Education et scolarité

La santé des jeunes précaires en question

Pour améliorer l'accès et le recours aux soins des jeunes les plus fragiles, le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) a mené différents projets. Le point avec Axelle Charpentier (1), ancienne responsable du Pôle évaluation et diffusion des résultats du FEJ.

Comment vont les jeunes en situation de précarité ?

Axelle Charpentier : Des études, assez rares, ont été menées sur la santé des 16-25 ans en situation de précarité (typiquement le public fréquentant les missions locales). Ceux-ci ont un état de santé beaucoup moins bon que les jeunes de leur âge. Ils déclarent plus de violences subies, de discriminations, un environnement familial plus instable que l’ensemble des 16-25 ans.
Ce qui est très frappant, c’est leur souffrance psychologique. Lors d’une évaluation menée sur un échantillon représentatif, 30 % se déclarent en mauvais état de santé psychologique, soit moitié plus que les jeunes de leur âge non précaires. Leur accès aux soins est également moins bon : n’ayant pas pleinement conscience de leurs besoins de santé – en termes de prévention, de comportement, etc. - ils ont tendance à différer cet investissement.

Pourquoi ?

Différentes raisons expliquent cet état de fait. Ces jeunes sont peu réceptifs aux messages qui leur sont dédiés. Ils manquent d’information sur les droits auxquels ils pourraient prétendre. Il existe aussi des barrières psychosociales, qui les empêchent de fréquenter un professionnel de santé. Il y a enfin la dimension financière : le décalage dans le temps entre l’avance des frais et le remboursement. Et aussi, un écart de perception que l’on peut corriger : certains jeunes pensent que se soigner coûte forcément cher.
En 2006, les pouvoirs publics ont pris acte de cette fragilité en signant la Charte de la santé des jeunes en insertion sociale et professionnelle et à la suite, des expérimentations ont été mises en place dans le cadre du FEJ, puis évaluées. Parmi celles-ci, des points santé ou des réseaux de psychologues mis en place par certaines Missions locales.

L’accès aux soins et au remboursement peut paraître très compliqué. Comment y remédier ?

Des expérimentations d’accompagnement social et médical ont été menées afin de lever ce type de frein. Celle du projet PRESAJE, organisée dans des missions locales à travers la France, consistait à orienter les jeunes vers une assistante sociale qui leur expliquait leurs droits, les procédures, et optimisait leur prise en charge.
Mais les freins ne sont pas les seules contraintes administratives et financières. Sinon, un fois ces barrières levées, on devrait voir les jeunes recourir massivement à leurs droits. Ce n’est pas le cas.
Il y a d’autres explications : les jeunes n’ont pas toujours conscience de leurs besoins de santé et des conséquences sur leur future insertion socio-professionnelle.

Mais encore ?

Il faudrait accompagner des dispositifs d’une véritable éducation à la santé et d’une information sur les gains futurs. Le seul programme qui réduisait la part de jeunes partiellement couverte comprenait un médecin intervenant directement auprès d’eux pour leur faire prendre conscience de leurs besoins et de l’importance d’investir dans la santé. On s’aperçoit alors qu’un jeune, mieux informé et acteur de sa santé, peut être également remobilisé dans son parcours de formation.
Il faut aussi jouer sur les freins psychosociaux, la réticence, par exemple, à aller consulter un psychologue. Ou le fait que les jeunes se sentent stigmatisés. Ils sont dès lors peu sensibles aux messages de prévention qui leur sont destinés. Une expérimentation consistait à faire de l’éducation à la santé par les pairs. Il s’agissait de former des jeunes qui devenaient passeurs d’information. Cette approche parait très prometteuse. (1) Actuellement, chef de projet et enseignante en évaluation des politiques publiques à Sciences Po.  
À lire 
Les leviers pour favoriser l’accès et le recours aux soins des jeunes en insertion - 
Observatoire de la jeunesse/Fonds d’expérimentation pour la jeunesse
 N° 31 février 2016