" La vie intérieure... c'est un espace secret où je peux me poser "
Au cœur d’une journée bien remplie, assailli de sollicitations constantes, qui n’a pas souhaité un moment de calme, de paix, pour plonger en soi et prendre du recul ? Mise à l’honneur au sein du projet stratégique d’Apprentis d’Auteuil, l’intériorité est cet espace intime dont l’exploration est sans fin. Tentons de la cerner grâce aux éclairages de Mathéo, jeune des établissements Notre-Dame, près de Chartres, du père Marc Whelan, délégué de la tutelle et à la pastorale de la fondation, et d'Etty Hillesum, jeune mystique juive qui relata sa démarche spirituelle dans son journal.
« Un espace secret où je peux me poser »
Le témoignage de Mathéo, 16 ans, accueilli aux établissements Notre-Dame, près de Chartres, élève en CAP de boulangerie
« Pour moi, la vie intérieure, c’est comme un espace secret où je peux me poser. C’est ce qui fait vivre mon âme, ce sont les pensées profondes qui m’habitent, des phrases que j’entends au fond de moi. Parfois, elles me tirent vers le bas, à d’autres moments, elles sont super belles.
Ma vie intérieure m’aide à mieux me connaître et me comprendre, à mieux savoir ce que je veux, à essayer de trouver des réponses aux questions que je me pose. Et en ce moment, je m’en pose pas mal, notamment sur mes examens, mes études, ma famille, qui je suis...
Quand les questions se bousculent un peu trop dans mon cœur, je me pose et j’écoute. Et quand je m’arrête pour méditer, je sens de plus en plus à l’intérieur de moi un guide qui m’encourage et me veut du bien.
Ce guide, à force d’essayer de l’écouter, je l’entends de plus en plus clairement, comme l’an dernier au cours d’un séjour humanitaire (une action éducative de solidarité internationale, NDLR) en Tanzanie avec la fondation. J’avais envie de bouger, de faire des rencontres, de me rendre utile. On a vécu des expériences difficiles à décrire. C’était vraiment très fort.
Ce guide, je l’ai aussi entendu quand je suis parti pour le pèlerinage d'Apprentis d’Auteuil à Lourdes, au début des vacances de la Toussaint 2024. Je n’allais pas trop bien. Un jour, je me suis mis dans un coin à l’écart après un temps de célébration et j’ai clairement entendu comme une voix intérieure, un appel à me lever et à avancer. J’en ai parlé à un de mes animateurs en pastorale qui m’a dit que c’était une expérience spirituelle.
Depuis, et même un peu avant, je vais au centre Emmanuel (NDLR le centre pastoral des établissements Notre-Dame) pour en savoir plus sur Dieu et sur la religion à laquelle je ne connais pas grand-chose. Et aussi pour apprendre à prier. C’est mon chemin. Personne ne m’a forcé. La vie intérieure et Dieu, pour moi dans ma vie, maintenant ce sont deux choses très liées. »
Pour les spiritains, une écoute profonde
Le regard du père Marc Whelan, délégué de la tutelle et à la pastorale d'Apprentis d'Auteuil
"François Libermann (1802-1852), deuxième fondateur de la Congrégation du Saint Esprit et maître spirituel des spiritains, a été marqué par la spiritualité de ses ancêtres juifs. Dès son enfance il récitait deux fois par jour le Chema Israël : « Écoute, Israël… » (Dt 6,4).
Baptisé chrétien, la vie et la mission de Libermann ont été profondément marquées par cette écoute profonde, nécessaire selon lui afin d'être attentif à ce qu’il appelle le moment de Dieu. Ce moment de Dieu vient à l’intersection de notre vie intérieure (notre vie spirituelle, notre vie de prière, notre écoute, notre regard sur le monde) et notre vie extérieure (nos activités, nos relations, nos engagements, notre service,…). Pour Libermann, la vie intérieure consiste à "rester devant Dieu, dans la paix, l'humilité, la douceur et dans la pleine confiance en la miséricorde de Dieu."
Nous sommes souvent bousculés dans nos vies par des imprévus que nous n’avons pas prévus ! Dieu, lui non plus, ne se laisse pas programmer. Impossible d’enfermer le Dieu des surprises. C’est pourquoi Libermann nous invite à être sans cesse attentif à cette présence active de Dieu dans le monde et d’attendre ses moments comme des appels.
La spiritualité de Libermann est un accueil de cette présence dynamique de Dieu dans nos vies dans une attente paisible et patiente. Ainsi nous serons attentifs, attentifs aux moments de Dieu qui nous appellent toujours à la vie au moment où notre intériorité s’ouvre à une présence au monde dans la relation, le service et l’attention aux autres."
Etty Hillesum, extrait de "Une vie bouleversée"
Notre unique obligation morale, c'est de défricher en nous-même de vastes clairières de Paix et de les étendre de proche en proche, jusqu'à ce que cette Paix se partage et irradie vers les autres. Et plus il y aura de Paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
Un peu de Paix, beaucoup de douceur et un peu de sagesse… quand je sens cela en moi, tout va bien !
C'est aussi notre seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous.
Jeune étudiante juive confrontée au nazisme aux Pays-Bas, Etty Hillesum entreprend l'écriture de son journal, témoin de sa démarche spirituelle, dans les deux dernières années de sa vie. Publié sous le titre "Une vie bouleversée", il est d'une rare force mystique. Elle meurt assassinée à Auschwitz en 1943.
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