A Madagascar, Nirina et Mampionona retrouvent le chemin de l’école
Depuis l’an 2000, l’association franco-malgache Graines de bitume met tout en œuvre pour sortir les jeunes de la rue. En leur offrant notamment la chance d’aller ou de retourner à l’école pour fuir les dangers de l’errance et envisager sereinement leur avenir. Nirina, 21 ans, et Mampionona, 20 ans, illustrent cette réussite.
Sur le papier, l’objectif de l’association Graines de bitume, partenaire de longue date d'Apprentis d'Auteuil Océan Indien, tient en quelques lignes : éloigner les enfants et les adolescents malgaches de la rue et de ses dangers (agressions, viols, alcool, drogue, prostitution…), notamment dans le quartier d’Anosibe à Antananarivo, capitale de Madagascar. Dans la réalité, il faut beaucoup de courage et d’abnégation aux salariés, bénévoles et stagiaires de l’association pour parvenir à leurs fins. Devant le nombre croissant de jeunes en errance, tous doivent chaque jour remettre l’ouvrage sur le métier. « Heureusement, à travers leurs parcours exemplaires, Nirina et de Mampionona montrent bien qu’avec de la volonté, tout est possible », reconnaît Hery Randrianarisoa, responsable du programme pédagogique et de l’animation de Graines de bitume.
Nirina et Manpionona ont tous deux vécu leur enfance dans l’insalubrité, la précarité et la promiscuité. Situé dans un quartier marécageux, au milieu des baraquements de fortune, leur univers se limitait à une pièce de 9m2 sans fenêtre, avec, pour seul éclairage, la porte d’entrée laissée ouverte ou l’ampoule de la cuisine.
Blanchisseuses, leurs mères gagnaient à peine 3 euros par jour. Sur le conseil de leur entourage, elles sont venues frapper à la porte de Graines de Bitume : faute de moyens financiers, elles ne pouvaient pas envoyer leurs enfants à l’école.
Nirina, la fierté de toute une famille
Nirina, 21 ans, a rejoint l’association en 2013. « Studieux et intelligent, mon fils est passé directement de la maternelle au CE2 puis du CE2 au CM2, souligne Angela, la maman, veuve et mère de trois enfants. Sans Graines de bitume, il n’aurait pas pu poursuivre sa scolarité ni disposer des fournitures scolaires nécessaires. Je suis très heureuse que Graines de bitume ait accepté de prendre en charge Nirina. Je lui exprime mon infinie reconnaissance. »
Nirina fait preuve d’un grand courage. Tous les jours, il marche trois heures – aller/retour – pour aller au lycée où il prépare un baccalauréat général, puis au centre associatif pour déjeuner. Idem le samedi, pour pratiquer ses activités favorites : le théâtre et la musique. « Ce n’est rien pour moi et ça ne me décourage pas, avoue-t-il. Car l’année prochaine, je voudrais aller à l’université pour acquérir plus de connaissances et devenir guide touristique. Et apporter ainsi toute mon aide à ma famille. » « Notre famille est fière de Nirina, conclut sa maman. Il représente un exemple pour notre quartier. »
Mampionona, un autre diplôme en tête
Orpheline de père, Mampionona, 20 ans, passait, enfant, ses journées seule à la maison, sa maman, blanchisseuse devant travailler à l’extérieur toute la journée. « Depuis qu’elle a rejoint Graines de bitume en 2011, ma fille s’est métamorphosée, estime Jacqueline, sa maman. Je suis profondément heureuse de la personne qu’elle est devenue grâce aux salariés et bénévoles de l’association. Ils m’aident à lui apprendre le respect d’autrui, l’encouragent à réussir ses études. Ses résultats sont remarquables. Mampionona est aujourd’hui une jeune fille sage et responsable. Cela me motive pour relever tous les défis du quotidien. »
Avide de savoirs et de connaissances, Mampionona fréquente régulièrement la bibliothèque du centre. Désireuse d’aider financièrement sa maman, elle continue à se perfectionner dans les arts du cirque découverts par l’association et participe aux spectacles pour récolter un peu d’argent. La jeune fille enchaîne : « Sans l’aide de Graines de bitume, je n’aurais pas pu aller à l’école, ni obtenir mon bac série L ni poursuivre mes études en deuxième année de gestion. Je souhaite obtenir un diplôme de maîtrise pour devenir un jour responsable des ressources humaines. La danse, le slam et le cirque, toutes ces activités proposées m'ont permis de surmonter ma timidité, de m'ouvrir aux autres et de rêver à ce métier. »
Réussir son projet de vie
Riches des formations qu’ils ont suivies, des savoirs qu’ils ont partagés à Madagascar ou à l’étranger, grâce à Apprentis d’Auteuil Océan Indien, les salariés de Graines de bitume permettent aux jeunes de reprendre le chemin de l'école, de poursuivre leurs études au-delà du baccalauréat ou de trouver une voie professionnelle via une formation, un stage, un emploi dans les secteurs qui recrutent : hôtellerie-restauration, tourisme, logistique, ouvrages métalliques mécanique ou bois, esthétique-coiffure…
Épaulés par les salariés et les bénévoles de l'association et par tous les partenaires, 167 enfants et adolecents ont ainsi été scolarisés en 2023, 100 jeunes ont effectué un stage et 76 ont trouvé un emploi. « Nous ne voulons pas faire de ces garçons et de ces filles des premiers de la classe, conclut Christine Magny, coordinatrice de Graines de bitume, mais des jeunes qui se construisent et réussissent leur projet de vie. Les aider à se projeter dans l'avenir avec courage représente pour moi une noble tâche. Chaque jour, elle me pousse à me rendre à Graines de bitume, avec un bel et grand enthousiasme ! »
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