Vie de la fondation

Droits de l’enfant : le devoir d’en parler et de les faire respecter

La première conférence sur les droits de l’enfant co-organisée par Apprentis d’Auteuil et l’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux s'est déroulée au Conseil départemental de Gironde le 18 novembre dernier. Ponctué par le témoignage de jeunes d’Apprentis d’Auteuil, l’événement s’est nourri de l’expérience de professionnels de la protection de l’enfance de la fondation et de l’expertise d’avocats spécialisés.

Jean-Marc Sauvé, président d'Apprentis d'Auteuil © Olivier Harrassowski/Apprentis d’Auteuil

Une première ! A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, Apprentis d’Auteuil a organisé pour la première fois, le 18 novembre dernier, une conférence sur ce thème au conseil départemental de Gironde en partenariat avec l’Ordre des avocats de Bordeaux. L’objectif de la soirée-débat ? Faire un état des lieux des droits de l’enfant en France en 2021.
« Cette conférence contribue à faire connaître concrètement les droits de l’enfant, s’est félicité Jean-Marc Sauvé, président d’Apprentis d’Auteuil en ouverture de la soirée. Il faut s’attacher à ce que les mineurs puissent être les acteurs de la promotion de leurs propres droits » dans un contexte marqué notamment par les effets de la crise sanitaire : accroissement de la pauvreté, des violences intrafamiliales, recrudescence de la déscolarisation, sans oublier les 160 000 mineurs victimes de violences sexuelles.

Le droit d’avoir un nom et une identité

Merveille de la Maison d'enfants de Blanquefort lors de la conférence sur les droits de l'enfant. © Olivier Harrassowski/Apprentis d’Auteuil

Structurée autour de quatre des dix droits de la Convention Internationale des droits de l'enfant (CIDE) (1), la conférence a d’abord abordé « le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité » en partant du récit de la jeune Merveille. Vivant en Centrafrique jusqu’à l’âge de 13 ans, l’adolescente a été accueillie à la Maison d’enfants Saint-Joseph sans acte de naissance. Elle illustre la situation des « enfants fantômes » sans état civil. On estime leur nombre à 230 millions dans le monde. Maître Ahmad Serhan a précisé que l’acte de naissance constituait le document juridique le plus précieux. En son absence, l’apatride ne peut pas bénéficier du soutien d’un État et voit sa vie virer au cauchemar administratif. Vincent Peudenier, directeur de la Maison d’enfants de Blanquefort, confirme : « Avec l’arrivée de mineurs non accompagnés, nous vivons ce type de situation pour lequel nous développons une ingénierie adaptée. Nous avons notamment recruté une avocate afin de faire face à ces difficultés juridico-administratives ».

Le droit d’aller à l’école

Salomé de la Maison d'enfants Saint-Joseph prend la parole lors de la conférence. Photo : © Olivier Harrassowski/Apprentis d’Auteuil

La seconde table-ronde de la conférence s’est focalisée sur le droit d’aller à l’école alors que 95 000 jeunes sont déscolarisés en France. Une situation que Salomé a connue, « en raison d’une mauvaise orientation après le collège » précise-t-elle. « Il existe une forme d’errance de l’enfant ou de l’adolescent déscolarisé qui se trouve en décalage avec ses pairs », précise Serge Akra, chef de service éducatif à la Maison d’enfants Saint-Joseph. Sophie Vespignani explique que la cellule créée par le Conseil départemental de Gironde depuis cinq ans, en lien avec l’Education nationale, l’a été justement pour prendre en compte la situation complexe d’élèves. Maître Philippe Lafaye rappelle « que le droit à l’instruction des enfants de 3 à 16 ans dans notre pays claque comme une évidence alors que ce n’est pas toujours le cas ». Tous les intervenants ont plaidé la nécessité d’écouter les enfants déscolarisés et de les aider à s’approprier un nouveau projet, via notamment une scolarité partagée. Cette solution a été salutaire pour Salomé, résidente de la Maison d’enfants Saint-Joseph, aujourd’hui en seconde générale et visiblement épanouie.

Protéger contre toute forme de violence

Photo : © Olivier Harrassowski/Apprentis d’Auteuil

La troisième table ronde consacrée à la protection des enfants contre toute forme de violence a suscité beaucoup d’émotion. Amélie Candé, coordonnatrice de l’internat éducatif et scolaire Saint-Joseph, a raconté avec sensibilité et professionnalisme le parcours d’une jeune fille qui a fui le Nigéria après avoir été enrôlée de force dans un réseau de prostitution. Victime de sévices sexuels, physiques et psychologiques, cette dernière a été accompagnée sur le chemin de la résilience par ses éducatrices et éducateurs. Une reconstruction qui lui a permis de témoigner contre ses bourreaux et de les faire condamner. Maître Marion Lavaud a éclairé le débat par une plaidoirie ciselée. Outre la Convention internationale qui constitue « une boussole » pour les professionnels de l’enfance, l’avocate a évoqué d’autres formes de violences : celle des institutions en raison par exemple d’un manque de places d’écoles pour les enfants handicapés, ou celles des disputes conjugales dont l’acuité équivaut pour un enfant à « une scène de guerre ».

Le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé

Mesure de placement d’un enfant, préservation du lien familial, nécessité de conserver ensemble la fratrie, droit de l’enfant à être entendu par le juge… la dernière table ronde a elle aussi décrypté des questions cruciales mises en perspective par Maïa Lenica, psychologue au relais familial d’Apprentis d’Auteuil à Bordeaux. Baptiste Cohen, coordinateur protection de l’enfance à la fondation et maître Stéphane Lempereur, ont nourri eux aussi le débat en qualité de grands témoins. Le premier a indiqué que l’on ne connaissait toujours pas en France le nombre de parents concernés par la protection de l’enfance. Et le second s’est arrêté sur la mise en pratique des droits de l’enfant dans l’institution juridique. Eric Delemar, défenseur des enfants, a conclu la conférence sur la double responsabilité de « protéger » et « d’éduquer ». Et le devoir pour les adultes « de parler des droits de l’enfant et de les faire respecter ! » (1) La Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 et a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies. Elle comporte 54 articles à travers 10 droits fondamentaux.