Plaidoyer

Sonia Benmaa porte la voix des exclus

Depuis quelques mois, Sonia Benmaa porte la voix des plus fragiles au 5e collège du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), un organisme qui conseille le Premier ministre. Entre deux réunions, ce parent fréquentant une Maison des familles d'Apprentis d'Auteuil explique son engagement. Témoignage. 

Afficher le résumé facile à lire et à comprendre
Depuis quelques mois, Sonia Benmaa porte la parole des personnes confrontées à la précarité au CNLE, un organisme qui conseille le Premier ministre. Elle raconte en quoi consiste sa mission.

"Ma mission au sein du Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), cet organisme qui conseille le Premier ministre, consiste à porter la parole des personnes confrontées à la précarité en faisant entendre ce qui dysfonctionne. En d'autres mots, à contribuer à ce que la parole, la pensée, l'intelligence et le savoir de ceux qui sont le plus éloignés de la société, soient pris en compte. Elle me rend pleine d'espérance. 

Mon expérience en Maison des Familles

J’habite Marseille depuis presque dix ans, avant j’étais à Aix-en-Provence. Je suis maman d’une fillette de dix ans et demi. À mon arrivée, j’ai été hébergée dans une résidence sociale d'Apprentis d’Auteuil, avec mon bébé. Ma fille grandissant, je me suis mise à fréquenter la Halte des parents, une Maison des Familles qui venait d’ouvrir. Je voulais apprendre un peu mieux à être parent et sortir de mon quotidien, me ressourcer, nouer des liens avec d’autres pères et mères. 

J’ai tout de suite apprécié le mode de fonctionnement de ce lieu de parentalité ouvert à tous, sans conditions d’accès. Petit à petit, avec des mamans devenues entretemps des amies, on s’est mises à lancer des idées et des projets à partir de nos besoins et de nos envies, en lien avec les bénévoles et les salariés du lieu.

Bref, je me suis investie pour animer et faire grandir cet espace qui m'apportait tant sur le plan personnel et me faisait prendre des responsabilités et devenir davantage citoyenne

Apporter ma pierre à l'édifice

Sonia et Sylvie Davieau, directrice de La Halte des familles à Marseille / Apprentis d'Auteuil
Sonia et Sylvie Davieau, directrice de La Halte des parents à Marseille Photo : Apprentis d'Auteuil

Il y a quelques mois,  Sylvie Davieau, directrice des lieux, m’a proposé de participer aux réunions du CNLE, d’abord comme suppléante, puis comme titulaire. Sans doute parce que j'étais un peu grande gueule et qu'elle savait que j'avais des choses à dire de par mon parcours et que je pourrais porter les revendications de mes camarades. 

Aussi parce que la Halte des parents est depuis longtemps engagée dans notre démarche "Penser et agir ensemble", qui, rappelons-le, vise à développer le pouvoir d’agir des personnes sur leur propre vie. 

J’ai tout de suite accepté ce mandat, sachant que nous sommes accompagnés à la prise de parole en public. Tenir cet engagement, c'était pour moi, à ma manière, rendre ce qu'Apprentis d'Auteuil m'a donné.

Je me suis dit que ce serait aussi l'occasion d'apporter ma pierre à l'édifice sur les questions relatives à la lutte contre la pauvreté et sur l’exclusion sociale. Et donc de faire bouger l’État. 

J'avais vraiment envie de témoigner de ce qu'on vit quand on est précaire. Et du coup, par ricochet, de redonner de l'autonomie aux personnes concernées. Les réalités que nous vivons au quotidien sont mal connues du monde politique. 

Égalité des chances

Avec ma collègue elle aussi membre (il y a également une suppléante), nous avons été nommées pour trois ans et nous siégeons lors des trois assemblées plénières annuelles au "collège des personnes concernées" dit 5ème collège, un des 5 collèges du CNLE, constitué de personnes concernées par la  pauvreté ou la précarité. Le Conseil a décidé il y a peu d'en intégrer 32 (et non plus 8 comme auparavant) en son sein. Soit la moitié de ses membres, en lien avec le déploiement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvre. 

Nous participons également tout au long de l'année, aux réunions préparatoires du Conseil et au  groupe de travail "égalité des chances", un des cinq groupes de travail mis en place depuis décembre 2019, avec  l'accompagnement vers l’insertion sociale et professionnelle, le logement, le suivi et l'analyse des retombées sociales de la crise et enfin l'impact social de la transition énergétique.

Sans compter des formations à la prise de parole en public. Ce qui fait que je me rends à Paris en moyenne tous les trois mois. 

Porter la voix des autres

Au cours des derniers débats, on a témoigné de nos expériences vécues en lien avec la crise du Covid-19 et de ce qu'elle implique pour les personnes en précarité. Une série de 12 propositions pour accompagner les plus fragiles dans le contexte de la pandémie en a résulté. 

Ce n'est pas la première fois que je porte ma voix pour Apprentis d'Auteuil. J’ai participé notamment au lancement du Livre blanc édité par la fondation pour les présidentielles de 2017, qui donnait la parole aux  personnes accueillies et aux salariés. Ainsi qu'à la réécriture d’une plaquette de présentation d’un établissement, pour qu'elle tienne davantage compte de notre ressenti de parents bénéficiaires.

Depuis quelques mois, je suis également membre d'un groupe de travail qui se penche sur la préparation d'un colloque sur le projet éducatif d'Apprentis d'Auteuil, prévu l'an prochain.

L'impression d'être utile

Aujourd’hui, je suis fière de la confiance que Sylvie Davieau a mise en moi en me faisant cette demande. Fière aussi de pouvoir porter la parole de mes compagnes qui, comme moi, vivent des situations compliquées. Dans la société, on connaît tous les mêmes difficultés, mais pas au même niveau.

Même si mon action peut sembler minime, je sais qu’elle compte. J’ai vraiment l’impression d’être utile. Et digne. Et quand il faut dire les choses, je le fais. Avec diplomatie. On a tous des choses à apporter à la société. 

J’espère enfin que mon engagement pourra permettre aux décideurs, ceux qui ont les clés en main, de faire les choses autrement parce qu'ils auront eu face à eux, non pas des chiffres, mais des visages et des personnes."  

Le CNLE

Le Conseil national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été créé en 1988. Cette instance, placée sous la responsabilité du Premier Ministre, donne son avis au Gouvernement sur toutes les questions relatives à la pauvreté et à l'exclusion sociale et réfléchit à la coordination des politiques d'insertion au plan national comme local.

Le CNLE fait également des propositions concrètes sur les problèmes posés par la pauvreté. À titre d’exemple, il s’est récemment exprimé sur l’amélioration des dispositifs permettant l’accès aux soins des personnes les plus démunies, sur la pauvreté des enfants en France ou sur l’accueil des réfugiés.