Education et scolarité

Au Mans, un collège pour rebondir

Le collège Nouvelle Chance, au Mans, accueille temporairement des élèves décrocheurs, avec l’objectif de leur remettre le pied à l’étrier. Ses clés : une pédagogie adaptée et différenciée, des méthodes novatrices, un regard positif sur chacun.

« On le sait, tu n’aimes pas l’école. Notre objectif, c’est qu’au terme de ton passage ici, tu aies réussi à remettre ton « habit » d’élève, que tu aies retrouvé ton statut et ton rythme d’élève. Durant notre accompagnement, nous n’allons pas tenir le stylo et écrire à ta place. Cela ne va pas forcément être facile, on va te demander des efforts. Mais le collège Nouvelle Chance se tiendra à ton côté pour ramer avec toi. » C’est par ces termes imagés et directs que Chantal Delafosse accueille les nouveaux élèves dans son établissement situé au Mans, à deux pas de la gare.
À la veille de la rentrée, l’équipe est fin prête pour une nouvelle année avec les anciens qui rempilent, mais aussi des jeunes fraîchement arrivés. Le masque sera de rigueur, les gestes barrières appliqués, mais la pédagogie restera la même. Les enjeux sont importants avec ces jeunes fragiles scolairement, et qui ont vécu la période du confinement et le suivi à distance de façon très contrastée.

Raccrocher les décrocheurs

Des méthodes différentes pour que les élèves raccrochent aux apprentissages (c) Michel Le Moine/Apprentis d'Auteuil
Des méthodes différentes pour que les élèves raccrochent aux apprentissages (c) Michel Le Moine/Apprentis d'Auteuil

Ouvert en 2014, l’établissement s’est spécialisé dans la scolarisation d’élèves décrocheurs, une première alors pour Apprentis d’Auteuil. Problèmes de comportement, exclusions, absentéisme, mal être... ces élèves cumulent les difficultés. En commun, la perte du goût pour l’école, et souvent, une mauvaise image d’eux-mêmes. Les élèves sont accueillis après étude du dossier établi par leur collège d’origine, en lien avec l’inspection académique. Condition sine qua non, leur adhésion au projet. « Je ne travaillais plus dans mon collège, ce n’était pas adapté pour moi, et il y avait souvent des bagarres, raconte Salhya, 14 ans. Ici, ce qui me plaît, c’est qu’il y a plus de cadre et des éducateurs. Les profs ont plus de temps pour nous expliquer. On a des ateliers, par exemple, le théâtre, on fait de l’improvisation. Cela m’aide à contrôler mes émotions. »
Pour remobiliser les jeunes, éveiller leur appétit de savoir et leur redonner confiance en eux, l’établissement a adopté une organisation qui tranche avec les collèges classiques : pas de classes, mais des groupes à petits effectifs, des ateliers avec des intervenants extérieurs, des enseignants regroupant plusieurs matières. Les notions fondamentales sont abordées différemment, grâce à des projets accrocheurs. L’histoire, la géographie et le français sont par exemple travaillés dans une séquence autour des lettres de poilus. Les sciences et la chimie, au cours d’un module sur la cuisine : pourquoi les blancs d’œufs montent-ils en neige ? Comment le sucre se transforme-t-il en caramel ? Du concret, de l’incarné, du vivant. La clé pour que les jeunes comprennent la relation entre le savoir et la vie, et qu’ils reprennent au plus vite le cours de leur scolarité. « L’objectif est qu’ils réintègrent une classe ordinaire, leur collège d’origine ou une autre orientation, précise la directrice. Nous accueillons les élèves à trois moments de l’année : septembre, après les vacances de la Toussaint et après celles de Noël. Le lien avec les parents est très important. Nous les appelons toutes les semaines pour faire le point, nous échangeons aussi sur l’orientation. Ils sont souvent très démunis socialement et dans leur relation à l’école. »

Allier pédagogie et éducation

Un accompagnement individualisé de l'élève, au plus près de ses besoins (c) Michel Le Moine/Apprentis d'Auteuil
Un accompagnement individualisé de l'élève, au plus près de ses besoins (c) Michel Le Moine/Apprentis d'Auteuil

Enthousiaste après une année passée au collège Nouvelle chance, Salhya s’apprête à retrouver enseignants et camarades. « Je suis contente de reprendre, conclut-elle. Mes parents sont aussi très contents car j’apprends bien et je me comporte mieux. »
Atouts de l’établissement, le travail d’une équipe soudée qui aime travailler ensemble, sa disponibilité, son investissement. Et des projets qui résonnent auprès des élèves. Céline Roquet, professeur de mathématique et de physique chimie depuis les débuts du collège, il y a six ans, souligne : «  Notre mission va au-delà de l’enseignement. Nous faisons des sorties, nous discutons, partageons les repas, nous essayons de raccrocher les wagons scolaires et éducatifs. Cela n’est facile, ni pour eux, ni pour nous. Mais quand je constate qu’ils sont retournés sur les rails, avec le sourire, c’est mon plus grand cadeau. »

Ilian, 15 ans :
« En 5e, dans mon ancien collège, je répondais aux profs, j’étais dissipé, je faisais beaucoup de bêtises, alors je me suis fait exclure et orienter vers  un autre établissement. Le directeur m’a conseillé ce magnifique collège, qui m’a beaucoup aidé ! J’avais des pics de colère. Ils m’ont dit, on peut t’aider. Mais c’est toi qui as les clés en mains, si tu ne te reprends pas, c’est ton avenir qui est en jeu. Ce n’était pas la première fois qu’on me le disait, mais, là, je me suis dit, c’est vrai, je vais leur montrer de quoi je suis capable, je vais travailler sur moi. Ici, ils arrivent à mettre des sanctions sans exclure. Et je les ai acceptées ! Par exemple, j’allais dans une salle tout seul pour réfléchir. Au fur et à mesure, j’ai appris à mieux me connaître. Là, j’entre en 3e cette rentrée dans un autre collège. Je sais que ça va être compliqué mais que je suis capable de m’adapter. »

ILS SOUTIENNENT LE COLLÈGE NOUVELLE CHANCE Le collège Nouvelle Chance est soutenu par le Fonds social européen. Les différents projets mis en place pour les collégiens sont financés par des mécènes : fondations du Russey, Chevaux porteurs d’espérance, Un pas avec toi, Foujita, Crédit Agricole Anjou Maine.