Protection de l'enfance

Crise sanitaire : quels impacts en protection de l'enfance ?

Un an après le premier confinement du 17 mars 2020, quel a été l'impact de la crise sanitaire sur les jeunes confiés à Apprentis d’Auteuil au titre de la protection de l'enfance ? Réponses avec Baptiste Cohen, coordinateur du pôle Protection de l'enfance à la fondation.

Un an après le premier confinement, dans quel état d’esprit se trouvent les jeunes en protection de l’enfance ?

Baptiste Cohen, coordinateur du pôle Protection de l'enfance. Photo :© Besnard/Apprentis d’Auteuil

Il y a certainement un peu de lassitude, de résignation aussi, aussi bien du côté des jeunes que des équipes. Cela fait un an que nous entendons parler du Covid tous les jours, cela fait un an que notre premier établissement a été confiné. Les événements festifs, les temps de rencontre, de visite, le collectif, qui fait aussi notre sel, est moins présent, et cela nous manque à tous. Mais ce qui nous tient tous, ce sont les jeunes et la mission qui est la nôtre à leurs côtés.

Quelle a été l’action de la fondation en protection de l’enfance depuis le début de la crise sanitaire ?

Compte-tenu du public qu’ils accueillent, nos dispositifs de protection de l’enfance sont restés ouverts pendant le premier confinement. Dans les premiers temps, nous étions en relation quasi quotidienne avec les services de l’Etat et avec d’autres associations, pour apporter les réponses aux multiples interrogations de nos équipes sur les Plans de continuité d’activité, les règles de protection, les masques… Sur le terrain, les établissements ont eux aussi été confrontés à de multiples difficultés : mise en place de la continuité scolaire, suspension des droits de visite ou d’hébergement, réorganisation des équipes… À la veille de l’été, les équipes étaient épuisées. Mais elles ont tenu bons et nous pouvons être tous fiers de cela.
Enfants accueillis à la Maison d'enfants Teresa de Calcutta (60). Photo : © Geoffroy Lasne/Apprentis d’Auteuil

Le secrétaire d’État, Adrien Taquet, a annoncé une nouvelle loi sur la protection de l’enfance en 2022. Quels sont les enjeux ?

Les jeunes et les familles en difficulté ont d’abord besoin que soit porté sur eux un regard positif, sûrement exigeant, mais confiant, cohérent et durable. Selon les territoires, les jeunes et les familles n’ont pas le même accès au soutien, à l’accompagnement, à la formation. Les institutions en charge de l’instruction scolaire, de la santé, de la justice, de l’aide sociale, de la petite enfance… ne sont pas coordonnées et quand les professionnels ne partagent pas le même avis, personne n’est chargé de définir le fil rouge de leur complémentarité.
Il faut également ajouter que de nombreuses instances sont concernées pour éclairer ou mettre en œuvre l’action publique, à l’échelle territoriale comme à l’échelle nationale. Et plus personne ne sait exactement qui est responsable de quoi. De nombreux rapports en rendent compte régulièrement, ceux de la Cour des comptes comme de plusieurs corps d’Inspections générales des administrations.

Quelles sont les recommandations d’Apprentis d’Auteuil ?

De notre point de vue, si les institutions doivent se réorganiser, il ne faudrait surtout pas qu’elles oublient la place à laisser à l’expression des jeunes eux-mêmes et des familles. Ce n’est pas une révolution, mais ce doit être une profonde évolution sociale et éducative. Car l’expérience montre que, sans y associer les jeunes, les familles, sans tenir compte de leurs expériences et de leurs points de vue, les professionnels et les institutions ne peuvent pas trouver les réponses à leurs besoins, les solutions à leurs difficultés.
Bien sûr, nous savons aussi que certaines familles ne sont pas en mesure d’assumer leur autorité et leurs responsabilités parentales. Ceci pour des raisons qui, le plus souvent, nous échappent. Mais il faut que les professionnels arrivent à se mettre d’accord sur des critères et des indicateurs qui permettent de repérer ces situations extrêmement graves.
Dans un très grand nombre de situations, et c’est le sens des mesures d’Assistance éducative et de suppléance parentale qui fondent la Protection de l'enfance, notre rôle est d’accompagner des situations très tendues et compliquées, tant du point de vue des jeunes que des familles, sans savoir de quoi leur avenir sera fait. C’est pourquoi les uns et les autres ont tout autant besoin de nos compétences que de notre confiance, et même de notre espérance. Et cela ne se résume pas simplement à des questions de gouvernance.