Société
09 janvier 2017

François Gabart, vainqueur du Vendée Globe 2012-2013 : "La vie est belle si elle est pleinement vécue !"

Vainqueur du Vendée Globe 2012-2013, François Gabart cumule les courses au large et les records océaniques. Le skipper "à utilité sociale", comme il se définit, a la passion chevillée au cœur et des rêves plein la tête.

Vous avez écrit Rêver large fin 2016. Pourquoi ? 

Le Vendée Globe 2012-2013 à peine bouclé, des éditeurs m’ont sollicité mais je ne me sentais pas prêt. J’estimais ne pas avoir suffisamment de recul. Un an plus tard, les éditions Stock se sont montrées convaincantes. Elles m’ont permis de ne pas brûler les étapes pour regarder le sillage dessiné, les belles choses accomplies, les difficultés surmontées et les projets grandioses à venir.

Avec le recul, estimez-vous que votre parcours de marin était écrit ?

Chacun d’entre nous vit dans un environnement qu’il ne choisit pas forcément, mais qui l’entraîne dans une certaine direction. Sans en être véritablement conscients, nous avons la responsabilité et la liberté d’aller dans la direction de nos rêves, et ce probablement depuis l’enfance. Nous avons tous des envies, des passions, des rêves. À nous de les identifier et d’essayer d’aller dans leur sens - même si cela demande souvent de l'acharnement. Cela procure une énergie extraordinaire. Réaliser ses rêves n’est pas un luxe mais un devoir.

Votre rêve se concrétise-t-il quand vos parents vous embarquent pour une traversée de l’Atlantique en famille ?

Âgé de 6 ans, je ne me rends pas compte des conséquences de ce voyage sur ma vie. Je vis plutôt dans une certaine innocence. Aujourd’hui, je crois que ce voyage fut initiatique. Nos parents nous ont transmis la confiance en la vie, la confiance en la capacité de chacun de faire face tant qu’il garde une approche raisonnable de la situation, et la confiance dans l’instinct individuel - cette possibilité de faire juste et bien. J’espère pouvoir transmettre tout cela à mon fils.

Le voyage, qu’il soit en mer ou sur terre, est-il, pour vous, la plus belle école de la vie ?

Le voyage représente une fantastique école d’ouverture à de nouveaux lieux, à de nouvelles personnes, cultures, langues… C’est une source d’apprentissages inépuisable. Je n’ai jamais été anti-école puisque j’ai poussé mes études jusqu’au diplôme d’ingénieur à l’INSA (Institut national des sciences appliquées, ndlr). Mais, pour moi, le premier apprentissage est celui du vivre-ensemble, autrement dit, apprendre à se respecter, à s’entraider, à s’aimer. Et ce vivre-ensemble passe par l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, le b.a.-ba de l’échange entre les êtres humains. Ensuite, tout est question de passion et/ou de talents, de liberté de changer de filière ou de métier. Chacun devrait pouvoir développer ses centres d’intérêt dès l’enfance ou l’adolescence, et pouvoir évoluer dans ses orientations pour constamment se remettre en cause et s’ouvrir à de nouveaux profils. Éveiller ainsi sa curiosité. Surtout ne pas se dire que tout se joue entre 18 et 25 ans, avec l’obligation de rester à la hauteur des espoirs tressés comme des lauriers éternels.

La mer vous apporte-t-elle plus de bonheurs que de désagréments ?

Cela fait sans doute fanfaron de l’avouer, mais les excès de la nature m’attirent, le danger m’exalte. J’ai en moi cette envie d’aller défier l’impossible. Et la mer demeure un élément où je me sens bien, un environnement qui me procure beaucoup de plaisirs : voir le soleil se coucher derrière l’horizon, les étoiles scintiller dans le ciel, se réveiller ballotté par les flots… Sur un bateau, je joue avec le vent, je joue avec les vagues, je me sens libre et vivant. Dans une course en solitaire, je navigue le plus vite possible d’un point à un autre de la planète. Dans cette transhumance géographique, je réalise un voyage intérieur pour mieux me connaître. La mer, c’est mon pays, mon site d’exploration, mon bureau, ma salle de gym, mon usine à rêves…

Une usine à rêves qui embarque des milliers de personnes, voyageurs immobiles…

Le marin a une utilité sociale : il apporte l’oxygène, la liberté et le rêve ! C’est une folie douce qui fait battre les cœurs, larguer les amarres et vivre une aventure par procuration à des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Aujourd’hui, je suis également heureux d’être mon propre patron : à la fois sportif, scientifique, gestionnaire, commercial, DRH. Je suis responsable et coupable de tout. J’ai le sentiment d’être l’assureur risque-tout de cette folie douce.

Où trouvez-vous cette force intérieure ?

Au plus profond de moi, dans la passion. Une énergie qui permet de déplacer des montagnes. Nous avons tous cette énergie en nous. Nous devons parvenir à la sentir et à l’exploiter, pour avancer sur son petit chemin. La vie, c’est de l’émotion, de l’adrénaline, de la découverte. La vie est belle si elle est pleinement vécue.

Quels sont vos prochains défis ?

En juin prochain, je participerai à The Bridge, une course en équipage entre Saint-Nazaire et New York, réunissant les trimarans les plus rapides au monde. Et dès l’hiver 2017-2018, je m’attaquerai au fabuleux record de Thomas Coville (le tour du monde en solitaire sans escale et sans assistance en 49 jours, 3 heures, 7 minutes et 38 secondes, ndlr) à bord de Macif, mon trimaran de 30 mètres, avec ses foils, des plans porteurs comme des ailes profilées, pour m’élever au-dessus des flots. Ces projets ambitieux ne me font pas oublier les gens que j’aime. J’essaie de les accompagner au mieux dans leurs défis et dans leur vie. Un jour, je construirai l’Optimist du XXIͤ siècle pour mon fils.  
Photo portrait : © Christophe Launay

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Rêver large
François Gabart
Éd. Stoc

Bio express

  • 23 mars 1983 : Naissance à Saint-Michel d’Entraygues (Charente)
  • 2014 : Vainqueur de la Route du Rhum
  • 2015 : Vainqueur de la Transat Jacques Vabre
  • 2013 : Vainqueur du Vendée Globe 2012-2013 en 78 jours, 2 heures, 16 minutes et 40 secondes.