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Société

Un temps de pause pour (re) penser son avenir post-bac

GRAND ANGLE. Indécis sur la voie à prendre, déçus de leur orientation, voire en échec, étudiants ou lycéens en fin de parcours sont de plus en plus nombreux à prendre un temps de pause dans leurs études pour repenser leur avenir. Le point alors que s'ouvre la troisième étape de Parcoursup 2023. Par Agnès Perrot.

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Les étudiants sont de plus en plus nombreux à prendre un temps de pause dans leurs études pour repenser leur avenir. Des solutions existent, comme un service civique ou, nouveauté, un cursus après le bac spécialement dédié, à l'université ou en association. Le point alors que s'ouvre la phase d'admission Parcoursup pour 917 000 candidats ce 1er juin.

Avoir un projet professionnel clair et savoir à 18 ans ce qu’on veut faire de sa vie n’est pas donné à tous les jeunes. La responsabilité en incombe en partie au système scolaire français qui fait une part peu importante à l'accompagnement à l'orientation. Un étudiant sur cinq change de parcours au cours de sa première année d’études supérieures1. S'orienter exige de fait - à moins d'une vocation - une bonne dose de travail et de réflexion.  

Interrogé sur la question, le psychiatre Boris Cyrulnik soulignait déjà en 2016 : « Le problème en matière de choix d’études, c’est que l’on fait sprinter nos jeunes. Ils s’orientent trop vite. Les deux années après le bac, certains pays ont décidé d’en faire une période sabbatique. Quand ils reviennent, ils ont appris une langue, ont eu des expériences et ont réfléchi à leur choix de vie. Ils s’inscrivent alors dans des cursus et apprennent un métier. Il y a très peu d’échecs... Ce qui peut aider les jeunes à prendre leur voie, c’est leur pouvoir de rêve. Si un jeune arrive à rêver et à se mettre au travail, il pourra prendre une direction de vie. Donc si, après son bac, il perd un an ou deux, qu’est-ce que ça peut faire ? »2

Une assertion confirmée par Isabelle Servant, coach et créatrice du concept d’orientation positive« Souvent recherchées, explique-t-elle, les césures en cours d'études supérieures ou juste après le bac - notamment pour les candidats recalés sur Parcoursup - permettent aux jeunes de se poser pour vivre de nouvelles expériences à l'étranger, en stage, en s'engageant dans un bénévolat, etc. Au retour, forts d’avoir pu goûter à ce qu’ils aiment et fait sens pour eux, ils se sentent davantage à leur place et s'autorisent, pour certains, à changer de voie, prêts à mettre leur créativité au service des projets, des entreprises, des personnes et du monde qu’ils veulent voir émerger. »

Ce qui peut aider les jeunes à prendre leur voie, c’est leur pouvoir de rêve. Si un jeune arrive à rêver et à se mettre au travail, il pourra prendre une direction de vie. Donc si, après son bac, il perd un an ou deux, qu’est-ce que ça peut faire ?
Boris Cyrulnik
MECS La Valbourdine - Lola, en service civique, pose avec Khaïs et sa soeur Anaya
La jeune Lola, en service civique à la maison d'enfants La Valbourdine d'Apprentis d'Auteuil, dans le Var, pose avec deux enfants. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Le service civique, un engagement pour les jeunes

Dans cette dynamique, un nombre grandissant d’étudiants choisissent d'effectuer un service civique. Ces propositions ouvertes aux jeunes âgés de 16 à 25 ans sans condition de diplôme permettent d'œuvrer auprès d'associations ou d'institutions publiques pour une durée de six à douze mois, en touchant une indemnité. À la clé ? L'assurance de gagner en confiance et en expérience pour repartir, l'année suivante, fort d'un projet projet redéfini grâce à l'accompagnement d'un tuteur. 

Présidente d'Unis-Cité, l’association pionnière du service civique en France, Marie Trellu-Kane, souligne  : « Le service civique est un formidable tremplin pour les étudiants souhaitant faire une pause, sans oublier les jeunes de niveau inférieur au bac. Cette proposition leur permet de cultiver le sens de l’intérêt général, la curiosité et le travail en équipe. C’est également un outil magique pour réfléchir à ce qu’ils veulent faire de leur vie : 20% du temps passé à Unis-Cité est consacré à un programme d’accompagnement à un projet d’avenir. »

Une réalité vécue par Nicolas Rabineau, 22 ans. Il raconte : « Mon service civique a chamboulé tous mes projets. Après mon bac, j'ai préparé un BTS en maintenance des véhicules, puis postulé à Unis-Cité, ne souhaitant pas entrer tout de suite dans la vie active. Mon année de césure m’a permis de comprendre que l'après-vente des voitures n’était pas fait pour moi. Résultat, je vais me former aux métiers de l'animation à la prochaine rentrée ! »

Unis-Cités
Une jeune fille en service civique accompagne une retraitée dans la découverte des fonctionnalités de son ordinateur. (c) Uni-Cités

Paréo, un diplôme universitaire pour s'orienter

Prendre son temps pour faire des choix d'orientation réfléchis, c’est aussi l’objectif des diplômes universitaires (également appelés diplômes d'établissement) Paréo, « passeport pour réussir et s’orienter », un label du ministère de l’Enseignement supérieur, proposé, le temps d'une année, par de plus en plus d’universités publiques ou privées de l'enseignement supérieur, aussitôt après le bac.

Au nombre d'une vingtaine réparties sur toute la France cette année, ces formations proposent aux bacheliers un temps de transition pour réfléchir à leur projet d'orientation. Officiellement destinées à des jeunes qui hésitent dans leur choix d’études, elles offrent également - dans la limite des places disponibles selon les académies - une solution d’attente, sans avoir à perdre une année, aux recalés de Parcoursup, l’objectif étant de pouvoir reformuler avec succès leurs vœux sur la plateforme l’année suivante. 

« De tels cursus, plus exigeants qu'il n'y paraît, répondent à une vraie mission de service public, expliquent Étienne Damome et Julien Vidal, responsable et codirecteur des DU Paréo des universités Bordeaux-Montaigne (Bordeaux) et Paul-Valéry (Montpellier). Ils peuvent aider à remettre à flot des jeunes bacheliers qui n’ont pas immédiatement le niveau pour entreprendre des études supérieures. Ils leur permettent aussi de se donner plus de temps pour cerner leurs talents et leurs envies, tout en renforçant leurs compétences et leur confiance. »

Si les propositions diffèrent selon les lieux (certains Paréo étant davantage axés sur la remise à niveau académique), le tronc commun comprend des cours généraux, des enseignements de découverte disciplinaire, et, bien entendu, un accompagnement personnalisé et des stages en entreprise. 

Aider un jeune à s'orienter est un acte éducatif complexe, qui nécessite du temps, de la pédagogie et une grande ouverture.
François-Xavier Huard
Association Evocae
Des jeunes d'Evocae en plein rempotage, un atelier de végétalisation monté en lien avec la ville de Marseille (c) Association Evocae

Bâtir un projet d'orientation solide

Pour favoriser une orientation post-bac la plus ajustée possible, d'autres dispositifs, émanant d'écoles privées ou d'associations hors Parcoursup, se développent. Ainsi en va-t-il d'Evocae, une association marseillaise née en 2020, qui aide des jeunes bacheliers (diplômés depuis moins de trois ans) de tous les milieux sociaux à bâtir un projet d’orientation solide, avec un vrai travail éducatif derrière. 

La participation aux frais de scolarité est modulée en fonction du quotient familial et le projet vise trois objectifs essentiels, l'autonomie, la persévérance et la capacité d'attention, selon un programme conçu en trois cycles : se connaître, s'orienter, préparer sa rentrée.

« Aider un jeune à s'orienter est un acte éducatif complexe, qui nécessite du temps, de la pédagogie et une grande ouverture, souligne François-Xavier Huard, fondateur du programme. Fort d'un tel type de soutien, tout étudiant déterminé et proactif dans sa recherche de stages trouve une solution d'orientation. Leur évolution sur la durée du parcours est impressionnante. »

Noor, 19 ans, en école d’infirmière dans le Var, en est la parfaite illustration. Inscrite par défaut en droit à la rentrée 2021 – elle n’avait reçu aucune réponse positive sur ses vœux en institut de formation en soins infirmiers – elle intègre Evocae en janvier 2022. Six mois plus tard, elle est acceptée dans huit instituts via Parcoursup. «En six mois, j’ai énormément appris, raconte-t-elle, j’ai fait des stages, j’ai été écoutée, j’ai préparé un plan B pour Parcoursup, bref, j’ai énormément mûri ! »

 

1. note du ministère de l’Enseignement supérieur, novembre 2018
2. https://www.lemonde.fr/o21/article/2016/12/12/boris-cyrulnik-ce-qui-peut-aider-un-jeune-a-trouver-sa-voie-c-est-son-pouvoir-de-reve_5047373_5014018.html

Ce qui est  important pour s’orienter

« Les professions idéales pour chacun se trouvent à la convergence de trois pôles selon la psychologie positive : les forces et atouts, ce qui met en joie et donne du plaisir, ce qui fait sens. Un travail actif d’exploration personnelle peut se faire à partir de questions simples : dans quoi souhaitez-vous être très bon et passer du temps ? Qu'est-ce qui vous touche et fait sens pour vous professionnellement ? Si vous étiez pleinement libre, que feriez-vous ? Quels sujets vous passionnent ? Outre cette introspection, je vois trois autres façons possibles de créer sa voie : multiplier les expériences et les rencontres, s’écouter vraiment et s’autoriser à se former pour travailler dans ce qui  fait le plus vibrer. » 
Isabelle Servant, coach et créatrice du concept d’orientation positive

À Apprentis d’Auteuil

Si trouver son orientation n’est pas toujours aisé pour les bacheliers, c’est encore plus le cas pour un grand nombre de jeunes collégiens ou lycéens en difficulté scolaire, voire déscolarisés, ou sans aucun diplôme, comme ceux accueillis à Apprentis d'Auteuil.

Une réalité qui a amené la fondation à mettre en place, depuis une dizaine d’années, des solutions d’accompagnement en direction des 16-25 ans en panne d’envies et de projets d’avenir.

Pour leur permettre de se remobiliser et de construire un vrai projet d'orientation, en vue d’une qualification, d'une reprise d'études ou d’un emploi, Apprentis d’Auteuil propose des dispositifs – tel Boost insertion, Pro’pulse prépa apprentissage, Impact jeunes – qui varient selon les besoins et les profils, avec un même objectif : accompagner les jeunes pour faire émerger leurs projets, leur permettre d’accéder à une formation ou un emploi et lever les freins à leur insertion sociale et professionnelle.