Education et scolarité
08 janvier 2021

Vocation enseignante

Elle a exercé différents métiers avant d’être rattrapée par sa vocation d’enseignante. Depuis quatre ans, Céline Lunel-Moreau est professeure à l’école Saint-Martin, au Mans, dans une classe à triple niveau CE2-CM1-CM2. Un choix motivé par son besoin d’être utile à des enfants en difficulté scolaire ou sociale.

C’est en fréquentant les cours d’école que la vocation première de Cécile Lunel-Moreau s’est à nouveau imposée à elle. Il y six ans, la jeune femme est représentante pour Auzou, éditeur de littérature jeunesse. Parmi ses clients, des directeurs d’école, des professeurs avec qui elle aime discuter. « Je me suis rendue compte que je n’étais pas sûre de m’épanouir sur le long terme dans mon métier de commerciale. C’est là, de l’autre côté de la barrière, que je voulais être ! » La fibre de l’enseignement, la jeune femme l’avait développée durant ses études d’histoire, alors qu’elle se préparait à devenir prof. Mais la vie l’avait amenée vers d’autres horizons, un job en restauration rapide, puis cet emploi de commerciale. Oublié, le stage effectué en collège en année de licence : « Une amie m’a rappelé que j’en étais revenue dépitée, disant : « Jamais je ne pourrai faire ce métier auprès de collégiens. » J’avais complètement occulté cet épisode ! » 

Besoin d'autre chose

Auprès d'un élève dans sa classe de CE2-CM21-CM2 de l'école Saint-Martin (c) Ilan Deutsch / Apprentis d'Auteuil
Auprès d'un élève dans sa classe de CE2-CM21-CM2 de l'école Saint-Martin (c) Ilan Deutsch / Apprentis d'Auteuil

Céline Lunel-Moreau reprend ses études à l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) d’Angers, et après un échec à l’oral du concours, décide de s’y préparer seule, tout en faisant des remplacements dans des écoles catholiques.
« La direction diocésaine m’ayant fait confiance, j’ai décidé de passer le concours de l’enseignement catholique. Puis, en 2016, on m’a proposé un poste de professeure à l’école Saint-Martin au Mans, dans le quartier des Sablons, à forte mixité sociale. Les deux écoles publiques y sont classées REP (réseau d’éducation prioritaire).
Enseigner dans ce quartier, dans cette école, c’était un vrai choix pour moi. Je voulais pouvoir apporter quelque chose, me sentir utile. En 2e année de master, j’avais travaillé en centre-ville, avec des enfants performants. Je m’étais dit qu’avec ou sans moi, ils auraient de toute façon appris. Je voulais autre chose. »

Faire grandir chaque élève

La jeune enseignante est séduite par le projet de l’école Saint-Martin, son esprit d’équipe, la pédagogie, l’accompagnement éducatif. L’école a mis en place les ceintures de comportement aux différentes couleurs (attribuées aux enfants selon leur niveau de maturité et de progression) inspirées par le pédagogue Fernand Oury ; les permis de récréation, pensés comme des permis à point pour gérer les comportements ; ou encore les « métiers » attribués à chaque enfant à tour de rôle (responsable du calme, de la propreté, du poisson dans son aquarium…) autant d’astuces pour responsabiliser et faire grandir.  « J’ai aussi rencontré une équipe très soudée avec beaucoup d’attention aux autres. Tout cela m’a convaincue d’accepter le poste. » Aujourd’hui, Céline Lunel-Moreau enseigne dans une classe à triple niveau - CE2-CM1-CM2 - de 24 élèves. Elle jongle entre les multiples ateliers qu’elle a mis en place (maths, français, musique, histoire etc.) au sein desquels l’enfant progresse à son rythme, en autonomie. Et les temps plus collectifs. Un défi de préparation et de souplesse. Mais aussi à ses yeux, une belle opportunité : « Avoir les enfants durant trois ans permet de les accompagner au mieux, de les voir évoluer, de cerner d’avantage les obstacles pour pouvoir les dépasser. On gagne du temps. La relation de confiance peut aussi se nouer plus facilement avec les familles. Ce n’est pas toujours simple : certains parents ont des souvenirs douloureux de leur propre scolarité, ils peuvent transmettre un manque d’envie ou de motivation. Nous avons la chance d’avoir deux éducatrices à temps plein à l’école, qui servent de relais. Pour les parents, elles ne sont ni directrices ni enseignantes, cela facilite les échanges. »

Faire partager les richesses culturelles

Céline Lunel-Moreau anime des ateliers individualisés, en fonction des besoins de chaque élève (c) Ilan Deutsch / Apprentis d'Auteuil
Céline Lunel-Moreau anime des ateliers individualisés, en fonction des besoins de chaque élève (c) Ilan Deutsch / Apprentis d'Auteuil

Dans sa classe à niveaux multiples, le profil des élèves est varié, certains sont en grande difficulté scolaire. D’autres n’ont pas forcément le français à la maison. Ce qui peut être un frein révèle aussi des trésors cachés. « J’essaie de mettre en valeur cette richesse culturelle et linguistique. Quand on travaille l’anglais, certains connaissent les mots de la langue de leurs parents. Nous voyons comment ces différents mots « chantent » et les enregistrons dans un livre numérique. J’utilise aussi la langue des signes, apprise grâce un cousin sourd de naissance, pour signer la terminaison des mots par exemple. Cela permet aux enfants de fixer l’orthographe dans leur esprit. Ils aiment bien. »
Pour l’enseignante, le maître mot reste l’adaptation, nécessaire dans une classe aux profils hétérogènes. Elle développe l’esprit d’entraide et de coopération entre les élèves. Et les initie à la prise de responsabilité au sein d’un conseil de coopération hebdomadaire. « Ce sont les enfants qui désignent le président, le secrétaire, qui notent les propositions et les votent. Ma voix vaut autant que la leur. » 

Son ressourcement, elle le puise au quotidien dans la méditation. Elle en avoue un besoin vital pour pouvoir revenir ensuite à ses élèves, concentrée et disponible. Et dans la pratique du yoga, aussi souvent qu’elle peut. « Les satisfactions, les bonheurs ? Plein, heureusement ! C’est de voir les enfants absorbés par leur travail, au point de ne pas entendre quelqu’un entrer dans la classe. C’est de voir un élève se placer près d’un copain en difficulté pour l’aider. Ou d’en voir un qui ose demander de l’aide à un camarade. Mon idéal serait que chaque enfant parte de l’école plus grand et plus riche des apports de toute la classe. Plus riche en apprentissages, en entraide, en partage de beaux moments. Oui, j’aimerais qu’ils emmènent cela avec eux. »