Education et scolarité

Covid-19 : un psychologue aux côtés des jeunes

Psychologue à la Maison d’enfants (MECS) Saint-Jean à Sannois (95), François Bernard accompagne les jeunes au jour le jour. Avec les éducateurs, il veut vivre au mieux le temps du confinement et permettre à chacun d’en sortir grandi. Plus en confiance.

Depuis le début du confinement, comment travaillez-vous à la Maison d’enfants ?

Avant toute chose, je dis et redis aux éducateurs : « Je suis là. N’hésitez pas. Si besoin est, je vous prête mon épaule dans ce moment difficile ! ». J’aime commencer ma journée en faisant le tour des quatre pavillons sur cinq restés ouverts. Pour savoir ce qui s’est passé la veille au soir et dans la nuit. Sentir ce qui se joue. Ensuite, je reçois les jeunes qui le souhaitent en entretien. Au cours de la journée, cette vie collective forcée m’offre de nouvelles opportunités : déjeuner ou jouer au ping-pong avec les garçons et les filles. En un instant, je peux me rendre compte qu’un jeune est en retrait, un autre éteint, un autre encore angoissé. Je peux lui proposer une promenade sur le site pour s’oxygéner, discuter aussi. Regarder à deux dans la même direction enrichit souvent le dialogue.

Que vous disent les jeunes du confinement ?

Ils me parlent de leur manque de liberté. Ils se sentent attachés à la Maison d’enfants, plus séparés encore de leur milieu familial. Ce sentiment de séparation forcée est, quelquefois, une pure construction : ils sont déjà séparés du fait de leur placement et les parents, parfois inquiets, leur téléphonent plus souvent. En organisant des visioconférences parents-enfants, je leur suggère un autre angle de vue, une autre façon de voir les choses pour dissiper cette impression - ressentie par tous - d’être contraints.

Créez-vous d’autres espaces pour aider les jeunes et les éducateurs à exprimer leurs ressentis ?

Dans chaque pavillon, les éducateurs, les jeunes et moi, nous nous retrouvons une fois par semaine dans un groupe de parole sur un thème défini. Le dernier en date : « Ce que j’aime et ce que je n’aime pas durant ce confinement ». Dans un premier tour de table, chacun s’est exprimé en écoute silencieuse, sans interférence, ni réaction. Dans un second tour, nous avons tous donné des idées pour améliorer ou changer «le je n’aime pas ». Les jeunes apprécient les activités collectives : sports d’équipe, jeux de société. Les adultes, le fait de côtoyer les garçons et les filles dans un autre cadre, un autre temps. Les jeunes regrettent le manque de liberté, la séparation familiale, la négligence de certains dans le respect des gestes barrière ou leur inconscience dans leurs tentatives de fugue heurtaient les adultes. Sans rentrer dans la psychose, les garçons et les filles doivent prendre conscience de leurs actes. Nous, adultes, avons été très clairs au sujet du Covid-19 : ce virus a une forte contagion et une relative innocuité pour les populations jeunes et en bonne santé dont ils font majoritairement partie.

Les idées des jeunes vous ont-elles surpris ?

Ils et elles nous ont fait comprendre qu’ils en avaient assez de nos réponses toutes faites, trop techniques ou trop longues à mettre en pratique. Un exemple ? La qualité des repas alors que l’effectif du service de restauration était réduit. « Être confinés et mal manger va vite devenir insupportable. On va exploser ! » ont-ils prévenu. Solution concrète et immédiate : faire les courses le jeudi matin et préparer, ensemble, les repas du week-end. Ces instants ont, depuis, pris toute leur valeur, toute leur saveur.

Quels premiers enseignements tirez-vous en tant que psychologue ?

Il est prématuré pour moi de dire que je vais revoir mes pratiques mais une chose est sûre : ma distance éducative avec les jeunes est et sera désormais différente. Dans ce quotidien moins formel, les jeunes cherchent mon humanité et celle des éducateurs. Ils veulent savoir ce que nous avons dans les tripes, être sûrs que ce que nous disons et faisons tient la route. Plus que tout, ils veulent laisser s’installer et régner la cordialité entre nous. De par mon métier, je m’intéresse à ce que l’autre ressent. Mais est-ce que je le laisse s’intéresser à mon ressenti ? En tant que professionnel, je me pose souvent la question : est-ce que le jeune me fait confiance ? La vraie question, surtout dans un moment pareil, est : est-ce que je lui fais confiance ? Une question d’authenticité. Une grande leçon pour nous adultes.

Conseil de psy

Un conseil en ce temps de confinement ? Que l’adulte s’ouvre à l’enfant ou à l’adolescent. Qu’il se rende disponible pour l’écouter et l’entendre. L’adulte ainsi disposé à la confidence, l’enfant ou l’adolescent s’ouvrira à son tour et lui exprimera ce que, lui-même, ressent.