L'inclusion scolaire des jeunes en situation de handicap
La vocation d’accueil d’Apprentis d’Auteuil, inscrite dans son histoire et son projet éducatif, l’a amené à prendre soin de jeunes en situation de handicap. Dans ses établissements scolaires, une attention toute particulière est portée à ces jeunes que les équipes accompagnent au quotidien.
En 2005, la loi sur l’égalité des chances posait le cadre de l’inclusion des élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires classiques, renforcée en 2013 par une loi définissant les principes de l’école inclusive. Dix ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? De plus en plus d’enfants en situation de handicap sont intégrés dans le système scolaire ordinaire, notait la Défenseure des droits dans son rapport de 2022. Mais elle pointait également les nombreux freins à une inclusion réussie en France : le manque de moyens, en particulier en AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap), des personnels précaires ; le manque de formation des enseignants pour accueillir des publics dont les handicaps aux degrés variables recouvrent un large spectre ; le nombre élevé de jeunes dans les classes françaises, rendant le suivi individualisé, à hauteur des besoins de chaque élève, extrêmement difficile.
À Apprentis d’Auteuil, pour qui l’accueil inconditionnel de l’enfant est inscrit dans l’histoire et dans son identité même, la prise en charge de jeunes à besoins particuliers, comme ils sont parfois nommés, s’est imposée de longue date. « Il y a une forte attention à chacun et un soin particulier porté à l’accompagnement, liés à notre ADN, à notre approche des intelligences différentes, souligne Guillaume Soulié, coordinateur du pôle décrochage scolaire et innovation pédagogique à Apprentis d’Auteuil. Chaque jeune est pris en compte dans sa globalité. »
De nombreux jeunes en situation de handicap, diagnostiqués ou pas, sont scolarisés dans les établissements de la fondation, dans des classes ordinaires ou au sein de dispositifs Ulis. L’atout de la fondation ? Toute une communauté éducative autour de l’enfant : équipes pédagogiques et éducatives, partenaires, dont les professionnels de santé, et bien sûr, les parents. « Il arrive régulièrement que les équipes accompagnent les parents dans la prise de conscience et la reconnaissance du handicap de leur enfant, en les épaulant ensuite dans les démarches à accomplir auprès des Maisons départementales des personnes en situation de handicap », poursuit Guillaume Soulié.
Un travail d'orfèvre auprès des enfants en dispositif Ulis
« L’école Joie de vivre, c’est un monde de partage. Elle soigne soigneusement les enfants blessés. » Timéo, 8 ans, dit son bonheur d’être scolarisé dans un établissement qui le respecte et l’accompagne à son rythme dans ses apprentissages. À l’école de Strasbourg, le jeune garçon travaille tous les matins le français et les maths au sein de son groupe d’âge du dispositif Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire), un dispositif créé en 2015 par l’Éducation nationale pour les élèves en situation de handicap. L’après-midi, Timéo rejoint sa classe de référence, le CE2, pour l’histoire, la géographie, les sciences, l’allemand, la musique et les arts plastiques. « Avant, j’étais dans une école où on me donnait du travail de CP alors que j’étais en CE1. Ici, on me donne du bon travail de CE2 et on m’aide. Je suis fait pour cette école, je m’y sens bien », affirme-t-il. Nancy Fritz, la coordinatrice du dispositif Ulis CP-CE2 à l’école, le confirme. Timéo entre petit à petit dans les apprentissages et s’épanouit dans ce cadre sécurisant. Pour qu’il surmonte ses difficultés à l’écrit, l’enseignante lui propose par exemple des textes en couleurs, plus lisibles, plus attractifs. « C’est un travail d’orfèvre », confie-t-elle.
En lycée agricole, une vocation à l’inclusion
Comme de nombreux lycées agricoles à la fondation, le lycée professionnel horticole Saint-Antoine de Marcoussis, dans l’Essonne, accueille des jeunes en situation de handicap, hors dispositifs Ulis. Ces élèves y représentent 20 à 50 % des effectifs selon les classes. « Les jeunes en situation de handicap sont mieux repérés qu’auparavant, mieux diagnostiqués, souligne Denis Dugord, le directeur. Notre rôle à Apprentis d’Auteuil est de montrer à ces jeunes qu’ils ont des compétences, comme les autres élèves, et qu’ils peuvent les développer différemment. » Chaque élève bénéficie d’un plan d’accompagnement personnalisé : un aménagement du temps scolaire, une aide humaine pendant les évaluations, des professionnels attentifs à leurs côtés. « C’est un véritable travail d’équipe : le professeur principal, l’éducateur référent, l’assistante pédagogique, l’auxiliaire de vie scolaire, les jeunes de Polytechnique en stage de première année chez nous... tous se mobilisent autour du jeune et de sa famille », poursuit le directeur.
Des parents écoutés et soutenus
Pour répondre aux besoins des jeunes, Apprentis d’Auteuil a parallèlement développé des dispositifs Ulis (voir encadré) en école primaire, collège et lycée. Le collège Sainte-Claire, à Dieupentale, dans le Tarn-et-Garonne, accueille ainsi dans son dispositif Ulis des jeunes porteurs de dys (dyslexie, dysphasie, dysorthographie, etc.) ou de troubles de l’attention. Ils passent quatre à huit heures au sein du dispositif Ulis, et le reste du temps, suivent les cours dans leur classe de référence. Une avancée certaine pour le vivre ensemble et le changement de regard sur le handicap, sans compter le soulagement pour l’enfant et ses parents, après des années d’échec scolaire, et parfois, de sentiment de rejet. Mme Remuzon, mère de Juan, 14 ans, en classe de 4e, confie : « Il règne une vraie culture de la différence à Sainte-Claire. Grâce à la pédagogie mise en place, Juan a grandi en confiance en lui, en autonomie et en aisance. Il a pris sa place d’élève et peut rester lui-même. C’est précieux de voir que ses difficultés d’apprentissage sont prises en compte et non pas stigmatisées. On l’aide aussi à préparer les évaluations. Comme ses camarades en Ulis, il est très valorisé par les enseignants. »
Travailler l’après
A Paris, le lycée Sainte-Thérèse est à la fondation un des pionniers de l’accueil de jeunes en situation de handicap, depuis le milieu des années 1980. L’établissement comprend un dispositif Ulis divisé en deux groupes d’âge. Ce matin, autour de Vincent Della Puppa, l’enseignant, des filles et des garçons âgés de 18 à 20 ans réfléchissent à l’actualité du jour, puis s’attaquent à un problème de mathématiques. Jonathan, 18 ans, apprécie le cadre offert par le lycée. « J’apprends beaucoup. Je me sens beaucoup mieux depuis que je suis ici, car j’étais harcelé dans mon précédent établissement. Ce lycée m’a sauvé. »
Pour l’enseignant, la possibilité de rester quatre ans si nécessaire au sein des classes Ulis du lycée Sainte-Thérèse est un réel avantage pour les jeunes, qui ont plus de temps pour grandir, apprendre, évoluer, et pour certains, de s’insérer professionnellement. « L’enjeu, c’est l’après, confirme Vincent Della Puppa. Chaque élève effectue au minimum trois stages de trois semaines dans des secteurs professionnels variés, pour travailler l’insertion professionnelle. » Maxence, bientôt 18 ans, a ainsi eu un coup de cœur pour le « housekeeping » découvert après des expériences réussies dans un hôtel Hyatt. Il se verrait bien travailler aussi comme serveur après un stage dans la restauration rapide. Travailler l’insertion des jeunes suppose pour les équipes beaucoup d’engagement, de souplesse, de réactivité. Là encore, le lien entre les équipes, le jeune, ses parents et l’entreprise, est une des clés. « L’insertion professionnelle varie en fonction du degré de handicap et de la volonté des entreprises elles-mêmes, reconnaît Olivier Kervinio, directeur du lycée Sainte-Thérèse. Mais de plus en plus jouent le jeu et se sont adaptées. Il faut que tout soit travaillé en amont. La société évolue. Comme tout engagement sociétal, cela demande du temps. »
ZOOM
-89 établissements et dispositifs scolaires d’Apprentis d’Auteuil accueillent plus de 12 500 jeunes (chiffres clés 2022)
-Parmi eux, 12 établissements scolaires comportent une ou deux Ulis qui accompagnent plus de 142 élèves
- 4 écoles primaires
- 3 collèges
- 5 lycées professionnels ou techniques
POINT DE VUE
Julia Midelet
Maître de conférence à l’université de Caen (CIRNEF) et
codirectrice du Laboratoire international sur l’inclusion scolaire
« La société doit permettre aux enfants en situation de handicap d’être des enfants avant tout, d’accéder à l’école en ne les inscrivant pas d’emblée dans des classes séparées ou des dispositifs spécialisés. L’idée est de penser en priorité l’accessibilité avant la compensation. Pour cela, les professionnels - enseignants, AESH, AED, médecins, etc. - doivent être formés à l’éducation inclusive et à la mise en place d’un environnement conçu pour tous les enfants, y compris ceux qui fonctionnent différemment. Cette formation initiale est fondamentale pour concevoir des enseignements adaptés (une consigne à la fois, orale ou écrite, à l’aide de pictogrammes...) et un environnement aménagé (présence d’un AESH, d’un AED, utilisation d’un ordinateur...). Parmi les pré- requis de l’éducation inclusive, des petits effectifs pour permettre à l’enseignement de bien gérer l’hétérogénéité des élèves et du temps de concertation entre les professionnels pour assurer le bien-être des enfants et permettre leur évolution. »
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