Enfant peignant une colombe de la paix
Société

Cardinal Nzapalainga : "Nous devons habiter la paix"

A l'occasion de la Journée mondiale de la paix ce 1er janvier, le cardinal Dieudonné Nzapalainga, aumônier aux établissements Saint-François de Sales d'Apprentis d'Auteuil à Marseille de 1997 à 2005, évoque sa vision personnelle de ce thème qui ouvre les festivités autour du centenaire de la présence spiritaine à la fondation.

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A l'occasion de la Journée mondiale de la paix, le cardinal Nzapalainga revient sur la signification personnelle qu'il fait de ce sujet.
Monseigneur Nzapalaianga
Le cardinal Nzapalainga a été aumônier à Apprentis d'Auteuil pendant 8 ans. (c) Besnard/Apprentis d'Auteuil

Quel sens personnel donnez-vous au mot paix ?

La paix, pour moi, n’est pas un mot creux, vide ou abstrait. La paix, c’est Dieu lui-même. Un Dieu proche de son peuple, qui l’accompagne. Un Dieu qui vient et prend le risque de naître à travers un enfant, Jésus, qui lui-même donne sa paix à l’humanité en acceptant de mourir pour rassembler. Jésus l’a dit : « Heureux les artisans de paix car ils auront le Royaume. » Moi, je m’inscris dans cette dynamique. Quand on est chrétien, on doit revêtir l’être de Jésus Christ pour être artisan de paix.

Dans mon pays, la Centrafrique, où il y a la guerre, je vais mendier la paix dans le cœur des ennemis. Lorsqu’ils déposent les armes, ils permettent aux familles de retrouver le cours de leur vie grâce à la paix sociale, aux enfants de retourner à l’école grâce à une paix éducative. Si l’on veut qu’un pays se développe, la paix est indispensable. Il faut accepter d’abandonner ses idées pour accepter de renaître avec celles des autres. Nous avons besoin de la paix, on ne construit pas dans le bruit et le désordre. On construit lorsque les cœurs sont unis et que l’on se respecte mutuellement. La façon de se comporter, de parler, d’être, exprime aussi la paix. Si l’on veut que le mot « paix » ne soit pas vide de sens, nous devons investir et habiter la paix. Il faut pouvoir proposer cette paix au risque de notre vie. Jésus a donné sa vie pour que la paix revienne.

Comment parler de paix aujourd’hui, alors que la guerre fait rage en Ukraine et au Proche-Orient ?

Il faut que les artisans de paix se lèvent, qu’ils se concertent. La paix se fait avec les ennemis ou avec ceux qui ne partagent pas vos convictions. Dans mon pays, je me suis uni avec les musulmans et les protestants pour aller chercher la paix. Nous sommes allés, à nos risques et périls, rencontrer des chefs de guerre pour instaurer un dialogue et les inviter à déposer les armes. Nous avons dû faire face à de l’agressivité, à des refus, mais nous n’avons pas baissé les bras parce que la paix n’a pas de prix.

Il faut ouvrir la porte de notre cœur pour aller chercher la paix là où elle n’est pas. Nous sommes souvent paralysés par la peur, par les enjeux d’un conflit. Nous pensons souvent que l’on ne peut rien faire. Mais chacun à sa mesure peut faire quelque chose. Par exemple, arrêter d’envoyer des messages de haine sur les réseaux sociaux, parler avec son voisin pour qu’il dépose les armes. Il ne faut pas attendre que les grandes puissances fassent la paix, chacun peut agir à son niveau. Chacun est capable d’offrir cet espace de paix à son frère à sa sœur, à sa communauté, à son pays. Plus vous vous rapprochez de votre frère, plus vous constatez qu’il a un cœur et que l’on peut construire avec lui.

 

Quels sont les liens qui unissent les spiritains et Apprentis d’Auteuil ?

Je veux commencer par dire merci à Dieu, aux hommes, aux femmes qui ont continué à croire à cette œuvre qui, aujourd’hui encore, donne sens à la vie d’enfants. En langage religieux, on pourrait parler « d’action de grâce » car le père Daniel Brottier en arrivant en 1923 a trouvé une œuvre en difficulté. Mais il a cru à la Providence et il s’est mis au travail. Sainte Thérèse est venue à son secours. Des hommes et des femmes ont ouvert leur bourse pour l’aider dans son entreprise. Elle rejoint la vocation du fondateur des spiritains, Claude Poullart des Places, d’aider les jeunes écoliers qui rencontraient des difficultés scolaires, sociales, affectives et familiales. Apprentis d’Auteuil nous rappelle que le Dieu des pauvres existe. Cent ans après l’arrivée du père Brottier au 40 rue La Fontaine, la présence spiritaine à Apprentis d’Auteuil est plus que jamais nécessaire. Elle rejoint l’engagement des spiritains pour les pauvres. Les hommes et les femmes qui travaillent à la fondation ont besoin également d’être soutenus. Nous le faisons par la prière et par la présence auprès des équipes, pour les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour in fine, changer la vie de ces enfants, leur offrir des perspectives d’avenir. Un enfant peut d’abord penser qu’il n’est rien, qu’il ne peut pas rêver. Puis à la faveur d’une étincelle, l’espoir surgit et il commence à travailler et à abandonner la violence. J’ai vu beaucoup de parcours de ce type lorsque j’étais aumônier à Marseille. Notre présence à la fondation a du sens. Nous devons continuer notre mission. Cet anniversaire est l’occasion de dire merci à Dieu et à tous ceux qui ont rendu cette aventure possible.