Elodie Dupont, psychologue clinicienne à la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco
Témoignages
09 octobre 2024

Psychologue en Maison d’enfants, Élodie Dupont aide les jeunes à penser et panser leurs maux

Psychologue à la Maison d’enfants Foyer Jean-Bosco au Havre, Élodie Dupont accompagne les jeunes pour qu’ils s’expriment sur leur parcours de vie souvent complexe et difficile. Objectif ? Qu’ils gagnent en confiance, en estime de soi et construisent leur avenir. Portrait par Laure Naimski.

Équipée d’une combinaison néoprène et d’un gilet de sauvetage, Élodie Dupont prend la mer à bord d’un catamaran en binôme avec une adolescente. Contrairement à Violette Dorange, la marraine de la fondation, Élodie n’est pas navigatrice, mais psychologue, en poste à la Maison d’enfants à caractère social Foyer Jean-Bosco au Havre, qui héberge 35 jeunes de 11 à 18 ans (certains en semi-autonomie) et comprend un service pour 24 mineurs non accompagnés. 

Ce jour-là, elle participe à une initiation à la voile sous un beau soleil automnal. Les marins en herbe font partie d’un groupe de remobilisation scolaire. Élodie, jeune femme souriante, chaleureuse et discrète, au tempérament calme, les accompagne : « Cette initiation, confie-t-elle, constitue un excellent outil de médiation pour être en contact avec les jeunes, créer du lien, observer leur comportement, déceler leurs besoins et y répondreC’est aussi un moyen de démystifier le rôle du psychologue. Je peux créer et instaurer une relation de confiance et de bienveillance avec eux. C’est une première porte d’entrée vers le jeune, qui peut déboucher sur un entretien individuel dans mon bureau. »  

Sortie en catamaran pour des jeunes de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco  avec Elodie Dupont, psychologue clinicienne
Sortie en catamaran pour des jeunes de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco avec Élodie Dupont, psychologue clinicienne (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil
Sortie en catamaran pour des jeunes de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco
Les jeunes écoutent les consignes du moniteur de voile (à g. Élodie Dupont). Une sortie du groupe de remédiation scolaire, qui permet aux adolescents de sortir du cadre de la Maison d'enfants, apprendre d'autres compétences, gagner en confiance en soi et en l'autre. (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil

Le psychologue, un créateur d'espaces

La jeune femme de 34 ans, originaire de Bretagne, depuis huit ans à la Maison d’enfants du Havre, a toujours eu le goût des autres. Après ses études à Angers et avec son diplôme en psychologie clinique et psychopathologie en poche, elle débute dans un Point écoute jeune auprès des adolescents au Havre, ce qui lui donne envie de travailler avec ce public. « L’adolescence, explique-t-elle, est un moment de bouleversement psychique et identitaire, un temps d’affirmation de son individualité et de sa singularité. C’est aussi une période charnière fragilisante. Le jeune peut se sentir délaissé, perdu. Être bien accompagné, avoir un lieu où il peut déposer sa détresse, c’est salvateur. Cela peut l’aider à construire son avenir. » 
Elle postule ensuite avec succès à la Maison d’enfants Foyer Jean-Bosco, se sentant en adéquation avec les valeurs de la fondation : « L’accueil inconditionnel, la main tendue. » Sa mission ? Proposer un travail d’accompagnement aux jeunes qui peuvent rencontrer des difficultés psychologiques et/ou comportementales en les amenant à une prise de conscience, leur apporter un soutien et leur ouvrir des perspectives d’orientation. « Le psychologue est un créateur d’espaces pour penser et panser. Je travaille aussi en étroite collaboration avec l’ensemble de l’équipe afin d’œuvrer au soutien du jeune. Enfin, je fais le pont entre l’éducatif et l’accompagnement psychologique. C’est très étayant pour le jeune », analyse-t-elle.

Une jeune fille de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco s'entretient avec Elodie Dupont, psychologue clinicienne
Une jeune fille de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco en entretien individuel avec Élodie Dupont, psychologue clinicienne (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil
 Elodie Dupont, psychologue clinicienne à la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco, en discussion avec Christelle Bureau, directrice, et Isabelle Delarue, animatrice pastorale qui coanime avec elle l'EARS dans l'établissement.
Échange entre Élodie Dupont, psychologue clinicienne à la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco, Fatma Lance, une éducatrice, et Isabelle Delarue, l'animatrice pastorale qui coanime avec elle l'EARS dans l'établissement. (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil
Session d'EARS pour des jeunes filles de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco  avec Elodie Dupont, psychologue clinicienne
Une séance d'EARS pour des jeunes filles de la Maison d'enfants Foyer Jean-Bosco, en présence d’Élodie Dupont, psychologue clinicienne et de Fatma Lance, une éducatrice. (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil

Éduquer à la vie affective, relationnelle et sexuelle

Après un entretien individuel d’accueil et d’évaluation, elle construit avec le jeune un parcours de soin et d’accompagnement scolaire et social, en lien avec les éducateurs. Si certains adolescents ne rencontrent pas de difficultés particulières, d’autres ont vécu des parcours complexes et traumatiques, qui peuvent avoir été marqués par un délaissement, des abus, de la maltraitance dans le cadre familial. Ils peuvent par exemple souffrir de troubles de l’attachement, de difficultés à vivre en collectivité. « Ces jeunes ont du mal à accueillir et canaliser leurs émotions. Ils les expriment à travers leur comportement qui peut être violent ou à risque. » Ces conduites à risque peuvent notamment être sexuelles. 
Depuis un peu plus de deux ans, Élodie coanime des ateliers d’éducation affective, relationnelle et sexuelle. Cette démarche d’Apprentis d’Auteuil a pour objectifs d’ouvrir le dialogue, d’informer les jeunes et de leur permettre de poser des choix éclairés en matière de sexualité. En petits groupes, on y parle d’amour, de relations, de contraception, de protection contre les infections sexuellement transmissibles (IST), mais aussi du consentement, entre autres. « Il faut à la fois informer les jeunes et susciter leur réflexion. C’est important qu’ils puissent identifier des personnes ressources et des lieux, en interne ou à l’extérieur avec des professionnels de santé », souligne Élodie Dupont, qui partage aussi le quotidien des jeunes, qu’il s’agisse par exemple d’un dîner ou d’un atelier créatif pour nouer ou consolider un lien de confiance. 

Semer pour construire leur avenir

Élodie se souvient plus particulièrement d’une adolescente trop agitée pour pouvoir dîner avec les autres le soir de son arrivée au foyer et qu’elle a invitée à sa table afin qu’elle puisse se sentir en sécurité. « C’était une jeune qui avait beaucoup de difficultés à canaliser ses émotions. Ça se manifestait par des crises comportementales spectaculaires. Dans la bienveillance, elle a pu trouver sa place. Nous avons démarré ensemble un suivi psychologique pour l’accompagner vers un mieux-être. Aujourd’hui, elle recherche un travail, vit en semi-autonomie, accompagnée par la Maison de l’adolescent er par un service d’insertion au Havre. Elle s’est dépassée, construit son chemin d’adulte en devenir. Elle maintient des liens familiaux en gardant une lucidité quant à cette fragilité. C’est une belle réussite. » Une réussite qui implique que le jeune soit acteur de son projet et de son suivi régulier. C’est ainsi qu’il pourra interroger son histoire, se l’approprier par l’expression de soi et de ses maux, et ensuite aller de l’avant. « Faire face à la difficulté, c’est éprouvant, analyse la psychologue. Mais c’est ce qui permet de rebondir et d’amener les jeunes à découvrir qu’ils ont en eux des ressources, des qualités et des forces. Je les aide simplement à les déployer. C’est ce qui me tient à cœur. Je sème, j’accompagne. Je me dis que ça va forcément retentir plus tard, à un moment de leur vie, et qu’ils pourront se resservir des outils que nous avons déployés ensemble. »