International

« Avec les enfants, l’avenir se bâtit aujourd’hui. »

A l’occasion de la 32e Journée internationale des droits de l’enfant, Apprentis d’Auteuil donne la parole à Yacouba Sylla. Avec l’Association jeunesse et développement du Mali (AJDM), partenaire d’Apprentis d’Auteuil, ce travailleur social de 31 ans aide de jeunes migrants isolés d’Afrique de l’Ouest à regagner leur pays d’origine. Interview.

En quoi consiste votre travail à Bamako au sein de l’association AJDM ?

Je supervise depuis 4 ans un centre d’accueil pour migrants accueillant un quart de jeunes mineurs, pour beaucoup non accompagnés (MNA), qui souhaitent regagner leur pays d’origine. Ils nous sont confiés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dépendant des Nations Unies, basée à Gao. Ma mission est de les assister matériellement et de les accompagner dans leurs démarches administratives pour leur permettre, à terme, de retourner chez eux.

Qui sont ces jeunes Mineurs non accompagnés ?

Ce sont des mineurs de 13 à 18 ans, issus de familles très pauvres originaires de Guinée, Côte-d’Ivoire, Sénégal, Gambie et parfois de la Sierra Leone, du Liberia ou encore du Cameroun. Tous ont eu une enfance difficile, sans éducation scolaire ou ont quitté prématurément l’école. Au bout du compte, privés de perspectives, ils endossent le rôle de « personne ressource » pour leur famille, en acceptant de quitter leur pays en direction de l’Europe, dans l’espoir d’y trouver un travail et subvenir aux besoins de leurs proches.

Mais leur voyage tourne court…

Yacouba Sylla (à gauche) à Apprentis d'Auteuil avec les jeunes de la MECS Jacques Laval. Photo : DR

En effet, sur les routes de la migration, ces jeunes sont victimes de toutes sortes de violences et d’abus. Traverser le désert pour le Maghreb, dans l’hypothèse incertaine de gagner l’autre rive de la Méditerranée, est une épreuve à laquelle peu sont préparés. Finalement, à court d’argent, épuisés et parfois malades, ils renoncent et acceptent, une fois pris en charge par l’OIM, de revenir sur leurs pas.

Comment œuvrez-vous à la défense de leurs droits fondamentaux ?

A l’AJDM (Association jeunesse et développement du Mali), nous accompagnons des jeunes en transit, accueillis chez nous entre une semaine et deux mois, dans l’attente de leurs documents administratifs. Si nous ne défendons pas à proprement dit leurs droits fondamentaux, nous leur offrons, le temps de leur séjour, ce à quoi tout enfant doit pouvoir prétendre : un toit, une aide alimentaire et un accès aux soins.

Quel sens revêt pour vous la Journée internationale des droits de l’enfant ?

C’est pour moi un espace qui permet aux jeunes et à tous ceux qui les accompagnent de parler au monde pour rappeler que, d’où qu’il vienne, quelle que soit son histoire, tout enfant a des droits inaliénables. Le respecter, c’est aider à faire grandir en lui l’adulte qu’il sera demain. Parce que l’avenir, se bâtit aujourd’hui.

Vous avez récemment vécu une immersion au sein de la Maison d’enfants Jacques Laval d’Apprentis d’Auteuil, qu’en retirez-vous ?

Cet échange de pratiques de trois semaines a été riche et apprécié, je crois, d’un côté comme de l’autre. Pour ma part, j’ai été très impressionné par l’organisation interne de l’établissement, l’ensemble des compétences associées au service du bien-être des jeunes et la pertinence des activités extra-scolaires proposées.

Et du côté d’Apprentis d’Auteuil ?

Je crois avoir pu jouer, auprès des équipes, le rôle d’interprète, au sens propre comme au figuré. Je parle plusieurs dialectes pratiqués par ces jeunes venus d’Afrique et connaît leur culture. C’est par exemple difficile, en France, de comprendre le refus d’un jeune Mineur non accompagné d’obéir à une femme. Mais pas si l’on prend le temps d’écouter et de parler avec ce jeune qui a grandi dans un village où l’autorité était exclusivement masculine et la femme reléguée à un rôle strictement nourricier. En prenant ce temps, on finit par parler le même langage et apprivoiser des jeunes qui ont foncièrement envie d’aller de l’avant et soif d’intégration.