Illustration - Enfant assis par terre agressé par 3 autres
Education et scolarité

Baromètre de l'éducation Apprentis d'Auteuil - Violences à l'école : des solutions existent

Pour sa 3e édition, le baromètre de l’éducation d’Apprentis d’Auteuil, réalisé par l’institut de sondage OpinionWay, se penche sur les violences en milieu scolaire, un phénomène médiatisé, mais paradoxalement méconnu. Protéiforme, largement répandu, en expansion et insuffisamment pris en compte : c’est ainsi qu’il apparaît à travers les réponses des jeunes de 15 à 21 ans et des parents interviewés. À l’occasion de sa présentation, Apprentis d'Auteuil partage ses dispositifs pour prévenir et mettre un terme aux violences à l'école.

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Apprentis d'Auteuil consacre son 3e baromètre de l'éducation, réalisé par OpinionWay, aux violences en milieu scolaire, un phénomène médiatisé mais mal connu dans ses formes et son ampleur. Et partage les dispositifs mis en place dans ses établissements pour prévenir et enrayer le phénomène des violences à l'école.

Le sujet n’est pas nouveau, mais pourtant, les résultats du sondage d'OpinionWay sur les violences en milieu scolaire, ses formes, son ampleur, sont un choc.

Découvrez le sondage

7 jeunes sur 10 déclarent avoir été victimes de violences à l’école. Près des trois-quarts estiment que l’école est un lieu propice à l’expression des violences.

Un phénomène répandu et croissant

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

Réalisée en août 2022 à partir d’échantillons représentatifs de la population française (jeunes de 15 à 21 ans et parents de jeunes de ces âges), l’enquête d’OpinionWay pour le baromètre de l’éducation d’Apprentis d’Auteuil dresse un état des lieux de la violence subie et ressentie dans les établissements scolaires en France par les jeunes et sonde également les parents. Le questionnaire a été élaboré par les équipes de l’institut de sondage, la direction des Ressources éducatives et Accompagnement métiers de la fondation, en lien avec l’enseignant-chercheur Rémi Casanova, spécialiste des problématiques de violences scolaires. Remonté en force lors de la concertation menée par la fondation en 2021 auprès des jeunes, des familles, des collaborateurs, etc., ce thème ouvre son Plaidoyer 2022 Prendre le parti des jeunes.

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

Une violence multiforme

Le sondage détaille tout d’abord la perception de la violence à l’école. Multiforme, elle touche les jeunes sans distinction de genre. Elle intervient le plus souvent entre jeunes. Cependant, 43 % des jeunes témoignent de violences subies de la part d’un adulte. Elle est verbale pour 64% des jeunes interrogés - ce sont des insultes, des moqueries récurrentes. Elle est aussi psychologique pour 44 % : harcèlement moral, cyberharcèlement, sexisme, racisme.

Pour contrer ces violences verbales, le lycée La Cadène, près de Toulouse, a mis au point une méthode novatrice pour retourner « l’intimidateur », et développer son empathie. « La violence s’exerce aussi de façon insidieuse, explique Emilie Chiandetti, éducatrice. Elle s’exerce à l’intérieur du groupe et les adultes ne la voient pas forcément. Cela démarre par une petite brimade : « Tu as un gros nez ». Si on la laisse s’installer, elle monte de façon cachée et peut se transformer en violence physique. Il faut la canaliser dès le début pour étouffer les phénomènes de harcèlement. Notre méthode pour faire grandir l’intimidateur - nous préférons ce terme à harceleur - vise à développer son empathie. Nous lui fixons un premier rendez-vous et lui demandons s’il a remarqué qu’untel – sa cible en fait – ne va pas très bien. Nous lui demandons d’être vigilant et le revoyons quinze jours après pour le questionner à nouveau et estimer son évolution. C’est une méthode non blâmante, mais pas pour autant laxiste. Si ce n’est pas suivi d’effet, il y a sanction. »

L'importance d'une prévention précoce

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

Autre fait important, si la violence se concentre au collège et parfois au lycée pour 71 % des jeunes, 25 % témoignent d’une violence subie en primaire et 6% dès la maternelle, d’où la nécessité d’une prévention accrue et d’une vigilance dès le plus jeune âge. L’exemple de l’école primaire Pier-Giorgio-Frassati, en région parisienne, témoigne de l’intérêt d’une responsabilisation précoce des enfants, avec la mise en place de ceintures de comportement, de groupes de parole et des conseils d’enfant réguliers.

38 % des jeunes disent avoir subi des bagarres, des vols, et pour 15 % d’entre eux, des coups. 14 % des jeunes ont subi du harcèlement ou des violences sexuelles, 9 % ont participé à des jeux dangereux (jeu du foulard, challenge tiktok...)

Interrogés sur les faits de violence, les parents considèrent qu’ils sont plus graves et plus fréquents que par le passé. Un tiers des parents déclare avoir subi des violences lors de son parcours scolaire. Aujourd’hui, c’est près de 80 % des jeunes qui s’estiment victimes de violences.

Des causes multiples

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

Les sources de la violence sont multifactorielles : l’influence du groupe (44%), les facteurs personnels, le contexte familial (33%), disent les jeunes. Le cadre scolaire peut également favoriser la violence (41 %), en l’absence d’espace d’écoute, d’une pression scolaire trop forte, du manque de temps et de moyens des équipes.
Au lycée professionnel Daniel-Brottier de Bouaye, près de Nantes, l’équipe a développé une méthode pour faire grandir les élèves les plus fragiles dans leurs émotions et la gestion de leurs frustrations, comme le raconte Jocelyne Ribière, la directrice : « Ce dispositif vise les élèves qui ont un passé de violence et parfois des troubles du comportement. Nous avons pour objectif de développer leur confiance, leur sentiment de réussite. Nous avons eu l’aval et le soutien de la Région et du ministère de l’Agriculture dont nous dépendons. »
Au lycée professionnel Saint-Michel de Priziac, en Bretagne, les équipes ont développé la médiation et forment jeunes et adultes volontaires à cette pratique de résolution des conflits. Justine Borri, monitrice-éducatrice, en charge de la prévention du harcèlement, sensibilise les élèves en passant dans les classes et en diffusant des supports adaptés pour alerter sur ce phénomène.

Justine Borri éducatrice à St-Michel projette un film de sensibilisation au harcèlement à des jeunes filles
Justine Borri, chargée de la prévention du harcèlement au lycée Saint-Michel, en Bretagne, sensibilise les élèves. (c) Igor Lubinetsky/Apprentis d'Auteuil

Des signes qui doivent alerter

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

34 % des jeunes ont été témoins plusieurs fois de violences, 29 %, une fois. Le sondage explore aussi le rôle des témoins et leur implication. Si certains témoins viennent au secours des victimes ou lui témoignent de la compassion, une majorité (69%) se montrent indifférente, voire, encourage l’auteur (38%). La question de la parole et du partage avec les pairs est dès lors essentielle, de même qu’un climat serein au sein de l’établissement et un cadre clair. Un enseignement : les numéros verts ne sont pas suffisamment connus des jeunes (seuls 16 % les ont mémorisés), tout comme les comportements à adopter en cas de violences.

Les conséquences sont là aussi, bien réelles : perte de confiance (46 % des victimes), décrochage scolaire (27%), baisse de la santé physique (22%). Autant de signes qui doivent alerter les parents et les éducateurs.

Infographie Baromètre de l'éducation
(c) Opinion Way

Plus de sensibilisation des jeunes et des parents

Portrait de Sarah ambassadrice harcèlement au lycée Saint-Michel
Sarah, ambassadrice du harcèlement depuis trois ans au lycée professionnel Saint-Michel à Priziac (56) (c) Apprentis d'Auteuil

Pour éviter ces violences, les jeunes et les parents préconisent des sanctions plus sévères envers les auteurs, la sensibilisation des élèves, mais aussi des parents, que les jeunes estiment pas assez informés et peu conscients de ce qui se joue dans le cadre scolaire. Les jeunes ne sentent pas assez compris et écoutés, d’où un différentiel important de perception des violences qu’il s’agirait d’accompagner par davantage de soutien à la parentalité. Du point de vue des parents, l’interdiction du portable et des écrans est une piste sérieuse pour 39 % d’entre eux.
Des établissements font de la prévention un de leurs axes de travail, avec la mise en place d’ambassadeurs du harcèlement ou de sentinelles, chargés de faire le lien avec et entre les élèves et de recueillir la parole des victimes et des témoins.
C’est ce qu’explique Sarah, jeune fille de 16 ans, en 2e année de CAP peinture au lycée professionnel Saint-Michel de Priziac, en Bretagne, et ambassadrice du harcèlement pour la 3e année : "Avec tous les autres ambassadeurs et ambassadrices - nous sommes une dizaine - nous passons dans toutes les classes pour nous faire connaître. Le but est qu'on vienne nous voir en cas de problème, de moqueries, d'insultes à répétition. Les jeunes ont du mal à se confier aux adultes. Il est souvent plus facile pour nous de parler à un autre jeune. Ici, il y a un bon climat, chacun peut trouver sa place. Il y a une bonne entente entre nous. Les adultes sont à l'écoute et nous suivent bien. Mais ils doivent cependant être vigilants sur le sujet, car nul n'est à l'abri du harcèlement. C'est très important de s'en souvenir."

DES INITIATIVES À APPRENTIS D’AUTEUIL

  • La comédiation, spécificité d’Apprentis d’Auteuil : des binômes jeune/adulte formés à la médiation aident les parties prenantes volontaires à résoudre un conflit, lors de rencontres de médiation.
  • Les ambassadeurs du harcèlement au lycée Saint-Michel, à Priziac, dans le Morbihan.
  • Les sentinelles du collège Saint-Paul, à Saint-Paul-sur-Isère, en Savoie.
  • Le développement de l’empathie chez les intimidateurs au lycée La Cadène.
  • La pédagogie de l’institutionnel à l’école Pier-Giorgio- Frassati, au Vésinet, pour garder un climat serein tout en responsabilisant les élèves.
  • Le développement de la confiance en soi et du sentiment de réussite chez les élèves les plus fragiles et enclins à la violence au lycée professionnel Daniel-Brottier de Bouaye, près de Nantes.
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C'est le nombre de jeunes de 15 à 21 ans interrogés par Internet (dont des interviews supplémentaires réalisées dans cinq régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitain, Occitanie, Pays-de-la-Loire).
1066 personnes représentatives des parents d’enfants de 15 à 21 ans ont été également interrogées. Les interviews ont été réalisées du 18 au 28 août 2022