
Ça bouge chez les petits ! L'importance de la motricité
Pour le bébé, dès la naissance, la découverte du monde qui l’entoure passe par les cinq sens et le mouvement. Dans les crèches, multi-accueils et écoles d’Apprentis d’Auteuil, une place primordiale est accordée à la motricité pour que les enfants grandissent harmonieusement, s’épanouissent à leur rythme, développent leur confiance en eux et aux autres.
Ce mercredi matin, à la crèche Les Petites pousses du lac, située aux Aubiers à Bordeaux, un quartier prioritaire de la ville, un atelier est organisé pour les « moyens », des enfants âgés en moyenne de 1 à 2 ans. Dans la salle de motricité, un petit toboggan, des marches, des tapis de couleur ont été installés et forment un parcours que peuvent emprunter les petits. Anwar, Jeanne, Ambre ou Kylian, âgés de 15 mois, ne marchent pas depuis bien longtemps, mais prennent visiblement plaisir à monter, ramper, glisser, sauter sur les tapis.



« Pour un enfant de moins de 3 ans, tout passe par le corps, tout est motricité, c’est la base de leur développement, explique Cécile Laborde, la directrice. L’enfant se développe et exprime ses émotions en développant ses capacités motrices (ramper, faire du quatre pattes, se tenir assis) pour, in fine, évoluer vers la marche. La motricité va aussi développer ses compétences intellectuelles. » Tout se fait progressivement. La motricité globale engage le corps de l’enfant tout entier et sa coordination. La motricité fine, ses bras, ses mains, ses doigts. L’une est le support de l’autre. « Pour pouvoir centrer son attention sur ce qu’il est en train de faire, il faut que l’enfant ait déjà une motricité globale bien en place », remarque Anthony Drault, psychomotricien.
Un environnement favorable à l’enfant
L’objectif de la crèche, comme de toutes celles d’Auteuil Petite enfance (APE), filiale de la fondation, est d’offrir l’environnement physique, cognitif et affectif favorable au développement des enfants. « La plupart des familles habitent dans des logements exigus, avec plusieurs enfants, où il n’est facile de bouger, poursuit Cécile Laborde. Ici, chaque enfant peut faire ses expériences motrices en toute sécurité. » Autres caractéristiques : la plupart des familles, dont les enfants sont confiés à une crèche d’APE, vivent en dessous du seuil de pauvreté. 25 % d’entre elles sont monoparentales et ont des conditions de vie particulièrement difficiles. Assurer un bon développement des enfants, sensibiliser les parents aux besoins des bébés, en particulier, dans le domaine de la motricité, font partie des objectifs d’APE.


Tout comme la crèche Les Petites pousses du lac, L’Envol, à Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis, est située dans un quartier prioritaire de la ville. Beaucoup de familles habitent aussi de petits appartements, sans extérieur. Atout de la crèche, une cour aménagée qui permet des sorties quotidiennes et des merveilles à découvrir, une cabane, des vélos, des trottinettes. De quoi s’amuser et interagir avec les autres, avec un matériel adapté dont beaucoup de familles ne disposent pas. Le mobilier a été choisi avec soin : les enfants peuvent l’escalader, grimper, ou y prendre appui en toute sécurité. Dès qu’ils savent se lever, ils peuvent sortir de leur lit, conçu pour favoriser leur autonomie. Remarquant des bébés habillés de jeans trop serrés ou de collants sur lesquels ils glissent, les professionnelles invitent les parents à privilégier des vêtements souples et pratiques, de façon à ne pas entraver les mouvements.
L’importance de la motricité fine
Tous les jours, en début de matinée, l’équipe installe des éléments de motricité, un tunnel et des cerceaux, des ballons sauteurs. Et des jeux pour la motricité fine. Dans un coin de la pièce, au calme, Isayah s’affaire autour d’un jeu de verrous. Pas facile de trouver comment s’ouvrent ces petites portes munies d’une clé, d’un loquet, d’un crochet ou d’une fermeture à levier. Cet exercice, encore bien compliqué pour le petit garçon, stimule son attention, sa réflexion, sa coordination, sa dextérité.
Saisir un objet, puis le passer d’une main à l’autre, empiler des cubes, enfiler des grosses perles, transvaser de l’eau ou bien des graines d’un bac à un autre, trier des bouchons de couleur, découper, dessiner, sont autant d’exercices essentiels pour la suite, dont l’écriture. Les professionnelles laissent les enfants explorer, chacun à son rythme, félicitent, encouragent.
Des parents sensibilisés aux besoins des petits
Le lien avec les parents, fait de confiance et de respect, est primordial. Il demande une écoute mutuelle et une approche sans jugement, avec énormément de délicatesse, mais aussi de vigilance. Illustration à la crèche La Boussole, à Toulouse. « Nous sensibilisons les parents au respect du rythme d’acquisition des compétences motrices de chaque enfant, et à l’importance de ne pas brûler les étapes, détaille la directrice, Christine Monteillet. Par exemple, qu’ils n’assoient pas leur enfant tant que celui-ci ne le fait pas par lui-même. Le risque, c’est que l’enfant se retrouve "coincé" dans la position assise sans être autonome. L’enfant doit pouvoir se mouvoir tout seul quand sa musculature est prête. »
Des ateliers baby-gym, encadrés par une psychomotricienne, ont été mis en place grâce à du mécénat d’entreprise. Les atouts sont nombreux : les enfants gagnent en coordination, en appréhension de leur corps et de l’espace autour d’eux, en confiance. « Nous accueillons parfois des familles hébergées dans des centres d’hébergement qui vivent dans des chambres de 15m2, poursuit la directrice. Évoluer dans l’espace dans une chambre d’hôtel, ce n’est pas facile ! Ce temps d’activité est donc très profitable aux familles. Nous garantissons ainsi une certaine équité et une égalité des chances entre les enfants. »


Motricité et règles de vie en société
À l’école maternelle, la motricité tient une place importante dans le quotidien des petits. Tous les matins, à l’école Saint-Martin, située au Mans dans le quartier des Sablons classé zone prioritaire, les deux professeures organisent pour chacune de leur classe un temps motricité de trente minutes environ. Multiniveau, de la toute petite à la grande section, chaque classe accueille une vingtaine d’enfants âgés de 2 ans et demi à 5 ans.
Sophie Brière a disposé tout le matériel – cerceaux, haies, poutres - pour apprendre à sauter. La séquence démarre par un temps d’échauffement : les enfants courent au son du tambourin et quand il fait silence, doivent s’arrêter net en reproduisant les gestes d’une silhouette que brandit la professeure. Un exercice qui implique rapidité, coordination, attention... Puis chacun débute le parcours de motricité, certains avec impatience, d’autres, application. « Attention, attend ton tour, ne bouscule pas ton copain, tu ne doubles pas ! », rappelle la maîtresse. C’est l’occasion d’apprendre les règles de sociabilité à un âge où l’enfant est encore très individualiste : patienter, respecter son camarade. Ces temps de motricité permettent aussi d’enrichir son vocabulaire - dessus, par-dessus, enjamber, à pieds joints - que la maîtresse reprend à la fin de la séance.

Les élèves se répartissent ensuite dans leur classe, certains travaillent la motricité fine, importante pour développer les capacités de la main : ils peignent l’intérieur de lettres de couleurs différentes. Les plus jeunes doivent coller de tout petits carrés de papier dans les lettres de leur prénom. « Avoir des enfants d’âge différents en classe implique un travail d’orfèvre et beaucoup d’observation », souligne Sophie Brière.
Attention aux écrans
Dans cette petite école à l’ambiance familiale, le lien avec les familles est central. L’équipe s’implique pour faciliter la communication avec des parents de trente nationalités différentes, œuvrent à la réussite de chaque élève. Et remarquent d’autant plus la nécessité de bouger, de développer la motricité des enfants, que les écrans prennent de plus en plus de place dans leur vie, les maintient dans une passivité et éteint leur envie de mouvement.
« J’ai eu le cas d’une petite fille qui passait dix heures par jour devant un écran avant trois ans, confie la professeure. Avec des problèmes pour bouger, parler, manger... Nous expliquons aux parents que les enfants sont dans un processus d’imitation. S’ils les voient en permanence sur les écrans, ils ne percevront pas le bonheur de bouger, de marcher, de découvrir le monde vivant qui nous entoure. C’est une vraie problématique. Pour y répondre, notre public nous invite à être créatif, à inventer d’autres choses. »
ZOOM (chiffres 2023)
- 16 crèches
- 1 400 enfants accueillis
- 13 écoles maternelles et primaires
- 2 321 élèves
Le point de vue d’Anthony Drault, psychomotricien intervenant en Protection maternelle et infantile (PMI) et en crèche dans le 10e arrondissement de Paris
« L’organisation mondiale de la santé préconise trois heures de mouvement et d’activités physiques par jour pour les enfants de 1 à 4 ans. La motricité est donc indispensable pour un jeune enfant, d’autant plus que c’est un véritable plaisir pour lui. Plus on développe sa motricité, plus il va pouvoir développer ses compétences cognitives, affectives et relationnelles.
En PMI, nous sensibilisons les familles au fait que l’activité motrice est primordiale pour le développement de leur enfant, fille ou garçon. Les familles en situation de précarité sont plutôt sédentaires, vivent souvent dans des petits logements avec plusieurs enfants, sans espace extérieur. Ces populations ont aussi d’autres impératifs (faire les démarches administratives, se loger, se nourrir...) qui entravent la motricité du jeune enfant. Les mères isolées en hôtel social demandent à leur enfant de ne pas faire de bruit et de ne pas bouger pour ne pas déranger les autres résidents. C’est d’ailleurs pour cela que les écrans sont aussi présents dans ces contextes de précarité. Notre travail est donc d'amener les familles à sortir de chez elles car l'extérieur est le lieu idéal pour l'activité motrice du jeune enfant ! »
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