
Johnny Devaux, psychanalyste et philosophe
À 38 ans, Johnny Devaux, ancien des établissements Saint-Pie X à Domont et Jacques-Laval à Eaubonne (95), a tout connu ou presque de la vie, de quoi désespérer, s’enthousiasmer et rêver. Psychanalyste, il vise l’excellence et croit au bonheur, pour lui et les autres.
C’est l’histoire d’un enfant accablé de malheurs et d’un homme résilient. De ces histoires qui intimident... « J’ai préparé un mémoire sur mon parcours de résilience, après mon master en psychologie, alors, je suis prêt à tout partager, confie-t-il. Guidé par une pulsion de vie, je veux réussir. Et aider comme je l’ai été. » Le récit d’un enfant combatif et d’un adulte empathique peut commencer.
Le jeune des 400 coups
Johnny Devaux naît en 1986 à Gonesse dans le Val-d’Oise. Dernier d’une famille de cinq enfants (trois filles et deux garçons), il est constamment livré à lui-même. « J’allais à l’école en chaussons. Je me souviens m’être fait mordre une fois par un chien errant, raconte-t-il. Mes parents avaient, comme on disait à l’époque, des carences affectives et éducatives. Enfants de l’après-guerre, ils se reconstruisaient et faisaient ce qu’ils pouvaient avec ce qu’ils avaient... »
À 6 ans, ses parents séparés, Johnny est confié à une famille d’accueil. Cinq ans plus tard, sa mère fait appel de la décision du juge des enfants et cherche à le récupérer. Il la rejoint à Garges-lès-Gonesse, dans un quartier difficile, où il doit s’imposer face aux autres garçons. Les études passent au second plan. Johnny redouble sa 6e. « Sous l’emprise d’un homme violent, ma mère dépressive est retombée dans ses vieux démons : l’alcool et les médicaments. Je suis allé vivre dans la rue, là où je ne pouvais pas paraître vulnérable sous peine d’être exploité. J’ai joué à la petite frappe. »
Voyant sa dérive, la professeure principale de Johnny prévient les services de protection de l’enfance. À 12 ans, l’adolescent est orienté au collège et à l’Internat éducatif Saint-Pie X d’Apprentis d’Auteuil. « Je m’en souviens comme si c’était hier. J’y ai retrouvé tout ce que je voulais fuir, des petits "caïds" qui avaient comme moi connu la rue et sa loi de la jungle. »
Pourtant, en deux ans à Saint-Pie X, puis un an à la Maison d'enfants Jacques-Laval d’Apprentis d’Auteuil, en région parisienne, l’adolescent reconstruit sa vie. « Le déclic s’est fait en moi quand j’ai vu une partie de l’équipe éducative de Saint-Pie X assister aux obsèques de ma mère, qui s’est suicidée en décembre 1999. Par-là, elle m’exprimait sa peine. Le père Mike, aumônier du collège, a plus tard trouvé les mots pour m’apaiser : « On t’a ouvert les bras. Accepte ce qui t’est donné ».
Au départ réticent, l’adolescent accepte de rencontrer le psychologue de l’établissement. « Didier Philippe m’a expliqué le conscient, l’inconscient et le subconscient : il m’a montré le chemin de la résilience. La fondation m’a apprivoisé. J’ai accueilli sa bienveillance. Je n’ai pas obtenu le brevet des collèges mais, à 15 ans, j’ai reçu le baptême et j’ai fait ma première communion, c’est très important pour moi. »

L’adulte aidant
La suite ? Un BEP vente en poche, le jeune homme entre à l’armée de l’air à Taverny : « Elle m’offrait un cadre rassurant ». Militaire du rang1, il fait partie du commandement des opérations spéciales envoyé en zone de guerre en Afrique, de 2006 à 2011. La rencontre avec Julia, sa future femme, lui fait choisir une autre voie.
Grâce au budget reconversion de l’armée, il prépare le CAP cuisine à l’école Ferrandi - sa passion - et en sort major. « À chaque fois, je vise l’excellence. Mon conseil aux jeunes : Apprenez à vous connaître, n’hésitez pas à vous faire accompagner, à changer, croyez toujours en un avenir meilleur. Un adulte créatif naît souvent de l’imagination et des fantasmes d’un enfant blessé. »
Après cette expérience, son cheminement intérieur pousse Johnny Devaux à étudier la psychologie à la faculté d’Aix-Marseille. Avant de se former au métier d’assistant familial (pour être famille d’accueil). « Je voulais aider et accompagner des jeunes comme je l’avais été. » Julia se découvre, elle aussi, l’âme d’une assistante familiale. En plus de leurs trois enfants - Louise, Rose et Sacha - le couple accueille six enfants et adolescents placés par l’Aide sociale à l’enfance de l’Eure, où ils habitent désormais, dont des mineurs non accompagnés qu’ils éduquent « à la différence et à l’ouverture au monde. »
En octobre 2022, une autre étape est franchie avec l’ouverture de son cabinet de psychanalyste et de praticien en psychothérapie. « Je sais d’où je viens. J’ai eu de la chance. Je veux la redonner. » Son père qui vit à ses côtés, ses frères et sœurs sont heureux et fiers de lui.
1 Premier grade de la hiérarchie dans l’armée
BIO EXPRESS
- 1986 Naissance à Gonesse (95)
- 2009 Rencontre avec Julia, sa future femme
- 2016 Devient assistant familial
- 2022 Ouverture de son cabinet de psychanalyste et de praticien en psychothérapie près d’Evreux
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