
Le rôle clé des dispositifs de prévention pour les familles en précarité
ENTRETIEN. Comment les dispositifs de prévention destinés aux familles en difficulté leur permettent-ils de mieux comprendre et élever leurs enfants ? Le point de vue de Nadège Séverac, sociologue spécialiste de la protection de l'enfance et consultante. Propos recueillis par Agnès Perrot.
En quoi les dispositifs de prévention permettent-ils aux familles en précarité de mieux exercer leur rôle de parents ?
Créer autour des parents en précarité des espaces de soutien, de rencontres, d'ateliers, c’est leur permettre de pouvoir échanger entre eux et avec des professionnels formés, d'accéder à des informations très utiles, comme l'importance du jeu, la qualité des temps partagés, la nécessité de limiter l’exposition aux écrans, etc.
Ces dispositifs donnent aux parents les moyens d'exercer leur rôle parental avec davantage de confiance et d'éviter la violence. Les familles en situation de précarité font face à des défis spécifiques qui peuvent augmenter les risques de maltraitance, notamment en raison du stress, de l'isolement social ou d'un manque de ressources.
En d'autres mots, offrir à ces parents la possibilité de pouvoir profiter de ces lieux, c'est leur donner les chances d’une parentalité plus épanouie. Ceci d’autant plus dans un contexte de société où les questions d’école, de harcèlement, d’écrans compliquent le quotidien de nombreuses familles, en précarité ou non...
À quelles conditions ces dispositifs peuvent-ils fonctionner pleinement ?
Pas encore suffisamment nombreux, ces dispositifs méritent d'être mieux connus, tant de la part des travailleurs sociaux que des familles. Les professionnels qui les gèrent doivent en outre être davantage formés à l’écoute empathique et à la gestion des situations de vulnérabilité - une approche respectueuse et non stigmatisante - et leur accompagnement adapté à chaque famille.
Comment la situation de ces parents se répercute-t-elle sur leur rôle parental ?
C’est déjà compliqué pour chacun d’entre nous d’être père ou mère... Il faut comprendre que les familles dont nous parlons doivent gérer en permanence d’autres priorités : trouver de quoi nourrir leurs enfants, payer leur loyer, se chauffer, assurer des besoins essentiels comme l'achat de vêtements ou de fournitures scolaires. Le stress dans lequel elles vivent au quotidien est immense.

Comment les accompagner au mieux ?
C’est une question délicate. Monopolisés par la survie et suivis par quatorze partenaires en même temps, ces parents, loin d’être démissionnaires, vivent dans un contexte sociétal pas vraiment ouvert à l’altérité et à la solidarité... Il faut les accueillir dignement, leur proposer des cafés, faire équipe avec elles, leur donner du temps, être en somme, à leur égard, une vraie présence soutenante.
De quoi ont-ils le plus besoin ?
De ne pas être exclus, de pouvoir contribuer à la société, de se sentir utiles, d’avoir des projets pour leurs enfants, des conditions de vie dignes…
Malgré les efforts déployés, la situation de ces familles reste aujourd'hui encore compliquée. Que faire ?
Il existe une dette de l’État évidente vis-à-vis des familles en précarité. Il faut que la puissance publique prenne la responsabilité de ses engagements. On parle des enfants placés et de leurs parents avec beaucoup trop de légèreté aujourd’hui dans notre pays. Les accompagner davantage, s’en donner les moyens, est crucial.
Il faut aussi que les professionnels du secteur social et de l’Éducation nationale reçoivent les formations de base indispensables pour travailler avec tous les enfants, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté, qu’ils soient davantage informés de ce qu’est le développement d’un enfant, qu’ils soient équipés sur les compétences relationnelles de base à avoir avec eux, sur les questions de santé mentale, etc.
Il faut enfin renforcer la lutte contre la pauvreté pour permettre à ces familles de vivre dans la dignité. C’est une question de choix de société.
Quelle société veut-on construire ? À quoi la politique publique est-elle prête à s’engager ? Plus que jamais, le champ de la parentalité est indissociable des questionnements de société et de politique.
À lire de Nadège Séverac :
- Améliorer la qualité d’accueil en crèche : les leçons de l’étude du multi-accueil Les Lucioles, une étude de la direction des recherches de la CNAF qui explore des pistes de réflexion pour améliorer la qualité d’accueil en crèche, novembre 2024
- L'enfant face à la violence dans le couple - collectif, 2e édition - Éd. Dunod, mars 2021
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