Campus Saint-Lubin - Valentin en bac pro Ouvrage bâtiment option métallerie avec son formateur Karim
Formation et insertion

Le lycée professionnel, une voie d'avenir

Dès la rentrée 2023, la réforme de la formation professionnelle entrera en vigueur avec l’ambition d’amener les élèves vers une meilleure insertion dans l’emploi. À Apprentis d’Auteuil, où les jeunes en difficulté scolaire, familiale et/ou sociale sont surreprésentés, l’accueil se double d’un accompagnement personnalisé, pour que chacun bâtisse son projet en mettant toutes les chances de son côté.

En France, la filière professionnelle est l’objet de débats depuis des décennies et a déjà connu de nombreuses réformes. La dernière en date, qui entrera en vigueur à la rentrée 2023, est scrutée de près, tant les attentes sont élevées. La réforme vise à mieux former les jeunes à des métiers d’avenir, à améliorer l’attractivité des lycées professionnels, pour qu’enfin, les jeunes s’y orientent par choix et non par défaut. Un tiers d’entre eux reconnaissent être dans ce cas1, ou s’y être orientés faute d’avoir pu poursuivre en filière générale. Conséquence ? Une concentration d’élèves en difficulté scolaire, et un décrochage scolaire dix fois plus important qu’en filière générale. La filière améliore pourtant son image, comme le confirme une enquête Viavoice de janvier 20232. Les élèves qui y sont passés s’estiment très majoritairement satisfaits de leur expérience. Un frémissement qui demande à être confirmé dans la durée.

Une approche pédagogique au plus près des besoins

À Apprentis d’Auteuil, la voie professionnelle, accueille environ 4500 élèves, sous statut scolaire classique ou par apprentissage. « Nous accueillons les jeunes quelles que soient leurs difficultés, souligne Christine Lahrer-Mahaut, directrice de l’organisme de formation d’Apprentis d’Auteuil. Nous adaptons notre accompagnement et notre approche pédagogique en fonction de leurs besoins. Chaque jeune se voit proposer la modalité pédagogique la plus adaptée à son projet, à ses aspirations et à sa maturité. » Métiers verts, métiers de la restauration, des services à la personne ou du bâtiment... Apprentis d’Auteuil offre une palette de formations – 80 - dans des domaines souvent en tension, où les jeunes ne rencontrent pas de problème d’employabilité. La fondation s’ouvre également à des filières pointues et innovantes, en phase avec les besoins des acteurs économiques des régions et répondant aux enjeux du développement durable.

Pour lutter contre les points faibles de la filière, la fondation concentre ses efforts sur l’accompagnement des jeunes et le renforcement des savoir-être aussi bien que des savoir-faire. Certains lycéens ont un parcours scolaire marqué par les échecs. En s’engageant dans la filière pro, ils souhaitent de la pratique, du mouvement, du concret. Le campus Saint-Lubin, un établissement situé près de Montauban, mise sur les nouvelles technologies et une pédagogie par modules pour responsabiliser et impliquer davantage les élèves. Ici, chacun construit son emploi du temps, sous la supervision des enseignants. Et ça marche, comme le confie Cédric Dias, le directeur : « Grâce à cette nouvelle organisation mise en place depuis 2021, nous constatons moins de décrochage, moins d’absentéisme. » C’est ce qu’apprécie Joshua, 16 ans, en 1re année de CAP métallerie. « Moi, j’ai envie d’être forgeron, confie Joshua, 16 ans. Ce qui est bien ici, c’est que nous avons les cours fixes le matin, et l’après-midi, on choisit les matières qu’on veut et dans quel ordre. 

Lycée Professionnel  Sainte-Thérèse  - discussion entre Charles-Antoine et Monique Balloy, la directrice
Charles-Antoine, élève en 3e prépa métiers, se remobilise sur sa scolarité. Il échange avec Monique Balloy, directrice du lycée professionnel Sainte-Thérèse (c) Geoffroy Lasne/Apprentis d'Auteuil

Une orientation choisie

Comment faire pour que la filière pro soit un choix raisonné, assumé, positif ? Une des solutions ? Se donner du temps pour découvrir des métiers, découvrir sa voie. Au sein des lycées pro, les 4e et 3e prépa-métiers donnent aux plus jeunes ce temps nécessaire., « Des garçons et filles de 14 ou 15 ans viennent en 3e prépa-métiers pour travailler leur orientation, tout en suivant les enseignements de la classe de 3e, détaille Monique Balloy, directrice du collège Sainte-Thérèse. Pour la plupart, ils ont des difficultés à donner du sens aux apprentissages scolaires. Leurs résultats scolaires sont souvent trop fragiles pour envisager une classe de 3e ordinaire. L’objectif est de leur permettre de découvrir leurs talents, leurs compétences, le champ de leurs possibles. »
Les collégiens ont des heures de cours dans les matières fondamentales, d’autres pour explorer les enseignements techniques dispensés dans les lycées professionnel et technique Sainte-Thérèse, et découvrir des métiers. À cela s’ajoutent trois stages d’une semaine en entreprise. C’est ce qui a séduit Charles-Antoine, 15 ans, auparavant en 4e. « Mes parents ont décidé que je devais faire la 3e prépa-métiers. Ils y sont allés franco : « Tu arrêtes le basket un moment pour te concentrer sur tes études ! » Je n’étais pas motivé, je m’absentais de plus en plus souvent. Pour l’instant, j’avance bien : je m’engage plus en classe. Mes parents sont fiers de moi. Mes stages en entreprise m’ont aussi beaucoup apporté. »

Lycée Horticole Paysager Privé Notre Dame des Jardins - Larry en1ère BAC Pro Technicien Conseil Vente Univers Jardinerie  avec Marine Pinceaux, professeur technique de vente et  travaux pratiques
Larry en1re bac pro technicien conseil vente univers jardinerie au lycée horticole et paysager privé Notre-Dame des Jardins, près de Chartres, avec Marine Pinceaux, professeur technique de vente et travaux pratiques (c) David Commenchal/Apprentis d'Auteuil

Repérer au plus vite les fragilités

Autre préoccupation majeure en lycée pro, le risque de décrochage des élèves les plus fragiles. Ceux qui peinent à se concentrer ou flanchent dans certains domaines sont l’objet d’une attention particulière. Les établissements Notre-Dame, près de Chartres, ont ainsi mis en place le dispositif Tremplin pour y remédier. « J’établis les emplois du temps personnalisés de chaque jeune pour répondre à ses besoins scolaires, explique Sylvie Lebrun, la référente. Chacun a des objectifs clairs et réalisables à atteindre. L’un peut être détaché de sa classe pour une heure ou deux de soutien en français, en anglais, en mathématiques, ou pour une demi-journée d’activités éducatives. Souvent, dans leur vécu scolaire, les jeunes ont été dévalorisés. Ils peuvent se croire « nuls ».

 Lycée Horticole Paysager Privé Notre Dame des Jardins - Larry en1ère BAC Pro Technicien Conseil Vente Univers Jardinerie  avec Marine Pinceaux, professeur technique de vente et  travaux pratiques
Larry est également accompagné par le dispositif Tremplin du lycée qui lutte contre le décrochage scolaire. (c) David Commenchal/Apprentis d'Auteuil

On leur prouve qu’ils sont capables. » Larry, 18 ans, témoigne : « Fin 2021, j’ai pu y découvrir les ateliers de fleuristerie et de vente. Tremplin m’aide bien, moi qui ai été victime de harcèlement scolaire. J’avais du mal à faire confiance aux gens. J’ai demandé du soutien en maths pour apprendre le calcul mental et savoir combien je dois rendre d’argent au client, un sujet assez complexe pour moi. »

Lycée professionnel Saint-Michel, Florian en Terminal Bac Pro réalisation de produits imprimés et plurimédias option productions imprimées
La filière pro forme à des métiers très variés, techniques, et avec un fort degré d'exigence. Ici, les industries graphiques au lycée professionnel Saint-Michel, Florian en terminale bac pro réalisation de produits imprimés et plurimédias, option productions imprimées (c) Mikhaël Brun/Apprentis d'Auteuil

Des leviers pour avancer

La filière pro, c’est également un choix exigeant pour les élèves, qui ont besoin d’adultes engagés à leur côté pour persévérer, franchir les différentes marches entre la 2nde et la terminale... « Pour l’élève en bac pro, trois ans, c’est long, dur, stressant, reconnaît Sébastien Renault, directeur du lycée professionnel Saint-Michel, en centre Bretagne. À l’admission, nous travaillons particulièrement la question de la motivation pour le métier, même naissante. Ensuite, l’élève est confronté à la réalité de l’atelier, aux périodes de stage en entreprise. Cela conduit à une stimulation, un renforcement du choix, et, parfois, à un désenchantement si l’expérience a été moins glorieuse. »

Lycée professionnel Saint-Michel, Emie, en 3ème année Bac Pro Boulangerie-Pâtisserie
Emie, en 3e année bac pro boulangerie-pâtisserie au lycée professionnel Saint-Michel. (c) Smac Productions

L’établissement mise aussi sur des projets, telle la préparation au concours « Un des meilleurs Apprentis de France », formidable levier de motivation pour les jeunes. « Ce concours, c’est le geste professionnel poussé jusqu’au bout, poursuit Sébastien Renault. C’est pour nos professeurs une pédagogie assumée. Beaucoup de nos jeunes en lycée pro, issus de nos différentes filières, obtiennent des médailles. » Émie, 17 ans, en terminale bac pro boulangerie-pâtisserie, rêve, elle, d’avoir un jour sa propre boulangerie-pâtisserie. « Et l’occasion de travailler avec des grands chefs. Ce qui me plaît pour l’instant, c’est d’apprendre le métier et ne pas rester assise sur une chaise toute la journée ! C’est pour cela que j’ai choisi la voie professionnelle. »

LA FILIÈRE PRO À APPRENTIS D’AUTEUIL

Plus de 4 500 élèves

  • 3 300 sous le statut scolaire classique
  • 1 200 en apprentissage

24 lycées professionnels et agricoles

4 secteurs principaux

  • Secteur agricole et espaces verts : 1 000 élèves
  • Restauration : 750 élèves
  • Services aux personnes : 700 élèves
  • Bâtiment : 600 jeunes

Chiffres 2022

POINT DE VUE

Aziz Jellab, sociologue, inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche

« Le lycée professionnel est aujourd’hui le lieu d’innovations pédagogiques importantes qui réconcilient les jeunes avec l’école et les rendent fiers de leurs études, avec une ouverture faite aux stages et un encouragement à la mobilité des élèves vers l’international. C’est une vraie école de l’émancipation, qui permet à des jeunes parfois fâchés avec le système scolaire de reprendre confiance dans leurs études et de trouver leur place dans la société en s’autorisant à sortir des déterminismes sociaux. C’est aussi une école de la créativité, de l’expérimentation, de l’innovation parfois, qui donne leur chance à ses élèves, grâce à la bienveillance, l’exigence et l’accompagnement assuré par les enseignants. »