Mickaël Gay
Education et scolarité
12 novembre 2025

Mickaël Gay, éducateur et documentaliste, lutte contre le harcèlement scolaire

Au collège Saint-Paul d’Apprentis d’Auteuil en Savoie, Mickaël Gay, éducateur et documentaliste, a fait de la prévention et de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité. Il participe à Sentinelles et référents, un dispositif novateur qui porte ses fruits en associant jeunes et adultes formés à combattre ce fléau. Portrait par Laure Naimski

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De nombreux jeunes sont victimes de harcèlement scolaire. Pour lutter contre ce phénomène, Mickaël Gay, éducateur s'est formé à une nouvelle méthode appelée Sentinelles. Il forme à son tour des élèves pour qu'il n'y ait plus de harcèlement à l'école.

 « Notre collège accueille des élèves en difficulté scolaire, parfois victimes de harcèlement dans des établissements alentour », explique Mickaël Gay, éducateur-documentaliste depuis 2016 au collège Saint-Paul, situé à dix minutes d’Albertville. Ce Savoyard de quarante ans arbore au poignet un bracelet vert fluo, signe qu’il fait partie du dispositif Sentinelles et référents, un programme de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire, conçu par le psychologue Éric Verdier. Il associe élèves et adultes volontaires formés pour repérer le plus tôt possible les agissements et venir en aide aux élèves boucs émissaires. « En m’entretenant avec des jeunes pour faire un point sur leur scolarité et leurs difficultés, j’ai compris que certains d’entre eux avaient été en souffrance et avaient choisi de quitter leur collège pour s’inscrire ici », précise Mickaël. L’équipe enseignante et éducative décide alors d’agir sur les comportements négatifs et violents entre les jeunes et s’oriente vers ce dispositif novateur. 

Collège St Paul sur Isère, Mickaël Gay, éducateur, référent des sentinelles et documentaliste avec Louka 6ème
Au sein du CDI du collège Saint-Paul, Mickaël Gay, documentaliste et éducateur, conseille Louka, élève de 6e (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Déceler les souffrances

Fin 2020, le collège reçoit l’agrément de l’Agence régionale de santé afin de le lancer. Pour Mickaël, qui se définit comme un homme plutôt calme et réfléchi, capable de prendre du recul sur des situations qui le bousculent, comme des insultes entre élèves, il lui offre de travailler sur des valeurs qui comptent pour lui : bienveillance, écoute et empathie. « Je me suis toujours intéressé aux élèves qui passent inaperçus, comme ceux qui obtiennent de bons résultats, qui se comportent bien. Pour autant, ils peuvent rencontrer des problèmes, être harcelés, en souffrance et ne pas le montrer. » 

Il est désormais mieux armé pour déceler ces cas, notamment grâce à la formation de quatre jours (en deux modules de deux jours) autour d’un apprentissage commun jeunes-adultes, où les apports théoriques alternent avec des échanges, du théâtre-forum et d'autres exercices. 

Dispositif "Sentinelles" au collège Saint-Paul - formation de nouvelles sentinelles avec Mickaël Gay éducateur
La formation de nouvelles sentinelles pour lutter contre le harcèlement scolaire, pilier du dispositif "Sentinelles" au collège Saint-Paul (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

À son tour, avec un professeur sensibilisé, il forme chaque année des élèves et des membres de l’équipe à la lutte contre le harcèlement. En 2025, ce collège de 150 élèves, dont des internes, compte trente jeunes appelés sentinelles et seize adultes appelés référents. Les sentinelles ont vocation à responsabiliser les témoins d’actes de harcèlement afin qu’ils ne restent pas indifférents et accompagnent les élèves qui souffrent du harcèlement ou d’isolement en facilitant notamment la libération et sa prise en considération. En revanche, c’est au référent que revient le rôle d’entrer en contact avec le ou les harceleurs.

Dispositif "Sentinelles" au collège Saint-Paul - Mickaël Gay éducateur et référent sentinelle, Léonie, et Natéo sentinelles écoutent Romane dans la salle dédiée
Mickaël Gay éducateur et référent du dispositif Sentinelles, Léonie et Natéo, deux sentinelles formées, écoutent Romane dans la salle dédiée (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Transmettre savoirs et valeurs

Diplômé d’un master en éducation, Mickaël a toujours eu la vocation de travailler auprès d’enfants et d’adolescents. « J’ai eu de bons enseignants qui m’ont transmis cette fibre de transmettre des savoirs et des valeurs comme la bienveillance, la prise en compte des souffrances d’autrui, la capacité d’empathie. » Au sein du collège, outre sa mission d’éducateur, il assure la fonction de documentaliste et se réjouit de cette diversité : « J’ai le sentiment que la fondation m’ouvre le champ des possibles. C’est très enrichissant et valorisant. Si j’ai un projet, je suis en mesure de le porter. » 
Documentaliste, formateur de délégués de classe et au sein du dispositif de lutte contre le harcèlement, accompagnement des élèves, lien avec les familles... Les missions de Mickaël sont riches et variées. « J’essaie de tirer les jeunes vers le haut, notamment au niveau de la confiance en eux », souligne-t-il. Cette année, il accompagne par exemple un jeune qui s’exprimait par la violence à son arrivée au collège. « Il était nécessaire de rétablir avec lui un lien apaisé. La prise de parole et l’écoute sont indispensables pour y parvenir. J’utilise aussi l’humour pour désamorcer les tensions », analyse-t-il. 

Collège St Paul sur Isère, Mickaël Gay, éducateur, référent des sentinelles avec des élèves dans la cour
Avec des élèves dans la cour (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Lorsqu’on lui demande de dresser un premier bilan de l’action de lutte contre le harcèlement, Mickaël le juge positif. Mais parmi les défis à relever, la gestion des réseaux sociaux, qui ont amplifié ce fléau, reste complexe. « Lorsqu’ils rentrent chez eux, les jeunes peuvent encore être harcelés sur les réseaux. ils n’ont plus d’endroit où ils sont protégés. Aujourd’hui, le harcèlement débute sur les réseaux et bascule dans l’établissement. Les sentinelles sont aussi vigilantes à l’extérieur, que ce soit dans le bus, sur les terrains de sport, dans les vestiaires », précise Mickaël. Néanmoins, il note un climat beaucoup plus serein au sein du collège. « Les élèves savent à qui s’adresser s’ils sont en situation de harcèlement. Si nous voulons lutter efficacement, il faut libérer la parole et dénormaliser l’insulte », analyse-t-il. 

Collège St Paul sur Isère, Mickaël Gay, éducateur, référent des sentinelles avec Maria Grosso animatrice pastorale et Quentin Anceau éducateur et responsable Jeunes Sapeurs-Pompiers
Mickaël Gay, éducateur, référent des Sentinelles, échange avec Maria Grosso, animatrice pastorale et Quentin Anceau, éducateur et responsable Jeunes Sapeurs-Pompiers (c) Lucile Barbery/Apprentis d'Auteuil

Posture d’écoute et de bienveillance

Son souvenir le plus marquant ? « Réussir à sortir une élève qui se faisait insulter de l’engrenage qui fait que les jeunes se sentent dévalorisés. Elle a pris confiance en elle et grâce à cela, les insultes ne l’atteignaient plus. Elle n’en souffrait plus. Elle est sortie grandie de cette épreuve. »  
Des années plus tard, la jeune femme est revenue voir Mickaël pour le remercier de son aide. « Ça m’émeut encore. C’est ma plus belle réussite. Ça me soutient lorsqu’il m’arrive d’avoir des doutes et m’aide à continuer. » Pour recharger les batteries, il se ressource en famille en Camargue et se montre philosophe pour l’avenir. « Je suis dans une posture d’écoute et de bienveillance. Même si on a parfois le sentiment de ne pas voir les effets de notre action, j’ai le sentiment de semer des graines qui germeront chez les jeunes », conclut-il.