Education et scolarité
23 juin 2021

Johann Quenault, directeur adjoint en lycée professionnel : "L'éducation est la véritable arme du monde"

Rien ne prédestinait Johann Quenault à poser ses valises en plein centre Bretagne, il y a presque vingt ans. Et pourtant, c’est là, auprès des jeunes, qu’il s’épanouit, infatigable messager de l’écoute et du dialogue. Portrait du nouveau directeur adjoint du lycée professionnel Saint-Michel de Priziac (56)

Sa nomination est encore toute récente. « Je suis devenu au début du mois de juin directeur adjoint du lycée professionnel, de l’internat éducatif et scolaire et de l’unité de formation par alternance Saint-Michel, explique Johann Quenault. Auprès de Sébastien Renault, le directeur, je suis chargé de développer ces différents établissements. Tout cela dans l’esprit du « Penser et agir ensemble », car nous avons vu à quel point cette dynamique embarquait tout le monde, jeunes et adultes. »

 Lutter contre le harcèlement scolaire

C’est en plein centre Bretagne, dans le Morbihan, que le jeune Normand natif de Cherbourg a posé ses valises en 2002, suivant sa compagne originaire de Lorient. Embauché comme éducateur sportif à Saint-Michel, il s’y investit à fond, sensibilisant les jeunes à la lutte contre les discriminations, la prévention de la violence et du harcèlement, l’égalité hommes-femmes, la santé.
« J’ai cherché avec les éducateurs quels étaient les attentes et les besoins. De fil en aiguille, j’ai monté des projets sportifs, culturels, artistiques et citoyens avec les jeunes, et j’en ai été le coordinateur jusqu’en 2019. Puis j’ai fait un master de médiation à l’université Panthéon-Assas à Paris, jusqu’à candidater pour être médiateur de justice auprès de la cour d’appel de Rennes. » À la clé, deux médiations menées dans ce cadre, qui ont abouti à un accord validé par le juge.
« C’est tellement enrichissant. Cela m’a permis de dire que la médiation est un outil très puissant. Lorsqu’on est en capacité de s’écouter, de se parler, de rester la personne que l’on est et d’appréhender la réalité de la personne en face de soi, on est capable de vivre les choses autrement. Une posture de médiation au quotidien rayonne sur tout ce qui nous entoure. »

La fibre de la médiation

Il faut dire que la médiation occupe une place centrale dans la vie de Johann Quenault, et à Saint-Michel. En 2005, le jeune homme rencontre Albert Sabat, à l’origine du projet à la fondation. Ancien professeur d’anglais au lycée Sainte-Thérèse à Paris, c’est lui qui a adapté avec succès cet outil de régulation des conflits pour la fondation en 1998, jusqu’à développer un réseau dans les établissements et des formations pour les jeunes et les adultes. Originalité de la version Apprentis d’Auteuil, les rencontres de médiation sont portées par des binômes jeune-adulte. Johann, convaincu par ces atouts, développe la médiation à Saint-Michel et devient coordinateur régional en 2017.

Un choix qui ne doit rien au hasard. « Je n’étais pas très scolaire. J’avais en moi beaucoup d’énergie que l’école n’arrivait pas à canaliser. Mes parents m’ont élevé dans cette idée d’aide et d’altruisme. Après un bac G3 obtenu un peu par hasard, je me suis demandé quoi faire. Comme j’étais très sportif et mû par ces belles valeurs du sport qui m’ont appris à être honnête avec moi-même et m’ont évité de déraper, je me suis engagé dans l’armée pour deux ans. Je voulais servir sur le terrain. »

Voir pousser la paix

Après ses formations de sous-officier et de commando, Johann Quenault est envoyé au Kosovo en mission de renseignement, alors que la guerre fait rage dans les Balkans. Il est chargé de livrer des informations sur la localisation des chefs de guerre serbes, en pleine "épuration ethnique". « Cela m’est arrivé de voir des choses qu’on ne devrait pas voir. C’était en 1995 et j’avais 21 ans. J’en suis sorti profondément marqué.
L’aspect positif, c’est que cela m’a conforté dans l’idée que l’homme doit être éduqué, que l’éducation est la véritable arme du monde. Je le vérifie chaque jour auprès des jeunes que j’accompagne, en voyant des changements progressifs dans leur façon d’être. En particulier, grâce à la médiation, qui amène les jeunes à tenir compte des avis contraires au leur. Des années après, on en voit le bénéfice. Les anciens reviennent nous voir et témoignent de ce que ça leur a apporté. On voit pousser la paix. Il faut arroser cette petite graine. »
Johann Quenault intervient dans une classe pour sensibiliser les jeunes à la lutte contre le harcèlement. (c) Apprentis d'Auteuil
Johann Quenault intervient dans une classe pour sensibiliser les jeunes à la lutte contre le harcèlement. (c) Apprentis d'Auteuil


Après cette expérience à la fois traumatisante et fondatrice, Johann devient animateur sportif pour une association dans un quartier sensible de Cherbourg, puis change de région. Direction, la Bretagne. Il découvre Saint-Michel, des profils divers : des jeunes venus pour la formation professionnelle, d’autres en raison d’un décrochage scolaire, d’autres à cause du climat familial. Mais tous ont l’envie d’être écoutés, de bâtir leur avenir, d’être partie prenante de la vie de l’établissement, par exemple au sein du conseil de vie lycéenne que Johann Quenault s’emploie à développer et à valoriser aux yeux des jeunes.

« Est-ce que cela change beaucoup de choses : Oui ! Les jeunes sont moteurs et acteurs. C’est un long chemin, car cela bouscule les pratiques et les habitudes. Je m’attache à les sensibiliser à l’altruisme, à la bienveillance, à la complexité de la relation humaine, aux différences. À tout ce qui bâtit un monde plus humain.
Ce ne sont pas des adultes en miniature, mais en devenir. Ils ont besoin qu’on leur fasse confiance, qu’on les écoute, qu’on prenne en compte ce qu’ils disent. Ils ont droit à l’erreur ! Nous sommes là pour les guider. On les aide à s’accomplir, à grandir, et ils nous aident à garder les pieds sur terre. Ils sont tellement pleins d’authenticité, d’envie d’apprendre et de comprendre. »

Un profond attachement pour Saint-Michel

Aujourd’hui, vingt ou presque après son arrivée à Saint-Michel, Johann Quenault sourit : « Si mes profs de terminale me voyaient, ils n’en croiraient pas leurs yeux ! Certains m’encourageaient, d’autres avaient sur moi un regard empreint de jugement. J’ai un profond attachement pour Saint-Michel, j’y ai vécu de très belles choses. J’y ai grandi professionnellement et personnellement. L'avenir est devant nous. De belles missions et collaborations nous attendent. Nous sommes prêts. »