Education et scolarité
24 juillet 2020

Après la crise sanitaire, Apprentis d'Auteuil s'organise

La crise sanitaire et la période de confinement ont bouleversé les modes d’accompagnement des équipes d’Apprentis d’Auteuil. Et les ont confortées dans l’importance du lien à nouer et faire grandir avec les jeunes et les familles.

Que doit-on retenir de cette période particulière de crise sanitaire ? Tous, dans les établissements d’Apprentis d’Auteuil, sont unanimes : le lien. Que ce soit en Maison d’enfants à caractère social ou dans les Maisons des familles, dans les dispositifs d’insertion, les établissements scolaires ou de formation professionnelle, à distance ou sur place, les équipes ont eu à cœur de consolider les liens tissés patiemment depuis quelques années, quelques mois ou quelques jours avec les jeunes et les familles accompagnées. Téléphone, réseaux sociaux, groupes WhatsApp, Instagram, Internet… tous les moyens ont été mis en œuvre pour leur éviter l’isolement, le repli sur soi, le décrochage scolaire.

Un suivi pédagogique à distance

Au lycée professionnel et horticole Saint-Philippe de Meudon, Léa, 15 ans, élève en 2nde bac pro nature-jardin-paysage-forêt, explique : « Durant le confinement, on a réussi à énormément avancer sur le programme en visio, au point qu’en biologie, nous avons commencé le programme de 1re ! Même à distance, les profs répondaient à toutes mes questions et me donnaient tous les conseils nécessaires. »

Skola Vente à Cagnes-sur-Mer : Lucille Modeste, conseillère, entourée de Sonny (à g) et de Gianni (à dte)
Skola Vente à Cagnes-sur-Mer : Lucille Modeste, conseillère, entourée de Sonny (à g) et de Gianni (à dte) (c) Vincent Gambardella / Apprentis d'Auteuil

Du côté de Skola Vente, dédié à l’insertion des 16-25 ans en grande difficulté, les jeunes sont restés mobilisés, après une première période difficile. Situé à Cagnes-sur-Mer, le dispositif accompagne 20 jeunes par session durant 9 mois, dont 3 en boutique. Lucille Modeste, conseillère emploi, formation et insertion, détaille : « Pendant cette période, j’ai fait beaucoup d’accompagnement psychologique, car certains jeunes étaient démotivés, angoissés, ou supportaient mal la solitude. Nous avons pu à la fois maintenir le lien avec la plupart des jeunes et les garder en activité pour qu’ils se projettent après la crise. Il n’y a pas eu d’arrêt dans leur processus d’insertion, juste un ralentissement. Les jeunes n’ont pas attendu la fin du confinement pour se remettre à chercher un emploi. »

Une reprise studieuse

Laurane, en 3e au collège Vitagliano (c) Benjamin Béchet / Apprentis d'Auteui
Laurane, en 3e au collège Vitagliano (c) Benjamin Béchet / Apprentis d'Auteui

À l’heure du bilan, tous constatent que cette volonté de faire grandir la relation a payé. Les jeunes ont continué en grande majorité à apprendre, à distance. Les familles se sont montrées reconnaissantes du travail accompli. Le lien de confiance s’est globalement renforcé avec elles, permettant aux enfants de mieux s’investir dans les apprentissages. En mai et juin, les enfants sont revenus à l’école en très grande majorité, heureux de retrouver leurs amis et leurs professeurs.
Éducatrice scolaire au collège Vitagliano à Marseille, Sabrina Meret explique : « Nous avons rouvert en anticipé, dès le 11 mai, en raison des situations compliquées, des risques de décrochage, des situations difficiles dans les familles. L’établissement a repris vie, et la vie, c’est l’espoir. »
À la reprise, les professionnels se sont attachés à pallier les effets du confinement. Soutien scolaire accru, soutien éducatif renforcé également, quand les enfants montraient le besoin de repères. Mais aussi, comme le précise Amandine Sampol, la directrice, réintroduction d’une nourriture équilibrée : « Nous avons noté des prises de poids excessives durant ces deux mois de confinement. Les enfants ont pu exprimer leurs besoins de sport et de nourriture saine. Nous avons pu régler ces problèmes de dérèglement alimentaire, liés à la grande précarité des familles et au changement de rythme. »

Une rentrée masquée

Du côté du lycée horticole Saint-Philippe, la rentrée s'est déroulée avec sérénité. Grande nouveauté, le recrutement d’un « sourceur », chargé de faire la promotion des formations dans les collèges et lycées à proximité, en vue de recruter de nouveaux élèves. « Il nous faut tirer le positif de cette crise, conclut Thierry Campos, le directeur. Durant le confinement, nous avons mis en place de la formation à distance, avec des démonstrations de gestes techniques en vidéo effectuées par les professeurs. Nous avons institué de nouvelles pratiques liées à l’hygiène et à la santé, avec des robinets automatiques et des éviers supplémentaires. Cette expérience doit surtout nous permettre de grandir dans le domaine de la transmission à distance et de la relation. »
Sonny, 23 ans, a fait partie de la dernière promotion de Skola Vente. Le jeune homme affine à présent son projet : « Enfermé chez moi, j’ai suivi les visioconférences qui nous préparaient à rebondir après le confinement. Je me sens soutenu dans ma recherche d’emploi, j’ai pris confiance en moi. Aujourd’hui, je veux trouver un travail, quel que soit le métier. Je voudrais créer ma propre marque de vêtement. En attendant, un CDI chez Mc Do va me permettre de financer ce projet à plus long terme. »
Dans les écoles, collèges, lycées, tous sont partis en vacances, avec l’objectif de reprendre le cours de leur vie d’élève en septembre, dans leur établissement et de s’adapter aux mesures sanitaires recommandées à la rentrée. C'est chose faite à présent. « Nous avons préparé une rentrée classique, avec des effectifs en hausse par rapport à l’année dernière, conclut Amandine Sampol, à Marseille. L’école a rouvert en septembre, selon les dispositifs en vigueur : masques et distanciation sociale pour tous les enfants de plus de 11 ans, aménagement des locaux et des activités qu'elles soient éducatives ou pédagogiques. Les semaines de reprise ont été déterminantes en juin, nous avons pu redonner un rythme et un cadre aux enfants, reprendre les apprentissages. Les enfants vont pouvoir profiter de leur été. »

Antoine Dulin, membre du Conseil économique, social et environnemental et président de la commission « insertion des jeunes » au Conseil d’orientation des politiques de jeunesse

« Pendant la crise sanitaire, les plus fragiles ont été touchés, non pas directement par la pandémie, mais par ses conséquences économiques. La crise a entrainé un décrochage scolaire important : on estime que 20 % des jeunes en lycée professionnel ont décroché pendant le confinement. Enfin, la difficulté dans laquelle se trouvent les 18-25 ans sans soutien familial, sortants de la protection de l’enfance, ou issus de familles modestes, s’est accrue. De plus en plus de jeunes vont se retrouver dans une situation de précarité. C’est pourquoi plusieurs associations, dont Apprentis d’Auteuil, ont signé une tribune au mois de mai pour demander l’ouverture d’un revenu minimum pour les 18-25 ans sous conditions de ressources, en parallèle d’un engagement dans un parcours social et professionnel. »