
A Paris, un dispositif de lutte contre le décrochage scolaire
Comment favoriser le retour en classe de jeunes décrocheurs ? À Paris, la Passerelle de remobilisation scolaire d'Apprentis d'Auteuil travaille aussi bien les apprentissages que le développement de la confiance en soi. Un investissement sur mesure. Reportage.
Éviter le décrochage scolaire

Créé en 2014 par la Maison d’enfants Sainte-Thérèse, ce dispositif, situé dans le 14 arrondissement de Paris, accompagne douze jeunes décrocheurs ou en voie de décrochage, âgés de 11 à 17 ans, orientés par la Maison d’enfants elle-même ou par l’Aide sociale à l’enfance de Paris. « Trois éducateurs partagent leur temps entre l’accueil de jeunes à la Passerelle (huit jeunes maximum sur place afin d’optimiser le suivi individualisé). Et la prévention du décrochage dans quelques collèges du département, explique Julien Pautot, le chef de service. Certains signaux sont des points d’alerte : retards répétitifs, baisse des résultats, agitation en cours… »
Quand l’élève est toujours scolarisé mais en risque ou en voie de décrochage, une question-clé lui est adressée, ainsi qu’aux enseignants et à sa famille : « Que peut-on mettre en place dans le collège pour y rester ? » Toutes les quatre semaines, un point est fait pour évaluer ses besoins et la progression vers les objectifs retenus, afin de le soutenir pour qu’il reste en classe et retrouve le goût d’apprendre…
La mobilisation de tous
Retour dans le local du 14e arrondissement. Les jeunes qui ne tiennent plus en cours, quel qu’en soit le motif, sont accueillis pour une période de six semaines, renouvelable autant de fois que nécessaire. Elle commence par 15 jours d’observation, le temps de repérer ses stratégies d’apprentissage, son attitude en groupe ou à l’égard du cadre. De son côté, l’adolescent découvre les lieux. « À nous de chercher son adhésion. S’il ne parvient pas à s’investir, il est difficile de les accompagner », précise Julien Pautot. La mobilisation de sa famille et des autres partenaires compte tout autant que la sienne : « J’appelle la famille tous les vendredis. Il n’y a pas de secret : plus les adultes se sentent concernés par le jeune et son avenir, plus celui-ci se remobilisera », ajoute Ingrid Defoy, éducatrice.Des objectifs concrets et atteignables

Des objectifs peu nombreux, mais concrets et revus régulièrement, sont définis ensemble. L'un d'eux, 14 ans, est arrivé en septembre à la Passerelle et a intégré en novembre la Maison d’enfants Sainte-Thérèse. Il explique : « Je suis ici parce que je dois reprendre les bases dans tous les domaines, à part le sport. »
Ingrid Defoy détaille : « Il s’agit pour lui, de travailler le français et les maths, de faire des efforts sur la tenue de son cahier et, le soir, d’apprendre la leçon de la journée, avec le soutien de son éducateur à la Maison d’enfants. L’idée, c’est qu’il apprenne à travailler par lui-même. » Pour un autre jeune, âgé de 13 ans, les objectifs porteront sur l’assiduité, le respect des horaires et du cadre…
Etudier et travailler autrement
Originalité du dispositif, une variété d’ateliers collectifs ou individuels, proposés selon les âges et les besoins, rythment les journées. Certains relèvent du scolaire pur - français, maths - et préparent les jeunes au retour en classe. Comme ce matin, la "prépa dictée" hebdomadaire sur un extrait de l’Odyssée – l’épisode d’Ulysse chez le Cyclope - lu par Ingrid Defoy. L’ambiance est porteuse et s’ils n’évitent pas un certain nombre de pièges, les jeunes participent de manière dynamique à la correction au tableau effectuée dans la foulée. En trois mois, l’un d’eux est passé de 30 à 10 fautes ! D’autres ateliers, comme l’anglais, l’éducation civique, le sport, la philo, les actus presse, l’improvisation théâtrale, la cuisine… abordent autrement les compétences scolaires à acquérir, afin de mobiliser les jeunes à mettre en œuvre leurs compétences. « Je me considère comme "éducatrice pédagogue", car il a fallu que je me forme aux programmes scolaires, au socle commun de compétences et à la façon dont un enfant apprend », explique l’éducatrice.Se responsabiliser

Enfin, l’accent est mis sur la responsabilisation des jeunes et leur participation à l’amélioration de la vie quotidienne. Les vendredis matins, tous se retrouvent en conseil de coopération. À l’ordre du jour, l’emploi du temps de la semaine suivante, la répartition des tâches (ménage et repas, assumés par les jeunes et les adultes), les projets à envisager. Le groupe porte aussi un regard sur la semaine qui vient de s’écouler.
Retrouver une scolarité ou une formation
En résumé, la Passerelle est conçue comme un lieu ressource où le jeune se pose pour retrouver estime et confiance en lui, avancer à son rythme, créer un lien sécurisant avec les adultes et développer ses capacités. « Ce nom de Passerelle n’est pas choisi au hasard : nous sommes un lieu tremplin où le jeune en décrochage trouvera les clés de ses propres ressources pour retrouver une scolarité ou une formation », précise Julien Pautot. Ainsi, un des jeunes présents dans le dispositif de septembre à décembre, a intégré en janvier une 3e Prépa-pro. L’équipe de la Passerelle reste en lien étroit avec son établissement scolaire dans le cadre de son suivi.À lire dans la même thématique