Maison des familles à Annecy
Protection de l'enfance
01 août 2022

Pendant les vacances, le travail avec les jeunes et les familles continue

FOCUS. À Apprentis d’Auteuil, le travail éducatif dure toute l'année. Tout comme le soutien à la parentalité. La période des vacances peut même aider à les affiner. Démonstration en quatre chapitres. Par Agnès Perrot.

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Pendant l'été le travail éducatif avec les jeunes et les familles continue. Il peut meme être l'occasion de vivre des expériences hors du commun.

Au téléphone, la voix est plus qu’enthousiaste. En cette fin juillet, Cindy, 16 ans, termine un séjour avec un groupe d’ados de sa Maison d’enfants à Vaunières. Un hameau atypique des Hautes-Alpes, perdu au milieu de nulle part. « Des vacances exceptionnelles, souligne la jeune fille qui entre en première bac pro Métiers de la relation client, avec une découverte essentielle, le dépassement de soi. J’ai aussi ouvert mon esprit, communiqué avec tous calmement, coupé le réseau... Et accessoirement, appris à traire les vaches ! »  

Le plaisir d'une visite dans une ferme !

Ouvert toute l’année, le hameau de Vaunières a été racheté en ruines par une équipe d'éducateurs de Marseille dans les années soixante. Monté en association - Les Villages des jeunes -, le projet permet à un nombre grandissant de jeunes (seuls, en groupes constitués, en difficulté ou étrangers) de faire l’expérience de la vie collective en pleine nature à partir de 15 ans, autour de chantiers et de rencontres du monde entier.

Inscrite au planning du hameau la deuxième quinzaine de juillet, l'équipe de la Maison d'enfants Jacques Laval a pu pleinement profiter du lieu, en alternant ateliers de restauration le matin et activités sportives liées à l’eau (randonnés dans les falaises, rafting, canyoning, etc.) et visites, l’après-midi, proposées par les éducateurs.

Les chantiers du matin

« Nous cherchions un lieu rassembleur pour cet été, souligne Alexandre Berric, chef de service en visite sur le site, qui permette d'approfondir le travail éducatif entrepris pendant l'année.

Ce séjour coupé du monde, sans réseau ni téléphone, entre dans la démarche des séjours d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI), mis en place par la direction International de la fondation en direction de nos jeunes depuis l'an dernier. Il a pleinement répondu à nos attentes. »

Prêts pour une séance de rafting !

 « L'été, nos jeunes se rendent souvent en colo à l'extérieur, complète M’hamed Zoujaji, éducateur référent du camp, enthousiaste. Ce qui ne nous empêche pas de partir parfois avec eux.

Même si je l'envisageais avec un peu d'appréhension - nos ados ne sont pas toujours faciles - je rentre de ce transfert (séjour éducatif NDLR) très fier d’eux. Et vraiment heureux. C’est sans doute lié à la magie du lieu. »

Visite de Sisteron

« Tous ont osé la rencontre, affronté leurs peurs, joué la carte de l'effort, poursuit-il. Bref, appris à se connaitre dans ce qu’ils ont de meilleur. Autant de valeurs indispensables à acquérir pour grandir. Une aventure magnifique ! »

Audrey, 16 ans, qui entre en première générale, conclut. « Je n’étais pas trop partante au départ, mais l'esprit de Vaunières m'a emballée. Surprise par l’ambiance internationale, j’ai vécu des expériences qui m’ont tirée vers le haut, avec une vraie prise de conscience écologique. Bref, j’ai mûri. Si je peux, je reviens l’an prochain ! »

Sur le chemin de Compostelle

Autre projet, autre ambiance.

Cet été, ils ont décidé de marcher sur la Voie du Puy (GR65), une des quatre voies du Chemin de Compostelle.

Ils, ce sont un petit groupe de mineurs non accompagnés venus de Turquie, du Pakistan et d'Afrique de l'Ouest, accompagnés de leurs éducatrices, Bérengère Mazerbrouck, animatrice en pastorale à l'origine du projet, et Peggy Costa, récemment promue chef de service. 

La coquille, symbole des pèlerins

 Tous vivent ou travaillent à l’Escale Saint-Elme, un lieu ouvert début 2020 par Apprentis d’Auteuil à Toulon pour accueillir des jeunes migrants.

But de nos randonneurs ? Parcourir le tronçon La Clauze - Aumont-Aubrac, une étape de 65 kilomètres parmi les plus belles du pèlerinage de Saint-Jacques.

Le trajet choisi pour 2022 fait suite au chemin expérimenté pour la première fois l’année précédente, du Puy-en-Velay à Saugues. Et entre lui aussi dans une démarche  d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI). 

Compostelle ? Un des plus haut lieux de pèlerinage de la chrétienté !

« Le galop d’essai de l’an dernier nous avait emballés », se réjouit Bérengère Mazerbourg, nouvelle adepte de la marche au long cours, en cette fin juillet.

« L'idée, pour les jeunes que nous accompagnons, c'est de leur permettre - et nous avec - de s’ouvrir à la transcendance, quelles que soient leurs confessions, de faire le point sur leurs vies, de prier, de devenir attentifs… Chemin faisant, des problématiques de santé, comme le sommeil ou certaines addictions, se règlent, le cerveau s’arrête de tourner. Nous avons vécu plein de moments très forts de vitalité, d’émerveillement, de joie. La marche fait se sentir léger ! »

« Les jeunes mineurs qui nous sont confiés restent en moyenne un an avec nous, souligne à son tour Peggy Costa. C’est court. Et ils vivent toute l’année en collectif. Du coup, nous privilégions les temps de séjours en petits groupes, comme celui-ci, notamment l’été, histoire de leur proposer un accompagnement plus soutenu ».

Saint-Alban-sur-Limagnole, Lozère

L'éducatrice poursuit. « Et ce, même si le premier jour est toujours difficile. On ne réalise pas comme est grand le besoin d’être écouté et rare la possibilité de l’être vraiment. Avec ces séjours, nous leur offrons également la possibilité de découvrir la France et ce qu’elle mange, de se couper de l'agitation et du bruit. D'autant plus que pour certains, l'année  été compliquée. Du fait du (petit) nombre, nous sommes davantage dans le partage et la confiance mutuelle. »

Un bilan une fois encore positif, comme le soulignent Ousmane et Lamine, 16 ans. « Nous sommes très contents, on se détend, on rigole, on découvre plein de belles choses, on admire la nature, les arbres, les animaux. Et en plus, les éducatrices, trop gentilles avec nous, nous apprennent à écouter le silence ! » 

 En Isère en familles

 

Lucie Ramognino est responsable de la Maison des Familles de Chambéry, en Savoie, ouverte en octobre 2020. Un des lieux d'accueil et d'échange créés depuis une dizaine d’années par Apprentis d’Auteuil pour les familles, un peu partout en France. 

Comme l’an dernier, la professionnelle et son équipe (de bénévoles) ont proposé aux parents intéressés de se retrouver quatre jours avec leurs enfants, autour de vacances partagées. Huit familles (plus celle d’une bénévole) ont répondu à l’appel courant juillet, dans un gîte de montagne, situé non loin de la commune de Voiron, en Isère. Au programme, détente, visites, sport, jeux et convivialité. 

« L’objectif était de vivre une expérience collective dans un cadre sécurisant, explique la permanente. Et pour chaque famille, de faire, pourquoi pas, des prises de conscience nouvelles au contact d’autres parents, en prenant un peu plus soin qu’à l’accoutumée des liens parents-enfants ».

Un temps d'initiation à l'équitation

Blerta, maman d’un garçon de quatre ans, confirme. « J’ai vraiment apprécié les nouveaux liens noués, qu’on prépare les repas ensemble, les activités proposées, comme l’initiation à l’équitation pour les enfants ». 

« En séjour, on est forcément plus authentique, la glace se brise, on se livre davantage, l’empathie gagne du terrain... » confie encore Lucie.  Et se retrouver dans la durée permet de se connaître plus en profondeur ».

Un matériau idéal pour la reprise des échanges à la rentrée.

Dans un camping de Gironde

 

Approfondir le travail en parentalité à l’occasion des vacances, c’est aussi l’intuition d’un service nouvellement monté au sein de la Maison d’enfants Saint-Joseph, située à Blanquefort, en Gironde. 

En cette fin d'après-midi de juillet, la maman de Fabrice, 13 ans, se repose de son année, dans le mobil-home d’un camping de la commune d'Arès, en bordure du bassin d’Arcachon. Elle vient de profiter de la piscine du lieu avec son fils placé à la Maison d’enfants.

Non loin d’eux, deux autres familles profitent également du cadre. Le « bureau » de Jean-Claude Dupouy, éducateur en charge du projet, n’est pas loin. Ce travailleur social intervient toute l’année auprès des parents des jeunes accueillis à la Maison d’enfants, en soutien des équipes éducatives. Et prend le temps de construire avec eux une relation de confiance. Notamment l’été.

Fabrice et sa maman

La maman de Fabrice raconte. « Je suis très émue, c’est la première fois en huit ans que je passe une nuit au même endroit que mon fils. Ce séjour, c’est l’occasion de voir comment les relations se (re)tissent avec lui. Ce n'est pas facile mais cela nous fait du bien d’être ensemble. Jean-Claude nous laisse pas mal d’autonomie. Et nous faisons des points réguliers ».

Jean-Claude Dupouy, souriant, confirme le succès de l’opération. « C’est la deuxième année que notre service d'accompagnement des familles, ouvert en 2019 au sein de la Maison d'enfants, tente ce genre d’expériences. Elles nous permettent de soutenir autrement les parents dans leur rôle éducatif, sans nous substituer à eux. De mieux les comprendre aussi, d’avancer sur des exemples concrets avec eux et leurs enfants. On est dans le "faire avec". De la matière en or pour la suite ! »  

Étonnamment, certaines situations progressent plus vite, permettant d'élargir les droits de visite des parents pendant l'année, voire d’envisager un retour des enfants en famille. 

Ce soir, parents et enfants ont décidé de se retrouver pour un repas, à l’invitation de Fabrice et de sa maman. Jean-Claude sera lui aussi de la fête. Une jolie manière de le remercier !