Delphine et son fils Raphaël
Education et scolarité
27 novembre 2024, modifié le 02 décembre 2024

Ma réussite, c'est d'avoir repris confiance en moi après un harcèlement

Raphaël est en classe de 4e au collège Notre-Dame du Bon Accueil à Gorges, près de Nantes. Alors qu'Apprentis d'Auteuil fête la Semaine de la réussite, un événement qui célèbre toutes les victoires, grandes et petites, remportées par les jeunes, il raconte SA réussite : avoir surmonté les longues années de harcèlement vécues à l'école primaire et retrouvé la confiance en lui et en les autres. Deuxième portrait de notre série consacrée à la réussite. 2/4

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Raphaël, 14 ans, a été harcelé à l'école. Il explique ce harcèlement qui lui a fait beaucoup de mal. Et raconte comme il a repris confiance en lui.

Raphaël, 14 ans

« Actuellement, je suis en 4e, au collège Notre-Dame du Bon Accueil depuis le CM2. J’y ai fait deux CM2 en fait. Mes notes étaient trop basses pour que je passe en 6e. Je peux dire que le collège m’a beaucoup aidé à reprendre confiance. Je n’avais plus du tout confiance en moi, ni envers les adultes.  
En primaire, j’étais dans une école où j’étais harcelé. Cela a commencé quand j’étais très jeune, 6 ans, dès le CP. Au début, c’était des petites moqueries, puis des insultes. À la fin, c’était : « T’es gros », « T’es moche », « Tu sers à rien », « Vas te suicider ! », « Ta mère aurait dû avorter », puis les coups. J’ai fait des tentatives de suicide. Nous avons porté plainte avec mes parents, mais ça n’a pas abouti. J’ai fini par changer d’école. 

J’ai eu un peu de mal au début, et puis à partir du milieu de l’année, ça a été de mieux en mieux. Je me suis fait beaucoup d’amis. Aujourd’hui, je suis délégué de classe et je suis pote avec presque tout le collège ! 

Ma réussite, c’est d’avoir plus confiance en moi et en les autres. C’est aussi d’arriver à exprimer mes émotions. Quand les gens font des taquineries, ça ne me fait plus rien, ce n’est pas pareil. Au collège, mes matières préférées, c’est l’histoire et la SVT. En sport, je fais de la lutte. Mais ce que j’aime vraiment beaucoup, c’est la formule 1. Je rêve d’aller aux 24 h du Mans. C’est prévu en juin 2025 ! »

Le témoignage de Delphine, la maman de Raphaël

Comment a débuté le harcèlement dont Raphaël a été victime ? 
« Il a débuté très tôt, et les auteurs n’ont pas été recadrés tout de suite. Dans le petit village où nous étions, les élèves se suivaient de classe en classe. Raphaël était toujours en classe avec le même groupe de cinq ou six enfants harceleurs, autour d’un meneur. Ils se relayaient dans le harcèlement et en sont venus aux coups alors qu'il était en CE2. C’est à ce moment-là que Raphaël nous a prévenus. Il n’en pouvait plus, il a fini par nous dire : « Je n’ai plus qu’à mourir ». Le harcèlement a un mécanisme très insidieux et est encore plus dans des classes qui n'évoluent pas d'une année sur l'autre. La prise en charge dès le départ est primordiale, il ne faut pas laisser le harcèlement s'installer.

Comment l'établissement a-t-il réagi ?
Nous avons pris rendez-vous avec son professeur qui a semblé démuni face à l'ampleur de la situation. Je n’ai pas eu l'impression que l’équipe et la direction prenaient la mesure des dégâts sur Raphaël. L’école a fait quelques aménagements dans la cour pour éviter les rassemblements trop importants... Nous avons écouté les enseignants qui nous ont conseillé de faire suivre Raphaël. Il était suivi toutes les semaines par un pédopsychiatre, une orthophoniste et notre médecin de famille. L'orthophoniste était témoin de sa détresse. Chaque semaine, Raphaël appréhendait les séances parce qu'elle ne comprenait pas comment on pouvait ne pas réagir davantage. Mais je tiens à la remercier parce qu'elle nous a soutenus dans cette épreuve. L'équipe éducative au sein de l'établissement semblait dépassée et préférait nous mettre en cause. 
Nous sommes allés porter plainte à la gendarmerie, mais la plainte a été classée sans suite. La gendarmerie nous a dit : « Si vous saviez le nombre de plaintes pour harcèlement que nous recevons et comment ça a explosé depuis le Covid ! » La directrice de l’école a été odieuse, fermée au dialogue et disant que c’était de notre faute. Nous n’étions pas écoutés. Les élèves sont restés à l’école. 

Vous avez changé votre fils d'établissement. Comme cela s'est-il passé ?
Quand il est entré à Notre-Dame du Bon accueil, l’équipe pédagogique et éducative, la direction, tout le monde a été super. Il a fallu tout reprendre à zéro. Il n’était pas dans les apprentissages, pas dans une position d’élève. Ils étaient au courant de tout ce que Raphaël avait vécu, très attentifs, très disponibles. Les années ont passé et Raphaël a bien progressé.
Il a eu peur à la rentrée dernière quand il a su que le principal harceleur entrait en 3e à Notre-Dame du Bon Accueil. Nous étions nous-mêmes très inquiets, mon mari et moi, nous avions peur que cela recommence. J’ai sorti mon drapeau : « Soyez vigilants ! » Tout l’équipe a été très disponible, nous a écoutés et accompagnés. Ils ont été très vigilants. Je n’ai jamais été seule sur le sujet. Les garçons se sont ignorés au début, puis ils ont discuté. L’un et l’autre avaient grandi. Le jeune a été surpris. Il ne se rendait pas compte de la portée de ses actes et de ses propos. Il en a pris conscience et s’en veut. Ce jeune harceleur avait un passif très difficile. 

Comment vous, parents, avez-vous accompagné Raphaël ?
Notre chance, en famille, c’est que nous avons toujours discuté. J’étais aussi vigilante pour que Raphaël ne bascule pas de l’autre côté et que de harcelé, il ne devienne harceleur. Je lui ai dit : « Souviens toi de ce que ça t’a fait. » Mais Raphaël n’a pas d’esprit de vengeance, cela ne nous ressemble pas du tout. Aujourd’hui, il est bien intégré au collège, connu et respecté de tous. Il est devenu un peu ambassadeur sur ce sujet et peut en parler devant ses camarades en vie scolaire. Les jeunes sont sensibilisés à ce thème au collège (et en particulier du cyberharcèlement), la gendarmerie intervient aussi pour en parler aux élèves. 

Apprentis d'Auteuil fête les réussites. Quel regard portez-vous sur votre fils ?
Je suis fière de sa réussite, de son évolution. Il a retrouvé une soif d’apprendre qu’il avait perdue. Il a retrouvé sa confiance en lui, en nous, en les autres. Ce n’était plus un enfant joyeux et cela fait mal en tant que parent. Il nous disait : « Je suis nul ». Aujourd’hui, il se projette dans l’avenir. Il aimerait devenir mécanicien auto. Et il s’en donne les moyens. Arrivé en CM2 presque sans savoir lire et écrire, il a maintenant 14,5 de moyenne. Il a changé du tout au tout, y compris physiquement. C’est ça la réussite, c’est bien différent de la performance ! Nous, nous le voulons épanoui, heureux, avec un métier qui le passionne. On a trouvé une écoute formidable à Apprentis d’Auteuil. Il ne faut pas laisser les jeunes, rien n’est jamais terminé !