances ou encore atelier vélo... 
Les apprenants sont répartis en trois groupes, dont, nouveauté, un de très faible niveau, conçu sur douze mois (au lieu de six), pour permettre à ses membres en grosse difficulté avec la lecture d'avancer à leur rythme. Premier du genre, il a démarré en avril. "Avec ces élèves là, je mets l’accent sur la langue française dans la vie de tous les jours, précise Irina Holfert, formatrice. Ils ont l’impression de ne rien savoir, avec souvent un sentiment de honte. Mon travail consiste à leur redonner confiance." 

Mayotte et l’illettrisme

Mayotte, où Apprentis d’Auteuil est implanté depuis 2008, se caractérise par un fort taux d’illettrisme et un très faible niveau de qualification de la population. En 2016, 51% des jeunes étaient en situation d’illettrisme et 75% en difficulté de lecture lors de la Journée d'Appel de Préparation à la Défense (JAPD).  La situation linguistique particulière de l’île explique en grande partie les difficultés rencontrées par la population mahoraise avec la langue française. En effet, pour la majorité des mahorais, le français n’est pas une langue native mais la langue officielle de l’administration et de l’école, deux  langues principales étant  parlées sur place, l’une bantoue (le shimaoré), l’autre malgache (le kibushi). L’entrée du français dans les échanges au sein des familles se fait seulement depuis une génération. Pour mieux comprendre la situation, il faut également mentionner l'augmentation régulière du nombre d'enfants en âge d'aller à l'école (55 % de la population a moins de 20 ans et 25 % moins de 10 ans). Le taux de natalité de Mayotte est le plus élevé du territoire français, avec des  établissements scolaires en nombre insuffisant. Quant aux plus de 16 ans, leur scolarisation se fait selon les places vacantes et le niveau des élèves... 

Confiance et autonomie

Irina avec une partie de sa classe

"J'ai conçu mon manuel de lecture perso, adapté au profil de mes élèves, raconte encore Irina. Venus des quatre coins de l’île, la moitié sont déjà parents et beaucoup en difficulté de logement ou sans titre de séjour. Quand on ne sait pas lire, on n’ose pas faire de projets..."

Tout comme ses collègues, Irina travaille en lien étroit avec un référent de parcours rattaché au centre de formation. "Même si cela ne fonctionne pas avec tout le monde, nous veillons à instaurer un climat d'accueil et d'écoute dès le démarrage."
En ce début septembre, les résultats sont là. Malgré l’absentéisme de certains, la moitié du groupe sait  lire, peut remplir des documents administratifs et a gagné en autonomie. " Quel chemin parcouru en cinq mois", s'enthousiasme Irina. Les jeunes font désormais face à l’inconnu et expriment leurs émotions. Mon objectif pour le temps qui me reste avec eux ? Qu’ils s'approprient leur réussite ! "

Trop content

Mohamed, 17 ans, un ré-apprenant heureux !

"Je suis trop content, conclut Mohamed, 17 ans. Avant, j’étais dehors et je ne faisais rien, n’ayant pas eu d’affectation après ma classe de seconde. Nos formateurs sont à l’écoute, notre classe s’entend bien et j’apprends vite. Mon rêve ? Poursuivre mon parcours avec une formation en plomberie !"  

JOURNÉES NATIONALES D'ACTION CONTRE L'ILLETTRISME
  • Les Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme ont été initiées par l’ANLCI et ses partenaires en 2014.
  • Leur but ? S’emparer de la date du 8 septembre, journée internationale de l’alphabétisation de l’UNESCO, pour rassembler chaque année pendant une semaine des manifestations qui donnent à voir l’action conduite dans notre pays pour lutter contre l’illettrisme.
  • Très mobilisatrice, cette dynamique permet de susciter une prise de conscience toujours plus accrue sur l’illettrisme, de mieux informer sur les solutions de proximité pour aider les personnes concernées à faire le premier pas et d’impliquer les médias.
APPRENTIS D'AUTEUIL ET LA LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME En France, 15% des élèves en fin de primaire ne maîtrisent pas ou peu la lecture. Pour porter la lutte contre l’illettrisme, un collectif de 65 associations – dont Apprentis d’Auteuil – s’est constitué autour de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme en 2013. "L'illettrisme est un sujet majeur quand on s'occupe d'insertion, souligne Cécile Perrot, en charge de l'animation et de la coordination du projet éducatif à la fondation. Et un frein réel à une intégration sociale et professionnelle réussie. Apprentis d'Auteuil agit dans ce sens en prévention de ruptures scolaires ou sociales, grâce à son programme d'acquisition de savoirs fondamentaux destinés aux plus jeunes. Nous  sommes également en lien étroit avec l'Agence Nationale de lutte contre l'illettrisme depuis sa création, et participons aux groupes de travail et aux actions qu'elle propose tout au long de l'année."