Education et scolarité

Les raccrocheurs du Fil d'Ariane

A Villeurbanne, Le Fil d’Ariane, dispositif de raccrochage scolaire monté en partenariat entre l’Éducation nationale, les Francas et, depuis peu, Apprentis d'Auteuil, permet à des collégiens ou des lycéens déscolarisés de trouver leur voie et se réorienter. Au programme : connaissance de soi et construction d'un projet. 

Villeurbanne, lycée Faÿs, un établissement qui accueille près de 1000 élèves de l’enseignement général et professionnel. Ce vendredi de mi-septembre, une petite dizaine de jeunes sont réunis autour de membres de la Croix-Rouge. Tous préparent le diplôme du PSC1 (prévention et secours civiques de niveau 1), qui permet de devenir le premier maillon de la chaîne des secours, un atelier au programme de leur formation.

Décrocheurs, ces jeunes ont décidé il y a quelques mois d’intégrer le Fil d'Ariane, un parcours  - et un dispositif - très prometteur, qui les aide à bâtir un projet d'orientation solide, en multipliant les approches et les rencontres.

Dans deux lycées de l'enseignement public

Près de 90 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme. Un phénomène qui s'est aggravé du fait de la crise sanitaire. Avec des conséquences sur l'avenir professionnel et social des plus fragiles d'entre eux.

Novateur, le Fil d'Ariane, accompagne ce public fragilisé dans son parcours d'orientation, en s’adaptant à ses souhaits et à ses compétences. Cofinancé par le Fonds social européen (FSE), le programme s'inscrit dans la liste des dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire de l’académie de Lyon et suit, pour l'instant, une quarantaine d'adolescents, en lien avec leurs parents.

Monté en partenariat entre l'association d'éducation populaire Les Francas, l'Éducation nationale et désormais Apprentis d'Auteuil, il est déployé dans deux lycées de l'enseignement public de Villeurbanne, les lycées Faÿs et Musset, avec, pour chacun, un coordinateur à leur tête. Chaque professionnel fait le suivi du jeune en lien avec le lycée, la famille et les partenaires.

Contrairement à d’autres structures, le Fil d'Ariane propose aux jeunes une multitude d’activités. Des ateliers santé comme la préparation du diplôme de secouriste, des cours pour approfondir et améliorer leurs capacités scolaires, des ateliers de débats et de discussions, des séances de développement personnel… Autant en individuel qu’en groupe. Un vrai dispositif d'éducation.  

Du sur-mesure

Elisa Mourouvin, coordinatrice du Fil d'Ariane au lycée Faÿs (c) DR
Elisa Mourouvin, coordinatrice du Fil d'Ariane au lycée Faÿs. ©Apprentis d'Auteuil

"Notre programme est destiné à tous les jeunes qui veulent être accompagnés dans leur projet d'orientation, explique Célia Fellag, la responsable. S'ils viennent nous trouver, c'est que leur a manqué  un accompagnement personnalisé et bienveillant qui les aurait aidés à se poser les bonnes questions et à les relier à leurs expériences personnelles. Dans notre démarche, nous cherchons à prendre en compte toute les dimensions de la vie des jeunes. Un accueil est possible tout au long de l'année".

Après un rendez-vous durant lequel professionnels et jeunes font connaissance et vérifient s'ils vont pouvoir travaille ensemble, les candidats, mineurs pour la plupart, signent un contrat paraphé par leurs responsables légaux et obtiennent le statut d’élève.

Ils intègrent alors un cursus, qui se déroule sur trois niveaux : remobilisation scolaire, renforcement des compétences psychosociales et élaboration d'un projet.  

"Nous partons des besoins identifiés pour chaque inscrit, c'est la base de l’intervention de notre équipe, souligne Elisa Mourouvin, coordinatrice au lycée Faÿs. Nous faisons au mieux tout en restant réalistes par rapport aux capacités de chacun." 

Redonner l'élan nécessaire à certains

Les sessions proposées incluent des cours de remise à niveau en maths, français, histoire-géo, prévention santé environnement, des interventions de professionnels et des stages pour faire découvrir des métiers et transmettre les codes de l'entreprise. Sans oublier des sorties culturelles, des activités artistiques, des modules d'éducation à la citoyenneté qui redonnent l'élan nécessaire à certains. Et, bien entendu, des points réguliers avec les membres de l'équipe pluridisciplinaire. 

Intégrer le programme nécessite de s’investir, les jeunes ayant un emploi du temps personnalisé bien rempli. A l'issue du parcours, différentes solutions sont proposées aux élèves en fonction de leur profil.

Il peuvent s’orienter ou se réorienter vers une formation initiale (Bac Pro, CAP, etc.), une formation qualifiante (Titre Professionnel) ou une formation complémentaire comme le BAFA ou le Diplôme d'études en langue française. Il leur est également possible de signer un contrat d’apprentissage ou de suivre un service civique. Ils peuvent enfin accéder directement à l’emploi.

Les élèves sont adresses au Fil d'Ariane  par des éducateurs de la Prévention spécialisée ou de la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse), des professionnels de l'animation socioculturelle ou directement par l'Éducation nationale. 

Se découvrir progressivement

L'équipe du Fil d'Ariane (c) DR
L'équipe du Fil d'Ariane (de g à dr) : Elisa Mourouvin, coordinatrice sur le lycée Faÿs, Célia Fellag, responsable, Mélanie Lerebours, coordinatrice sur le lycée Musset, Mathieu Echassoux, conseiller en insertion socio-professionnelle et Marie-Delphine Bresler, assistante administrative. ©Apprentis d'Auteuil

Célia Fellag l’observe jour après jour, le dispositif permet aux jeunes de se (re)découvrir progressivement, de prendre leur place et d'oser (à nouveau) faire des projets, après un temps parfois long de déscolarisation. "Même si nous nous situons dans le champ de la formation, insiste la professionnelle, l’enjeu est ailleurs. Nous sommes là avant tout pour permettre à ces adolescents de partir à la recherche d’eux-mêmes. "

"Avec ce public fragilisé et souvent orienté par défaut, complète Elisa Mourouvin, il est avant tout question de bienveillance. Notre mission première consiste à réinstaurer un rapport de confiance avec les jeunes qui font el choix de venir nous trouver."

Un dispositif qui porte du fruit

Quelques mois près leur prise de fonction, les professionnelles de l'équipe se réjouissent. "Les demandes se font de plus en plus nombreuses", observe Célia Fellag, enthousiaste, et je suis heureuse de pouvoir mettre en œuvre deux de mes convictions majeures depuis que j’accompagne des adolescents en difficulté, la nécessité de travailler en partenariat et celle de permettre aux élèves de développer leurs compétences psychosociales".

Un motif de satisfaction partagé par Elisa Mourouvin : "Ce dispositif porte du fruit. Et même si ce n’est pas toujours simple d’avancer au quotidien avec les jeunes que nous accompagnons, je trouve du sens dans ma mission, je crée, j’innove, je me sens en mouvement, à l'image des jeunes".

Témoignage d'Amine, 17 ans, suivi en 2019 au lycée Musset (par Mélanie Lerebours)

"Orienté en fin de troisième en bac pro technicien chaudronnerie, j’ai démarré au début de l'an dernier (année 2019-2020), dans cette section, mais j'ai rapidement arrêté les cours.  Je n'avais pas choisi cette filière et je m'ennuyais énormément. Du coup, comme je décrochais, je me suis rendu, au bout d'un moment, au CIO de mon lycée qui m’a fait connaître le Fil d’Ariane.

Pour me remettre à niveau, j'ai d’abord bénéficié, par leur intermédiaire, de séances de rattrapage dans les matières générales pendant quelques semaines, en groupe de dix élèves. C'était avec des profs de l'Éducation nationale qui avaient une attitude complètement différente de ceux de mon lycée précédent. Ma moyenne est rapidement remontée à 12 et j'ai pu décrocher, sésame indispensable pour ma poursuite d'études,  un bulletin correct voire très bon, alors que j’avais des tonnes de zéros, de retards et d'absences sur le précédent...

Autre source de motivation, j’ai été suivi individuellement tout au long de l’année par l'équipe, sous forme de rendez-vous réguliers. Ce qui m'a permis de mieux me connaître au fil du temps, et, du coup, de choisir une  formation qui correspondait davantage à ce que j'avais envie de faire.

Résultat ? Depuis la dernière rentrée, je suis inscrit en seconde bac pro technicien d’usinagau lycée Musset. J'ai envie de me lever le matin pour aller en cours et les pensées négatives qui me trottaient dans la tête ont disparu. En plus, l'équipe continue à prendre de mes nouvelles. Ils me font confiance. Je suis ravi !"