L'art et la beauté à portée d'enfant

À peine arrivée à l’abbaye royale de Fontevraud, Lola, 12 ans, est dans son monde. Trois ans plus tôt, elle était loin d’imaginer qu’un jour elle entrerait dans ce lieu inscrit par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. « Au début, je ne savais même pas ce que c’était une abbaye, se souvient-elle. J’ai tout de suite voulu m’y intéresser pour être plus cultivée et entrer dans une nouvelle histoire. »

Un partenariat avec l’abbaye de Fontevraud

Avec ses mots, Lola résume l’intention de Gwenaëlle Rouer, éducatrice à la Maison d’enfants Saint-Nicolas, et de Cécile Dufey, médiatrice culturelle à l’abbaye : rendre accessible à des jeunes en difficulté sociale et familiale l’histoire et l’esprit d’un lieu unique au monde, les initier à l’art, les révéler à eux-mêmes. « À travers ce partenariat initié entre les Maisons d’enfants et l’abbaye en 2022, j’ai souhaité rendre la culture accessible aux jeunes, les sensibiliser au beau et leur offrir un espace de réflexion et d’expression hors du quotidien, hors les murs, précise Gwenaëlle Rouer. Tout leur donne envie de découvrir le monde, de créer, d’oser. » « Avec ces jeunes, nous voulions nouer un dialogue entre l’histoire, l’art et la création. Faire de l’abbaye royale de Fontevraud leur maison, pour qu’ils s’en imprègnent et s’en inspirent dans leur vie d’aujourd’hui et de demain », complète Cécile Dufey. 

Depuis 2022, les enfants ont ainsi eu la chance de visiter la coupole de l’abbaye fermée au public, de participer à «Fontevrai ou faux», un jeu créé pour eux, de parcourir les jardins en visites privées…

Reflet, identité et image de soi

Aujourd’hui, dans le cadre de l’opération C’est mon patrimoine! du ministère de la Culture, 
ils admirent l’exposition Visages Magiques, Gaston Chaissac et les autres. « Savez-vous sur quoi peignait Gaston Chaissac ? demande Cécile Dufey aux enfants sagement assis autour d’elle. Du carton, du papier, des écorces, de la pierre, du verre… Sur tout ce qui lui tombait sous la main. » Au cours de la visite, les jeunes écarquillent les yeux, font silence, remarquent : « Pourquoi les visages de Gaston Chaissac ont-ils la forme de patates avec des yeux ronds, un gros nez et une grande bouche ? », demande Dorys, 11 ans. « Pour nous faire rigoler ! », commente William, 12 ans.

La visite terminée, les jeunes retrouvent Quentin Masse, illustrateur et auteur de bandes dessinées, qui anime un atelier de création de masques. À ses côtés, Massandjé, 11 ans, a du mal à se détacher de sa création. « Avec du papier et des couleurs, je peux faire de belles choses comme Gaston Chaissac, glisse-t-elle. Je fais briller mon visage, je l’imagine autrement. Ça me fait aimer l’art sous toutes ses formes. » « Quand je suis énergique, je dessine mes yeux et mes joues dans les détails, poursuit Gladys, 12 ans. Sinon, j’invente un peu, une tête de renard par exemple, un animal discret comme moi. »

Dessiner ses émotions

À l’écoute de chacun, Vanessa Pirot, animatrice pastorale, souligne l’importance pour ces enfants de dépasser leurs limites. Par la magie de cet atelier et de la création, confie-t-elle, ils peuvent mettre à distance l’image d’enfants placés qui leur pèse, devenir des enfants et des adolescents comme les autres : « En découpant un papier de telle façon, en utilisant telle couleur, ils choisissent l’image réelle ou imaginaire qu’ils veulent renvoyer. Ils sont heureux de se découvrir ou redécouvrir. Ils se montrent plus attentifs, moins timides, plus curieux d’eux-mêmes, des autres et du monde. » Comme en écho, William s’exclame : « Avec des grands yeux et des grains de beauté, je fais voir aux autres qui je suis vraiment. Je suis trop content ! » Son masque tantôt sur le visage, tantôt écarté, Lola s’explique : « Je voulais mettre toutes mes émotions dans ce masque car, parfois, je peux être calme à l’extérieur et excitée à l’intérieur. Au final, ce masque me correspond. »

À l’heure de quitter l’abbaye royale de Fontevraud, une phrase de Gaston Chaissac flotte sur le groupe : « Je vous souhaite des milliers de jours heureux qui ne soient pas coupés par des mauvais jours. Bons baisers. »