
Au Mans, un collège pour rebondir
Le collège Nouvelle Chance, au Mans, accueille temporairement des élèves décrocheurs, avec l’objectif de leur remettre le pied à l’étrier. Ses clés : une pédagogie adaptée et différenciée, des méthodes novatrices, un regard positif sur chacun.
À la veille de la rentrée, l’équipe est fin prête pour une nouvelle année avec les anciens qui rempilent, mais aussi des jeunes fraîchement arrivés. Le masque sera de rigueur, les gestes barrières appliqués, mais la pédagogie restera la même. Les enjeux sont importants avec ces jeunes fragiles scolairement, et qui ont vécu la période du confinement et le suivi à distance de façon très contrastée.
Raccrocher les décrocheurs

Ouvert en 2014, l’établissement s’est spécialisé dans la scolarisation d’élèves décrocheurs, une première alors pour Apprentis d’Auteuil. Problèmes de comportement, exclusions, absentéisme, mal être... ces élèves cumulent les difficultés. En commun, la perte du goût pour l’école, et souvent, une mauvaise image d’eux-mêmes. Les élèves sont accueillis après étude du dossier établi par leur collège d’origine, en lien avec l’inspection académique. Condition sine qua non, leur adhésion au projet. « Je ne travaillais plus dans mon collège, ce n’était pas adapté pour moi, et il y avait souvent des bagarres, raconte Salhya, 14 ans. Ici, ce qui me plaît, c’est qu’il y a plus de cadre et des éducateurs. Les profs ont plus de temps pour nous expliquer. On a des ateliers, par exemple, le théâtre, on fait de l’improvisation. Cela m’aide à contrôler mes émotions. »
Pour remobiliser les jeunes, éveiller leur appétit de savoir et leur redonner confiance en eux, l’établissement a adopté une organisation qui tranche avec les collèges classiques : pas de classes, mais des groupes à petits effectifs, des ateliers avec des intervenants extérieurs, des enseignants regroupant plusieurs matières. Les notions fondamentales sont abordées différemment, grâce à des projets accrocheurs. L’histoire, la géographie et le français sont par exemple travaillés dans une séquence autour des lettres de poilus. Les sciences et la chimie, au cours d’un module sur la cuisine : pourquoi les blancs d’œufs montent-ils en neige ? Comment le sucre se transforme-t-il en caramel ? Du concret, de l’incarné, du vivant. La clé pour que les jeunes comprennent la relation entre le savoir et la vie, et qu’ils reprennent au plus vite le cours de leur scolarité. « L’objectif est qu’ils réintègrent une classe ordinaire, leur collège d’origine ou une autre orientation, précise la directrice. Nous accueillons les élèves à trois moments de l’année : septembre, après les vacances de la Toussaint et après celles de Noël. Le lien avec les parents est très important. Nous les appelons toutes les semaines pour faire le point, nous échangeons aussi sur l’orientation. Ils sont souvent très démunis socialement et dans leur relation à l’école. »
Allier pédagogie et éducation

Enthousiaste après une année passée au collège Nouvelle chance, Salhya s’apprête à retrouver enseignants et camarades. « Je suis contente de reprendre, conclut-elle. Mes parents sont aussi très contents car j’apprends bien et je me comporte mieux. »
Atouts de l’établissement, le travail d’une équipe soudée qui aime travailler ensemble, sa disponibilité, son investissement. Et des projets qui résonnent auprès des élèves. Céline Roquet, professeur de mathématique et de physique chimie depuis les débuts du collège, il y a six ans, souligne : « Notre mission va au-delà de l’enseignement. Nous faisons des sorties, nous discutons, partageons les repas, nous essayons de raccrocher les wagons scolaires et éducatifs. Cela n’est facile, ni pour eux, ni pour nous. Mais quand je constate qu’ils sont retournés sur les rails, avec le sourire, c’est mon plus grand cadeau. »
« En 5e, dans mon ancien collège, je répondais aux profs, j’étais dissipé, je faisais beaucoup de bêtises, alors je me suis fait exclure et orienter vers un autre établissement. Le directeur m’a conseillé ce magnifique collège, qui m’a beaucoup aidé ! J’avais des pics de colère. Ils m’ont dit, on peut t’aider. Mais c’est toi qui as les clés en mains, si tu ne te reprends pas, c’est ton avenir qui est en jeu. Ce n’était pas la première fois qu’on me le disait, mais, là, je me suis dit, c’est vrai, je vais leur montrer de quoi je suis capable, je vais travailler sur moi. Ici, ils arrivent à mettre des sanctions sans exclure. Et je les ai acceptées ! Par exemple, j’allais dans une salle tout seul pour réfléchir. Au fur et à mesure, j’ai appris à mieux me connaître. Là, j’entre en 3e cette rentrée dans un autre collège. Je sais que ça va être compliqué mais que je suis capable de m’adapter. »
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