Portrait de Yanna, jeune femme qui est sortie des dispositifs de la fondation
Formation et insertion

Que deviennent les jeunes après leur passage à Apprentis d’Auteuil ?

Parcours, logement, sentiment d’autonomie, chaque année une enquête menée auprès de jeunes sortants d’établissements et de dispositifs d’Apprentis d’Auteuil livre des éléments précieux. Dix-huit mois après leur sortie, 75 % d’entre eux sont soit en formation, soit en emploi, soit les deux. Un taux exceptionnel, au regard des difficultés rencontrées par ces jeunes, comme en témoignent Hector, Kyo, Yanna et Maëva.

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Chaque année, Apprentis d'Auteuil réalise une enquête pour savoir ce que deviennent les jeunes après leur passage à la fondation.
Maeva, ancienne du dispositif Skola Vente, avec Tamara Laval, responsable de la boutique de Cagnes sur Mer
Maeva, ancienne du dispositif Skola Vente, avec Tamara Laval, responsable de la boutique de Cagnes sur Mer
(c) Vincent Gambardella/Apprentis d'Auteuil

Après son bac professionnel service aux personnes et aux territoires, obtenu en juin 2022, Yanna, 18 ans, suit des études d’infirmière. « C’était le rêve de mon grand-père ! Malheureusement, il est parti il y a quelques mois sans le savoir. » La jeune femme se souvient de ses années au lycée Nature et Services et à l’internat Saint-Jean de Sannois (95). « Même si cela n’a pas toujours été tout rose entre les éducateurs et moi, à cause de mon comportement, ils m’ont toujours encouragée, appris à surmonter mes difficultés, à être responsable et autonome. J’étais une décrocheuse scolaire. Je ne remercierai jamais assez mes parents d’avoir trouvé ce lycée ! »

Hector, jeune homme sorti des dispositifs de la fondation
Hector, jeune homme sorti des dispositifs de la fondation
(c) Apprentis d'Auteuil

Hector, lui, a quitté la fondation en juin 2022, après l’obtention de son bac pro service, mention bien. Le jeune homme était scolarisé au lycée professionnel hôtelier Daniel-Brottier de Bouguenais, près de Nantes et accompagné à l’internat éducatif et scolaire situé sur le même site. « Mon projet, c’est d’aller travailler au Canada, je constitue un dossier pour cela. Avant, j’aimerais travailler en Argentine : je viens d’avoir une proposition pour travailler dans un hôtel, à la campagne, pas très loin de Buenos Aires. Ce sera un avant-goût de ce qui m’attend ! » Hector et Yanna, qui logent tous deux chez leurs parents comme 52 % des jeunes sortants, construisent leur avenir. « Je me dis que c’est maintenant que je dois tenter des choses, partir à l’étranger, vivre dans un autre pays, apprendre de nouvelles langues, découvrir de nouvelles cultures », souligne Hector.

De nombreux jeunes tâtonnent

Hermine Saligue, chargée d’insertion socio-professionnelle reçoit Oumar à  La Touline d’Apprentis d’Auteuil Paris
Hermine Saligue, chargée d’insertion socio-professionnelle reçoit Oumar à La Touline d’Apprentis d’Auteuil Paris
(c) Ilan Deutsch/Apprentis d'Auteuil

L’enquête annuelle d’Apprentis d’Auteuil menée auprès de sortants (voir ci-dessous) est l’occasion d’explorer leur parcours, leurs conditions de logement ou le lien à la fondation. Comme beaucoup de jeunes de leur âge, de nombreux anciens tout juste sortis de leur cursus n’ont pas une idée très précise de ce qu’ils veulent faire, explorent des voies différentes, se réorientent. « Ce que nous remarquons, c’est qu’ils sont encore nombreux à tâtonner, expliquent Marie-Laure Desplats et Eric Fouilloux, chargés de mission à la direction des Ressources éducatives et Accompagnement métiers, qui ont conduit l’enquête. Nous savons que 31 % des jeunes sont en formation, 25 % en emploi, 19 % en formation et en emploi. Soit 75 % au total. » Un taux encourageant, au regard des difficultés scolaires, familiales, sociales que les jeunes peuvent cumuler. Les 25 % restant ne sont ni en formation, ni en emploi, ce sont les NEET (voir l’encadré ci-dessous), ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils sont sans projet, tel Hector. « Comme tous les autres jeunes qui arrivent sur le marché du travail, poursuivent Marie-Laure Desplat et Éric Fouilloux, ils alternent périodes d’emploi en CDD ou CDI et périodes de formation et de chômage. Parmi ceux qui sont en emploi, 48 % ont un CDI. De bons résultats, compte tenu de leurs parcours parfois chaotiques. Beaucoup disent avoir encore besoin d’aide. »

Les chiffres de l'enquête
31 %
des jeunes sont en formation
25 %
sont en emploi
19 %
sont en formation et en emploi.

Kyo, sortant de l’Aide sociale à l’enfance

C’est le cas de Kyo, 21 ans. Le jeune homme a perdu ses deux parents coup sur coup cette année, un deuil qui l’a laissé dans un immense désarroi. Placé à 11 ans à la Maison d’enfants Saint-Joseph, à Blanquefort (33), il est en sorti à 20 ans, au terme de sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance et la fin de son contrat jeune majeur (contrat octroyé sous conditions par les Départements aux anciens de la protection de l’enfance, NDLR).

Il est épaulé par La Touline d’Apprentis d’Auteuil à Bordeaux, un dispositif dédié aux jeunes sortants de l’Aide sociale à l’enfance. « Cela m’apporte beaucoup de soutien moral et d’aide pour ma recherche d’emploi. Gaël Detrieux, qui dirige La Touline, est un de mes anciens éducateurs. Il me connaît donc très bien. Je suis relativement autonome dans la vie quotidienne. Mais j’ai parfois du mal avec tous les papiers à remplir. Je remercie La Touline, car ils m’expliquent les démarches pour que je puisse les faire tout seul un jour. Je n’aurais pas pu m’en sortir sans eux ! »

Les difficultés des démarches administratives

Le sentiment d’autonomie est un des domaines regardé de près. Si une grande majorité des jeunes se dit à l’aise dans les actes de la vie quotidienne (86 %), ils sont beaucoup moins nombreux à maîtriser les démarches administratives (22 %) et doivent être épaulés par la famille, des amis, ou un adulte de la fondation avec qui ils sont restés en lien. 50 % des jeunes passés en Maisons d’enfants disent avoir trouvé de l’aide auprès des professionnels d’Apprentis d’Auteuil après la sortie.

Hector reconnaît : « Les démarches, cela fait très peur. Souvent, je ne sais pas quoi faire ni où aller. J’avais suivi différents ateliers proposés à l’internat, mais pas celui sur les démarches administratives... Je suis allé dernièrement à Pôle emploi, il y avait pas mal de choses de ma vie à renseigner sur le formulaire, cela m’a fait bizarre. Je me suis dit : « Je suis devenu un adulte, je dois me débrouiller seul. »

Un lien avec la fondation qui perdure

Maeva, ancienne du dispositif Skola Vente de la boutique de Cagnes sur Mer
Maeva, ancienne du dispositif Skola Vente de la boutique de Cagnes sur Mer
(c) Vincent Gambardella/Apprentis d'Auteuil

L’enquête questionne aussi le lien à la fondation. Une carte d’ancien avec les coordonnées utiles pour recontacter la fondation s’ils le souhaitent est prévue pour tous les jeunes sortants avant leur départ. Une disposition qui fait écho à l’article 1 des statuts d’Apprentis d’Auteuil. Si certains préfèrent "couper le cordon" et recontacter plus tard leur établissement, une fois établis dans la vie, d’autres chérissent le lien. Un tiers des jeunes reste ainsi en contact, comme Maëva, 20 ans, ancienne de Skola Vente à Cagnes-sur-Mer (06), un dispositif d’insertion pour les 16-30 ans en grande difficulté. « Cette formation m’a beaucoup aidée personnellement, elle m’a donné confiance en moi, m’a rendu plus sociable. Les adultes m’ont apporté la bienveillance, la gentillesse, la patience et m’ont appris à me débrouiller toute seule. Ils me manquent. Je vais souvent leur dire bonjour, en particulier à ma conseillère en insertion professionnelle, Tamara Laval, responsable de la boutique. »

Yanna reste également en lien avec les adultes qui l’ont suivie. « Aujourd’hui, je passe régulièrement les voir pour faire un petit coucou, leur dire comment ça se passe pour moi et prendre de leurs nouvelles. » Cette gratitude, ils sont nombreux à l’éprouver et à l’exprimer. « Au niveau scolaire, c’était le fiasco. Mes parents m’avaient mis à l’internat pour cette raison, explique Hector. Vers la fin, j’ai compris qu’il fallait que je me mobilise, et j’ai commencé à travailler. Ce que j’ai réussi à Apprentis d’Auteuil ? À mieux me connaître, à connaître mes limites. Je me suis découvert comme je ne m’étais jamais vu. Mon passage m’a surtout apporté au niveau humain. J’ai fait de belles rencontres, des jeunes, des adultes, qui m’ont apporté du positif. »

ENQUÊTE 2022 JEUNES SORTANTS

L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 408 jeunes (les plus de 16 ans sortant des établissements scolaires, d’apprentissage, des dispositifs d’insertion Boost, Pro’pulse prépa apprentissage, Skola, Touline etc. ; les jeunes majeurs sortants des dispositifs de la protection de l’enfance).

  • Insertion 75 % des jeunes étaient en formation et/ou en emploi (31 % en formation, 25 % en emploi, 19 % en formation et en emploi) 25 % ni en formation, ni en emploi.
  • Autonomie 78 % notent de 10 à 7/10 leur autonomie professionnelle ; 48 notent de 7 à 10/10 leur autonomie dans les démarches administratives ; 86 % notent de 7 à 10 leur autonomie dans les démarches du quotidien.
  • Logement 52 % chez leurs parents, 19 % seuls chez en eux, 9 % chez des parents ou amis, 8 % en internat ou en foyer, 5 % à plusieurs (ex, colocation), 3 % à l’hôtel ou sans solution.
  • Lien avec la fondation Un tiers a conservé un lien, dont 50 % issus de l’Aide sociale à l’enfance

Source : DREAM 2022

« Les jeunes vulnérables représentent 20 % des NEET »

« Les NEET représentent 14 % des 18-24 ans aujourd’hui en France, soit 1,6 million de jeunes. Un NEET (de l’anglais not in employment, education or training) est un jeune qui n’est ni en stage, ni en emploi ni en formation. L’acronyme est né au Royaume-Uni dans les années 1990. Cette catégorie est beaucoup utilisée pour qualifier la jeunesse en difficulté, mais il faut s’en méfier, car tous les NEET ne sont pas en situation de vulnérabilité. On peut être NEET et sortir de Sciences po ! Les NEET vulnérables ou précaires représentent 20 % des 1,6 millions, soit environ 320 000 jeunes, pour la plupart issus des classes populaires, en rupture scolaire ou sortis avec des diplômes modestes. Ils souffrent pour beaucoup de problèmes de santé ou psychologiques, qui entravent leur intégration sur le marché du travail. Ce sont les grands perdants du marché de l’emploi. Néanmoins, le fait d’avoir un diplôme, même modeste, du type BEP ou CAP, fait la différence dans une France qui valorise encore beaucoup le diplôme, en plus de l’accès aux transports et au permis de conduire. Enfin, les rencontres avec un éducateur ou un enseignant permettent de sortir d’une situation d’urgence et jouent parfois un rôle décisif dans le parcours d’insertion de ces jeunes fragilisés. »

Julie Couronné, chargée d’études et de recherche à l’INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire)