Nicolas Truelle et Jean-Marc Sauvé
Vie de la fondation

Un passage de flambeau dans la confiance pour Nicolas Truelle

C’est à un exercice exceptionnel que se sont prêtés Nicolas Truelle, directeur général d’Apprentis d’Auteuil, et Jean-Marc Sauvé, président du conseil d’administration, à quelques jours du départ de Nicolas Truelle. Tous deux posent leur regard sur ses presque dix années passées au service des jeunes et des familles en difficulté à la fondation et se projettent dans l’avenir, avant le passage de relais le 1er juillet au nouveau directeur général, Jean-Baptiste de Chatillon.  

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Nicolas Truelle, qui quitte ses fonctions au 1er juillet, revient sur ses dix années passées en tant que directeur général de la fondation.

Quel regard portez-vous sur la fondation il y a dix ans, et sur son évolution ? 

Nicolas Truelle : À mon arrivée, Apprentis d’Auteuil sortait d'une longue période de croissance par reprise d'établissements. La fondation avait ainsi multiplié sa taille par quatre en moins de quinze ans. La réflexion sur ce qui constituait l’identité profonde de la fondation était très présente et a pu s’exprimer dans le projet stratégique 2017-2021, en particulier dans le nouvel énoncé du projet éducatif d’Apprentis d’Auteuil. Plus de 1500 personnes y ont participé, jeunes, familles, collaborateurs. Il s’agissait de décrire l’horizon commun et les pratiques éducatives essentielles de la fondation. Ce que je constate aujourd’hui, c’est que ce projet éducatif, fondé sur la qualité de la relation, trouve à s'appliquer dans tout type d’établissement, depuis la crèche jusqu’au lycée professionnel, en passant aussi par la Maison d'enfants à caractère social ou le foyer de jeunes travailleurs. 

Quelles nouvelles formes d’accompagnement ont été développées en dix ans ? 

N. T. : D’une manière générale nous avons beaucoup travaillé sur les questions d’insertion sociale et professionnelle des « grands jeunes ». Les sortants de la protection de l'enfance, mais aussi tous les jeunes sortis sans rien du système scolaire et le plus souvent « disparus des radars ». Nous avons été encouragés par une orientation gouvernementale qui en a fait une priorité. Et qui, très clairement, a reconnu le travail fait par Apprentis d'Auteuil. Nous avons alors développé la formation par alternance, les dispositifs de remobilisation, ceux de retour vers l’emploi ou la formation et d’accompagnement des sortis de protection de l’enfance. 

L’approche des jeunes a-t-elle évolué ? 

N.T. : L'énoncé du projet éducatif a permis de mettre en évidence l'importance de la prise en compte de la parole et mieux que ça, de la capacité à agir des jeunes et des familles. Nous avons compris progressivement que prendre en compte leur parole et leur pouvoir d'agir, non seulement renforce la qualité du travail éducatif, mais, très probablement, fait la qualité du travail éducatif. Nous vivons cette transformation actuellement. Je suis persuadé, et je ne suis pas le seul, que c'est probablement ce qui va redonner à nos métiers, à notre travail éducatif et social, un attrait fantastique.

Jean-Marc Sauvé : Cela rejoint, à la fondation, la dynamique du « Penser et agir ensemble », une des marques de fabrique de la fondation, aujourd'hui fondamentale dans notre société. Au cours de la dernière décennie, une autre dimension a été mise en valeur, la dimension communautaire, sur laquelle Apprentis d’Auteuil met l'accent, sans répudier le caractère essentiel du projet individuel. Nous sommes des personnes, pas des atomes. Nous interagissons ensemble, nous formons une communauté, et au fond, ce n'est que collectivement que nous pouvons avancer et parvenir à des résultats. En même temps qu'une partie de la société va de mieux en mieux, les fragilités, les vulnérabilités sont là, plus criantes. Nous ne pouvons pas bien y répondre quand les politiques publiques, parfois, marquent le pas. Ce n’est qu'avec l'appui de tous nos donateurs et de nos bienfaiteurs que nous pouvons mener à bien nos missions. 

N. T. : Je suis totalement d'accord. Dans cette communauté, on a plus et mieux réalisé la place que pouvaient et devaient prendre les familles. Probablement 2009, avec l’ouverture de la première Maison des familles à Grenoble1, symbolise cette avancée dans la compréhension du rôle premier des familles en tant qu’éducatrices de leurs enfants, quelle que soit la situation de la famille. Cela, c'est souvent très difficile à réaliser, tellement les relations peuvent être parfois blessées ou déchirées. L’importance du travail avec les familles est de plus en plus comprise par les éducateurs ou par les enseignants. Nous pouvons voir cela, par exemple, dans le très fort développement des mesures éducatives à domicile ordonnées par des juges ou des conseils départementaux. L'éducateur va rencontrer l'enfant, ses parents, dans leur maison, travaille avec l'enfant et avec ses parents. C'est une évolution fondamentale du travail, qui nous met face à cette relation parent-enfant.

J.-M. S. : C'est une nouvelle compétence de la fondation reconnue par nos interlocuteurs dans les départements ou dans les ministères. Il faut permettre aux enfants à la fois une prise en charge éducative et un maintien dans leur famille.

N. T. : À chaque fois que c'est possible, à chaque fois qu'ils sont correctement protégés, parce que cela reste effectivement la condition. J’ai vu aussi durant ces dix dernières années la capacité de transformation de la fondation par l’écoute. On a beaucoup progressé, consacré beaucoup de temps et d'énergie à écouter les jeunes individuellement, collectivement, à comprendre leurs problématiques. Par exemple, lors de la construction du projet stratégique 2022-2026, leur difficulté à être heureux à l'école et à être fiers d'apprendre. Transformer nos pratiques pédagogiques pour retrouver ce goût, cette fierté, cette joie d'apprendre, est ainsi devenu une des cinq orientations du projet stratégique. Nous avons aussi progressé aussi dans la prise en compte des besoins spirituels des jeunes manifestée dans notre orientation pastorale.

J.-M. S. : Les jeunes que nous accueillons ont connu de grandes difficultés. Ils ont été exposés, ils sont exposés à de grandes épreuves, mais ils sont capables, avec ce que nous leur apportons, de nous émerveiller, de nous éblouir.

Après avoir rencontré bien des jeunes de la fondation, je comprends que le salut de notre société pourra peut-être venir de son centre. Il viendra en tous cas, j'en suis persuadé, plus encore de ses marges et de ses périphéries.

À quelques jours de votre départ en retraite, quel est votre état d’esprit ? 

N. T. : Je pars extrêmement confiant dans la capacité de la fondation à rester dynamique, alerte, attentive aux besoins des jeunes. C’est dans ce contexte que je transmets le flambeau, parce que je sais qu'il y a toute une communauté d'acteurs, qui comprend la mission d’Apprentis d’Auteuil et la continuera, comme elle l’a fait pendant les dix ans où j'ai été ici. J'ai en tête la phrase de Daniel Brottier « J'aurai des successeurs. » On peut la prendre d’une manière littérale, mais aussi sous un autre jour : les successeurs de Daniel Brottier sont nombreux. La responsabilité d’être fidèle au projet éducatif de la fondation m'apparaît de plus en plus répartie. Ce sont toujours des personnes avec leur couleur propre, leur génie propre, qui agissent pour essayer de réinventer en permanence cette mission, de l'adapter aux besoins évolutifs des jeunes et des familles.

  1. En partenariat avec le Secours catholique

INTERVIEW NICOLAS TRUELLE

Nicolas Truelle, directeur général d'Apprentis d'Auteuil, quitte ses fonctions au 1er juillet. Dans cette vidéo, il dialogue avec Jean-Marc Sauvé, président du conseil d'administration, et revient sur l'année 2023. 

Nicolas Truelle, directeur général d'Apprentis d'Auteuil et Jean-Marc Sauvé, président du conseil d'administration, reviennent sur les temps forts de l'année 2023.
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