Au collège Saint-Philippe, des groupes de compétences pour faire progresser les élèves
Au collège Saint-Philippe de Meudon, dans les Hauts-de-Seine, les cours de français et de mathématiques des classes de quatrième et de troisième sont organisés en groupes de compétences. Une innovation pédagogique qui porte du fruit.
Photos Igor Lubinetsky.
Collège Saint-Philippe de Meudon, dans les Hauts-de-Seine. En cette fin de matinée, autour de Philippe Dia, professeur de français, le groupe des "experts", une dizaine d’élèves de troisième générale et prépa professionnelle mélangés, étudie l’extrait d’un récit sur la déportation, « Aucun de nous ne reviendra – Auschwitz et après », au programme de l’année. Des lignes d’une beauté stupéfiante dans lesquelles l’auteur, Charlotte Delbo, déportée à Auschwitz, raconte ce qui lui a permis de survivre. Installés à leurs tables à roulettes – qui facilitent à la fois l’autonomie et le travail en groupe - les jeunes, visiblement intéressés, avancent à un rythme soutenu, les questions fusent, l’attention est perceptible.
« Experts », « initiés » ou apprentis »
Dans une salle attenante, Marion Dufour, autre enseignante, travaille le même texte avec les « initiés ». Le rythme est plus lent, l’attention différente. Au bout du couloir, une troisième équipe, les « apprentis », se concentre, elle, sur une dictée avec Aurélie Vermot. Montés en début d’année, les trois groupes sont régulièrement réajustés dans un sens ou dans l’autre, certains élèves se trouvant parfois en difficulté dans un niveau qui peut d’avérer finalement trop compliqué pour eux.
Dans ce collège, qui accueille une centaine d’adolescents répartis en sept classes, de la sixième à la troisième, dont 35 % à besoins éducatifs particuliers (nécessitant des adaptations pour leur permettre d'apprendre au même titre que les autres élèves), l’innovation pédagogique est une marque de fabrique. Et les groupes de compétences, instaurés depuis trois ans en classe de 4e et de 3e pour les maths et le français, une parfaite illustration de cet état d’esprit.
Ici, la quasi-totalité des jeunes ont des problèmes de comportement, 65 % des élèves sont internes, 20 % sont suivis en protection de l’enfance et la moitié des familles font des demandes de bourse.
Autres particularités, les cours n'excèdent jamais cinquante minutes, les classes ne dépassent pas seize élèves et les quatre éducateurs scolaires de l’établissement ont chacun un bureau à proximité des salles de cours pour accueillir – ou contenir – les élèves lorsqu’ils sont en crise et faire le lien avec les enseignants. But de cette organisation pensée à partir des besoins des adolescents ? Donner aux jeunes – et à leurs familles, tout autant découragées - le maximum de chances pour retrouver le goût de l’apprentissage et progresser.
Respecter le rythme de chacun
« Les groupes de compétences permettent de rassembler les élèves selon leurs besoins précis, l’objectif étant de les faire avancer à leur rythme, avec une approche la plus individualisée possible, souligne Philippe Dia. Avec mes deux collègues, nous faisons chaque semaine un point sur l’avancée de nos groupes, que nous remontons à la direction. »
Céline Pierre, directrice adjointe, précise : « Il s’agit d’une vraie pédagogie positive et active, en lien avec le projet éducatif d’Apprentis d’Auteuil, qui vise notamment à aider chaque jeune, chaque famille à construire une estime de soi, à dépasser ses difficultés. Les groupes ne sont pas figés et nous veillons régulièrement à ce que les jeunes comprennent et acceptent ceux dans lesquels ils sont placés. Ils ont tous le droit à l’erreur et l’essentiel est bien de progresser et non pas d’être le meilleur. Avancer de la sorte est stimulant pour tous, jeunes comme adultes. C’est un réel travail d’équipe. » La mise en œuvre du projet nécessite cependant une grande souplesse et une bonne coordination entre enseignants.
Se remettre à rêver
Installée dans le bureau de Hady, un des quatre éducateurs de l’équipe, Cheinez, bientôt 15 ans, raconte sa transformation : « Je me sens tellement mieux que l’année dernière à la même époque, confie-t-elle. En grande difficulté dans mon collège, je me voyais couler, d’autant plus que je venais d’être diagnostiquée multi dys, et j’étais très inquiète. Aujourd’hui, je n’ai plus honte de mes lacunes et surtout je vois mes progrès. Les groupes de compétences me permettent de me sentir davantage en phase avec les autres élèves et pas condamnée à l’échec. Ici, les enseignants font tout pour que nous réussissions, les éducateurs également. Je mesure la chance que j’ai d’être à Saint-Philippe. »
Ressenti similaire chez Maïlys, 15 ans, sourire reconnaissant. « En classe, avant, c’était hyper dur, j’avais du mal à lire, les profs n’étaient pas disponibles, je me sentais mise à l’écart. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de me tromper ou de rater des exercices, ma curiosité intellectuelle est stimulée, je prends la parole plus facilement, j’ai retrouvé la confiance en moi que j’avais perdue, les envies reviennent. Notamment celle de renouer avec mon rêve de petite fille : devenir décoratrice d’intérieur. Pour m’y préparer, j’ai postulé à un bac pro technicien du bâtiment, option assistant architecte. Mon avenir, j’y crois ! »
Une méthode qui porte ses fruits : en quatre ans, le taux de réussite du collège au diplôme national du brevet est passé de 35 % à 85%.
À lire dans la même thématique
