Jean-Baptiste de Chatillon, nouveau directeur général d'Apprentis d'Auteuil
S’il devait résumer en trois mots Apprentis d’Auteuil, Jean-Baptiste de Chatillon choisirait « merveille » au vu des témoignages des jeunes et des familles, « révolte » devant tant de souffrance, et enfin « gratitude » face à tout ce que les équipes accomplissent sur le terrain. Ancien dirigeant au sein du groupe Stellantis, puis directeur administratif et financier du groupe pharmaceutique Sanofi, ce chrétien de 59 ans, très engagé dans la cité auprès des jeunes, des familles et des migrants, est directeur général de la fondation depuis le 1er juillet.
Pourquoi avoir accepté cette mission à Apprentis d’Auteuil ?
C’est arrivé à un moment où mon parcours de vie et nos engagements d’Église en couple m’attiraient vers un rôle au service des jeunes. Je désirais contribuer à les restaurer dans leur confiance à eux-mêmes, qu’ils deviennent capables d’aimer et de se développer. Quand j’ai reçu le mail de Jean-Marc Sauvé, président du conseil d’administration, pour savoir si je voulais être candidat, je l’ai ressenti comme un appel doublé d’un besoin de discernement. Je connaissais Apprentis d’Auteuil de façon assez abstraite. Nous en avons beaucoup discuté en famille, en particulier avec ma femme Pauline, entre amis, avec Jean-Marc Sauvé, et sommes venus à la conclusion que ce serait forcément un chemin, parce que les qualités et les attitudes que j’ai développées en étant dirigeant de grands groupes internationaux - l'écoute, le management - doivent être ajustées pour diriger une fondation.
Parallèlement à votre carrière, vous avez eu de nombreux engagements auprès de jeunes et de familles...
J’ai toujours aimé travailler auprès des jeunes et des adolescents. Au sein d’une petite association ouverte aux familles dans le IXe arrondissement, j’ai par exemple monté des activités pour un groupe d’adolescents vivant dans des HLM, souvent décrocheurs. J’ai une sensibilité particulière pour ces jeunes, ayant eu moi-même un parcours scolaire difficile, et l’expérience de ce que signifient un accueil et un regard bienveillants, qui peuvent changer une vie. Ils vous ressuscitent au sens propre du terme. J’ai aussi toujours eu un goût pour le travail manuel qui contribue à redonner confiance en soi (au bac, j’avais pris l’option menuiserie) et ai passé mon brevet d’études professionnelles agricoles. Je me suis installé comme agriculteur dans l’Orne en 2013, un vieux rêve d’enfant devenu réalité. Nos engagements de couple se sont également portés sur l’accueil de jeunes migrants, en lien avec le Jesuit Refugee Service, sur la conjugalité, un domaine qui nous intéresse beaucoup.
Vous êtes allé à la rencontre des jeunes, des familles, des équipes, dans des régions, des établissements et des dispositifs très différents. Quelles sont vos premières impressions ?
Ce qui m’a frappé, c’est la rencontre avec les personnes. La façon dont elles ont partagé avec moi leurs souffrances et leurs joies avec beaucoup de sensibilité. Des mamans dont les enfants sont scolarisés à l’école Pier-Giorgio-Frassati du Vésinet, dans les Yvelines, des jeunes accueillis à la Maison d’enfants de Dijon. Des jeunes servant un repas de fête aux établissements Notre-Dame près de Chartres et qui ont été applaudis à la fin du service. Un papa, dans une Maison des familles, qui m’a dit son bonheur d’avoir trouvé un endroit où se poser, pouvoir pleurer et ne pas se sentir jugé. Je suis émerveillé de voir tout cela.
Qu’en avez-vous retenu ?
De façon plus globale, ces rencontres ont aussi déconstruit certaines idées que je pouvais avoir sur ces situations, cela m’a percuté. En particulier, le niveau de précarité que l’on peut rencontrer en France. C’est une chose de le savoir à travers des chiffres, de s’en approcher dans le cadre de ses engagements personnels, c’en est une autre de le voir à cette échelle. C’est un choc : il faut que toute la société se mobilise pour réduire cette pauvreté et cette précarité. C’est un choc également de voir l’étendue des questions dans le domaine de la protection de l’enfance. Cela donne beaucoup d’appétit pour innover, trouver des solutions de prévention aussi, comme les Maisons des familles, les accueils de jour, nos crèches à vocation d’insertion professionnelle. Ces établissements ont un rôle à jouer vis-à-vis des parents, des jeunes, et un rôle de prévention.
Qu’avez-vous aussi découvert ?
J’ai découvert la beauté et la difficulté de ces métiers d’éducateur ou de professeur, que je ne connaissais pas. Un grand nombre de collaborateurs m’ont dit : « Apprentis d’Auteuil, c’est ce qu’il y a de mieux pour faire notre boulot », ce qui montre à mes yeux le degré de qualité de l’accompagnement des jeunes et des familles auquel la fondation est arrivée. Comment garder cela dans le temps, avec une exigence qui continue d’évoluer, une taille de la fondation qui a beaucoup changé ces dernières années ?
Quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit pour définir Apprentis d’Auteuil aujourd’hui ?
Les premiers mots qui me viennent à l’esprit, c’est d’abord « merveille », puis « révolte » devant tant de souffrance, et enfin « gratitude » envers l’accueil et tout ce qui est fait sur le terrain. Les mots du projet éducatif de la fondation résonnent fortement pour moi aussi : la rencontre, la personne, la communauté et le chemin. C’est incroyablement approprié pour qui on est, pour ce qu’on fait, pour notre œuvre d’éducation.
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