Accompagnement des parents

Parents face aux crises d'ado, vers qui se tourner ?

Vers qui les parents peuvent-ils se tourner lorsque la relation avec leur adolescent devient conflictuelle jusqu’au blocage ? Une question prégnante pour beaucoup ! Pourtant les appuis existent, au téléphone, en face-à-face ou même à domicile. Amicie Rabourdin

Si les blocages ou les violences ne sont pas un passage obligé de l’adolescence, lorsqu’ils surgissent, beaucoup de parents se retrouvent démunis. Prendre du recul, ne pas dramatiser, allier fermeté et souplesse…, ces conseils sont plus faciles à donner qu’à appliquer au quotidien !
Philippe Gutton, psychiatre et psychanalyste, explique :
"L’adolescence introduit un changement corporel dont l’impact psychologique est énorme. C’est une puissante interrogation des pouvoirs en place, notamment du pouvoir parental. La crise d’ado a un caractère existentiel et ne passe pas du jour au lendemain. En cas de difficulté, il est important de trouver de l’aide."
Mais où se tourner pour les familles qui ne relèvent pas de la protection de l’enfance et de l’action éducative à domicile ? Et quand l’adolescent refuse l’aide de tiers - famille, école, médecin, ou même psy - ou bien quand cet entourage banalise la crise ?

Des entretiens téléphoniques

Première étape pour les parents désemparés, le contact téléphonique avec des organismes agréés (dont Apprentis d'Auteuil qui a ouvert la ligne Écoute infos familles). Ceux-ci vont prendre le temps qu’il faudra pour écouter, prodiguer des premiers conseils et, si nécessaire, orienter vers d’autres instances pour un suivi plus approfondi et personnalisé. Un des services les plus emblématiques de ce type d’aide est la ligne téléphonique Inter service parents, première du genre, ouverte en 1971 par l’École des parents Île-de-France. Les professionnels (psychologues, juristes, conseillers scolaires ou sociaux) mènent des entretiens approfondis dans un cadre préventif. L’un des points forts du service : une base conséquente d’adresses utiles.
Mirentxu Bacquerie, directrice générale de l’École des Parents Île-de-France, souligne :
"Il n’y a pas de prêt-à-porter sur la conduite à tenir à l’égard d’un jeune en crise. Les parents appellent parce qu’ils sont en désarroi et ne sont pas sûrs d’avoir la bonne attitude. Dire qu’on est en difficulté, c’est déjà le fait d’un parent compétent. L’anonymat au téléphone permet d’apporter plus facilement ses doutes et ses difficultés, voire de parler de situations plus graves et installées."

Au cœur de la relation parentale

Autre démarche, tous les services en France qui ouvrent leurs portes aux parents pour des rendez-vous en face à face. Ce sont des lieux de conseil, de consultation, d’orientation, à trouver dans les mairies, les associations de quartier, certaines maisons des adolescents, et plus récemment les maisons des familles, dont celles d’Apprentis d’Auteuil. L’Espace Santé Jeunes a été créé par la mairie de Gennevilliers en 2000, pour les jeunes de 12 à 25 ans et leurs familles. Dominique Demaria mène des médiations entre parents et enfants. Elle reçoit aussi les parents seuls ou en couple lors d’entretiens confidentiels et gratuits :
"Nous leur transmettons des outils concrets de communication – attitudes, expression, écoute - pour améliorer les relations intra familiales, explique-t-elle. Ce travail vise à ce que le parent prenne sa place. Beaucoup craignent de ne plus être aimés s’ils refusent quelque chose. Or, un ado se sent protégé par des parents qui tiennent dans la durée un "non" justifié, sans crier !"

Hauteur de vue

Nouveau métier qui émerge, celui de conseiller éducatif à domicile. Un des précurseurs, Matthieu Melchiori, a ouvert en 2009 à Nancy, le Cabinet Éducation conseil après avoir travaillé 15 ans en institution comme éducateur spécialisé. Après une évaluation avec les parents, l’enjeu est pour lui d’établir au plus vite une relation avec le jeune, étape-clé pour avancer. Chaque situation - consommation de stupéfiants, absentéisme scolaire, problèmes d’autorité et d’enfants rois… - nécessite une analyse très fine :
"Entre ce que les parents énoncent comme difficultés, ce qu’elles sont réellement et de quoi elles découlent, c’est là que se situe notre travail. Nous sommes des décodeurs pour les parents perdus, qui parfois s’enkystent dans des positions d’ultra-autorité, elles-mêmes outrepassées par les ados. Ceux-ci, de leur côté, demandent pourtant à ce que l’autorité soit posée et portée par des adultes garants, solides et fiables." Le spécialiste qui refuse de se substituer aux parents, connaît les limites de son champ d’intervention et s’appuie sur des partenaires : psys, établissements scolaires, et un "karatérapeute" alliant son art martial au recours à la parole. Après Metz (57), Epinal (88) et Montgeron (91), un cinquième Cabinet Éducation conseil ouvre en 2015 dans l’Aisne. "L’éducation est un métier de répétition, conclut Matthieu Melchiori. Il est important de ne pas figer les ados dans une image négative. Même s’ils sont casse-pieds, cela n’enlève pas leur profondeur." 

Différencier pouvoir et autorité

Interview de Philippe Gutton, psychiatre et psychanalyste, professeur des universités, directeur de la revue Adolescence et du Centre de pratiques familiales d’Aix-en-Provence Comment les parents peuvent-ils aborder leur adolescent ?
Lorsque l’adolescent est projeté en avant par ses exigences de création, de nouveauté, il attend un dialogue avec quelqu’un qui, pour lui, a de l’autorité car c’est cela qui lui permet de trouver un apaisement. Mais il "file" vers la difficulté s’il rencontre un pouvoir rigide qui applique un ensemble de décisions dans lesquelles il n’a pas sa place. Le cœur du débat porte donc sur la différenciation entre pouvoir et autorité, l’ado souhaitant rencontrer un pouvoir auquel il accorde de l’autorité. Or, même s’ils n’en ont pas conscience, les parents ont beaucoup plus d’autorité aux yeux de leur ado qu’ils ne le pensent ! Le tout est qu’ils osent ce dialogue dont l’ado est demandeur, quoiqu’il dise ou fasse.
Comment les spécialistes peuvent-ils aider les parents ? Je ne pense pas qu’il y ait une seule manière de faire. Tout ce qui permet de trouver un lieu de dialogue facile doit pouvoir être tenté. Prenons un exemple de plus en plus fréquent en France : l’ado qui s’enferme chez lui devant les écrans, et les parents impuissants. Pourquoi ne pas envisager la venue à domicile de psys et d’acteurs sociaux pour dialoguer avec cet adolescent refusant tout contact avec ses parents qu’il considère en abus de pouvoir ? Il m’est personnellement arrivé - au milieu d’une consultation avec des parents et un jumeau, dont l’autre n’avait pas voulu venir - de me lever et d’aller voir ce dernier dans la voiture ! D’abord stupéfait, il m’a ensuite raconté sa vie…

Qu’appelle t-on la crise d’adolescence ? 

La crise d’adolescence est définie par un ensemble de comportements liés à la phase de transition entre l’enfance et le statut d’adulte. Cette phase n’est pas rencontrée par tous, mais lorsque les parents y sont confrontés, leur rôle peut être mis à rude épreuve. 

Quels sont les signes de la crise d’ado ? 

Votre enfant voit son corps changer, fille ou garçon, les transformations physiques et psychologiques sont déclenchées par les poussées hormonales qui influent sur l’humeur et sur le corps. 

Ce bouleversement entraîne très souvent des comportements rebelles, des conflits avec les parents, des remises en question des règles familiales, des prises de risques et des changements d'humeur fréquents. Les adolescents peuvent notamment ressentir un besoin d’isolement et une pudeur excessive vis-à-vis des parents.

Comment agir face à un ado en crise ?

Faire face à une crise d’adolescence peut se révéler être un véritable défi pour les parents. L’adolescent fuit généralement toute conversation, souhaite passer plus de temps à l’extérieur et se renferme sur lui-même. Renouer le dialogue est indispensable pour les adolescents susceptibles et qui ont du mal à communiquer. Soyez vigilants quant aux mots employés, au risque de le brusquer, le frustrer et de couper court à la conversation. 

Veillez à ne pas vous laisser submerger par la frustration d’un adolescent qui se mure dans le silence, votre patience et les petites attentions que vous pouvez lui porter le rassureront. 

Il est important de respecter son intimité tout en le mettant en garde contre certains dangers. La crise d’adolescence est souvent synonyme de rejet de l’autorité et d’isolement, alors n’essayez pas de vous immiscer dans sa vie privée, ne surveillez pas tous ses faits et gestes et tentez de relativiser. 

Tentez de trouver un terrain d’entente sur les sujets de discorde tels que les sorties, l’argent de poche afin d’établir des règles et que l’adolescent puisse se familiariser à la discipline tout en construisant son identité en toute sécurité.  

Vers qui se tourner lorsque l’on est confronté à la crise d’adolescence de son enfant ? 

De nombreuses aides s’offrent aux parents et aux familles pour surmonter la crise d’adolescence. Même si l’adolescent refuse souvent l’aide d’un tiers, les parents peuvent être soutenus et conseillés par des experts dans le sujet. L’appel téléphonique à des organismes agréés peut être un premier moyen d’amorcer la discussion. Apprentis d’Auteuil a ouvert la ligne Ecoute infos familles pour prendre le temps de vous écouter, de vous prodiguer des premiers conseils et de vous orienter vers des instances plus aptes à répondre à vos questions. Il est notamment possible de prendre rendez-vous dans un lieu de conseil et de consultation dans les mairies, les associations de quartier, les maisons de familles etc. Vous pouvez également avoir recours à des éducateurs spécialisés qui, après évaluation avec les parents, sauront conseiller et guider au mieux la phase de transition de votre adolescent.