Protection de l'enfance

Stratégie Protection de l'enfance : encore un effort !

Réformer la protection de l’enfance, c’est l’ambition de la Stratégie 2020-2022 du Gouvernement. Le document présenté par Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, le 14 octobre, marque quelques avancées, mais déçoit cependant. Explications.

Attendue par l’ensemble du secteur, après 18 mois d’échanges et de concertation, la Stratégie de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 se donne pour ambition de « garantir à chaque enfant les mêmes chances et les mêmes droits », en transformant « la manière de conduire les politiques publiques » et « le regard que la société porte sur ces enfants pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance ».
Car le contexte est plus que tendu : des disparités de prise en charge sur le territoire - la protection de l’enfance étant placée sous la responsabilité des Départements - une perte de confiance d’un certain nombre de professionnels dans leurs capacités à remplir leurs missions, des réponses aux besoins des enfants et des familles tardives et mal coordonnées.  Rappelons que le nombre d’enfants et de jeunes suivis par la Protection de l’enfance s’élève à plus de 340 000 en France.
La Stratégie annonce quatre engagements : agir le plus précocement possible ; sécuriser les parcours des enfants et prévenir les ruptures ; donner aux enfants les moyens d’agir et garantir leurs droits ; préparer leur avenir et sécuriser leur vie d’adulte.

Quel financement, quel pilotage ?

Qu’en est-il dans les faits ? Pour Apprentis d’Auteuil, la Stratégie annoncée a le mérite de proposer une vision globale du parcours de l’enfant en Protection de l’enfance, de sa naissance à son autonomie, en ciblant notamment la petite enfance. Et des mesures très concrètes (l’entretien prénatal obligatoire, les bilans de santé en maternelle pour tous les enfants de moins de quatre ans...).
« Il faut le reconnaître, les premières mesures concernant l’accès aux soins, la santé et le bien-être des enfants constituent le point véritablement innovant de la Stratégie », constate Baptiste Cohen, directeur Protection de l’enfance à Apprentis d’Auteuil.  Autre point notable, le renforcement de l’accompagnement des enfants dans leur parcours scolaire, et le soutien à ceux qui veulent poursuivre des études supérieures.
Mais l’attente reste forte sur les modalités de mise en œuvre des mesures annoncées, que ce soit sur leur financement ou sur leur pilotage.  La Stratégie entérine une nouvelle démarche de collaboration entre l’État, les Départements et indirectement, les acteurs de terrain : peu de visibilité au final sur ce qui sera effectivement financé ou pas.  « Les départements répondront-ils présents à ce rendez-vous ? Il faut pour cela une gouvernance forte de cette politique publique, or cette question n’a pas été réglée », poursuit Baptiste Cohen.

Quel réel accompagnement pour les familles ?

Les mesures, si louables  soient-elles, sont encore loin de répondre aux véritables enjeux qui se posent à la protection de l’enfance : le problème récurrent de sa gouvernance,  la saturation des services, les difficultés de recrutement des professionnels et de leur formation, la complexité croissante des problématiques psychiques et comportementales présentées par les enfants. Que dire aussi des jeunes sortant de la Protection de l’enfance et des Mineurs non accompagnés pour lesquels les réponses apportées sont bien en deçà des attentes et des besoins.

Quel est, au fond, le défi pour la protection de l’enfance ? N’est-il pas de mettre l’accent (et les moyens) sur la prévention et l’accompagnement des familles les plus fragiles, pour éviter les ruptures et la séparation qu’implique un placement en institution ? Les centres et les relais parentaux constituent des bonnes réponses, malheureusement insuffisantes en volume (500 nouvelles places en relais parental pour tout le territoire, un centre parental par département d’ici 2022… ) Les moyens alloués paraissent sous-évalués face à l’ampleur des besoins (1% du budget global de l’ASE, soit 80 millions d’€ sur les 8 milliards de l’ASE aujourd’hui) .

« Dans cette stratégie, il est finalement peu question de  famille et de ses besoins d’accompagnement. L’enfant et sa santé sont au centre, mais ce dernier est considéré hors de sa cellule familiale, conclut Baptise Cohen. Le plan semble donner plus d’importance à l’adoption, là où l’immense majorité des enfants a besoin de liens familiaux plus solides. Le placement semble rester la tendance majeure de la Protection de l’enfance. Dont acte. »  

En cette année du 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, on aurait pu espérer mieux…