
Accompagnement des familles : objectif prévention
Comment se soucier des enfants et de leur éducation sans prendre en compte leurs parents, leurs conditions de vie ? Conscient des défis auxquels les familles sont confrontées, des épreuves que nombre d’entre elles traversent et qui impactent les enfants, Apprentis d’Auteuil accompagne les parents dans leur rôle éducatif via différents dispositifs dédiés. Cette mission, essentielle, vise à renforcer la qualité du lien parent-enfant et à prévenir des difficultés familiales.
Un mercredi à la Maison des familles de Bordeaux, c’est l’assurance d’une journée intense, faite d’échanges, de rires, de jeux d’enfant, de discussions animées. Installée au rez-de-chaussée d’une maison de ville, située non loin de la gare, la Maison des familles accueille ce jour-là, avec le renfort de deux bénévoles, parents et enfants pour le traditionnel repas partagé et les activités de l’après-midi. Tout le monde met la main à la pâte. La grande salle commune, qui sert habituellement pour les ateliers, les jeux, les débats, se transforme en un clin d’œil : la table est dressée, le couvert est mis. Chacun s’attable et aide les plus petits à finir leur assiette. Les conversations vont bon train.
Un lieu de répit pour les parents
Ce lieu est un havre pour de nombreux parents qui y trouvent accueil, écoute, interactions sociales, soutien, échanges autour de l’éducation, tandis que les enfants jouent, participent à des activités, font leurs devoirs... La plupart des familles vivent dans des habitats de fortune, hôtels sociaux, squats. « Notre Maison est un lieu de répit pour ces parents qui font face à l’urgence en permanence, explique Karine Schoumaker, la responsable. Ici, ils peuvent respirer et prendre soin d’eux. Dégagés de cette urgence, ils peuvent voir jouer leur enfant, se réjouir de ses progrès. En somme, poser un autre regard sur lui. Agir en prévention, c’est prendre en compte le parent, l’accepter, renforcer son estime de lui. Quand le parent va mieux, cela a des répercussions positives sur son lien avec son enfant. »

Des convictions fortes
Maisons des familles, centre parental ou encore, relais familiaux, crèches, en particulier, celles à vocation d’insertion professionnelle... Les dispositifs développés par Apprentis d’Auteuil dans le domaine de la prévention, si différents qu’ils soient, partagent des points communs, reflets des convictions de la fondation sur l’importance majeure du parent dans l’éducation de son enfant.
L’objectif est de renforcer le lien parent-enfant, en travaillant sur les compétences parentales. Et pour certains dispositifs, d’agir en amont pour éviter que des situations familiales ne se dégradent et n’aboutissent à un placement. Tous partent de la réalité de la famille, s’appuient sur ses ressources pour l’aider à avancer, misent sur un accompagnement bienveillant.
Ainsi, les crèches et multiaccueils développés par Apprentis d’Auteuil dans des quartiers mixtes, offrent un accueil adapté aux tout-petits, où ils peuvent s’épanouir, s’ouvrir à leurs émotions, aux interactions avec leur environnement, au monde. Il est doublé d’une écoute attentive du parent. Outre les échanges quotidiens, beaucoup ont des propositions de rencontre - café des parents, débats sur les besoins des tout-petits et l’éducation - et, pour certains parents en besoin d’insertion professionnelle, un accompagnement spécifique.

Un réseau de soutiens solide autour du parent
« L’éducation d’un enfant est une responsabilité importante, rappelle Émilie Casin, coordinatrice du pôle Familles et Parentalité à Apprentis d’Auteuil. Les parents ne devraient pas rester seuls face à leurs responsabilités éducatives, mais pouvoir compter sur un réseau de soutiens solide et bienveillant : famille, école, associations, amis. Certains parents vivent dans de tels contextes d’insécurité et d’isolement qu’il leur est difficile de répondre pleinement aux besoins de leur enfant. À la fondation, nous considérons qu’il est possible de protéger à la fois l’enfant et d’étayer la fonction parentale en respectant le cadre de nos missions. »
Le terme « coéducation » est extrêmement important : les professionnels échangent avec les parents, témoignent, confrontent les opinions. Tout comme les familles, qui, en partageant leur expérience, s’enrichissent des différents points de vue. Une posture nécessaire pour que les lignes bougent dans le respect des personnes et des parcours de vie.

Un logement et un accompagnement éducatif
À Saint-Herblain, en périphérie de Nantes, direction le centre parental La Parenthèse, rattaché à la Maison d'enfants Daniel-Brottier de Bouguenais. Installé à Bellevue, un quartier populaire, l’établissement bruisse de vie. Chloé, maman d’un petit Farès de 3 ans, pousse doucement la porte. Ce dispositif expérimental de prévention permet à des familles en situation de précarité de bénéficier d’un logement meublé, doublé d’un accompagnement éducatif personnalisé et d’une aide dans les démarches administratives. Financé par le conseil départemental, dans le cadre de la protection de l’enfance, le centre parental vise pour chacune des douze familles accompagnées l’accès à un logement de droit commun en un an, durée renouvelable.

Destiné à renforcer les compétences parentales, le soutien éducatif déployé par l’équipe, en lien avec des partenaires, demande du temps et de l’adaptation à chaque famille. « Nous tentons de répondre aux besoins de chacun, conseillons pour qu’il ou qu’elle n’arrive pas à une situation de crise ou de conflit, ou se considère comme un mauvais parent, détaille Sophie Arnaud, la responsable. Le but est d’arriver à l’autonomie des familles et une meilleure estime de soi. » Parmi les thèmes abordés lors des échanges : le couple et ses représentations, le soin et l’alimentation des enfants, les pleurs et les colères, l’utilisation des écrans, la prévention des maltraitances.

Accueillir temporairement les enfants
Autre contexte, à Châtenay-Malabry, en banlieue parisienne, dans un grand pavillon familial où s’est installé un des deux dispositifs Coup d’Pouce 92 de la fondation. Léana, 5 ans, rentre de l’école avec une éducatrice. Bruno, 14 ans, est de retour du collège. Ce dispositif de la protection de l’enfance a été créé pour accueillir temporairement des enfants, en cas d’impossibilité du ou des parents (hospitalisation, épuisement, dépression, problème de logement, difficultés éducatives).

Un lien enfant-parent préservé
Quatorze enfants, âgés de 10 semaines à 17 ans, sont accueillis en journée seulement ou jour et nuit, y compris le week-end, entourés par dix professionnels (éducatrice de jeune enfant, auxiliaire de puériculture, monitrice éducatrice, éducatrice spécialisée). Parmi les atouts du dispositif, l’accueil des fratries qui restent ainsi ensemble, la stabilité des repères pour les enfants, maintenus dans leur établissement scolaire et leurs activités extrascolaires, l’incitation faite aux parents à venir et à participer à la vie de la maison pour que le lien avec l’enfant ne souffre pas de l’éloignement.
Un accompagnement ciblé permet au parent de souffler, accompagné par l’équipe. Résultat, ce relais permet à une majorité de parents de dénouer des situations délicates et de reprendre la vie familiale, comme le montrent les résultats très positifs de la récente mesure d’impact.
Des familles qui posent leur fardeau
Dans ces différents établissements, l’accompagnement éducatif passe par les gestes du quotidien, les activités proposées, les sorties, les conversations anodines, autant que par les rendez-vous individuels, l’accompagnement administratif ou social, les liens avec les différents partenaires. Pour Coup d’Pouce 92, le soutien à la parentalité se traduit par une écoute attentive, des réponses à leurs questions sur les limites, par exemple, si difficiles à poser parfois. « Les parents ont enfin la possibilité de lâcher prise, de dire enfin à un professionnel : « Je n’en peux plus » sans être jugé, de passer le relais et de travailler sur sa difficulté », détaille Stéphanie Le Beuze, la directrice.


Dans ces lieux dédiés à la parentalité, chaque famille trouve des personnes à qui parler, un lieu où poser son fardeau, se réjouir des réussites et reprendre confiance, un accompagnement, enfin, pour se remobiliser. Ainsi, Chloé, la maman de Farès, accueillie à La Parenthèse : « Je sais que je peux faire confiance aux personnes du centre parental et leur poser des questions sur n’importe quoi. Jamais je n’ai vu autant de personnes prêtes à m’aider. J’ai vécu d’hôtel social en hôtel social, puis j’ai été hébergée par une association, avant d’être appelée par le centre parce qu’un logement était disponible, rien que pour moi et mon fils ! Aujourd’hui, j’envisage ma vie au fur et à mesure : inscrire mon fils à l’école, finir de monter mon dossier de demande HLM et trouver un emploi. »
Mettre les familles en lien pour rompre l'isolement
Un des défis majeurs est de rompre l’isolement des familles touchées par la précarité qui génère souvent honte et repli sur soi. C’est ce que remarque Karine Schoumaker, directrice de la Maison des familles de Bordeaux, heureuse de constater que des mamans se retrouvent et s’entraident hors de l’établissement. « On a réussi notre mission quand nous parvenons à mettre les familles en réseau. Cependant, précise-t-elle, nous n’avons pas de baguette magique. Les ateliers, les débats permettent de confronter les points de vue différents, qui nous heurtent parfois, de réfléchir ensemble à ce qui circule sur les réseaux sociaux, de démystifier certaines idées reçues. Tout en rappelant qu’il n’y a pas de parent parfait. »
Un accueil sans jugement
Ne pas être jugé : l’expression revient régulièrement dans la bouche des parents interrogés, peu importe le lieu ou le dispositif. Accueillir chacun tel qu’il est, avec son histoire et ses questions, c’est bien la clé de ces établissements.
Lætitia, maman de deux petites filles de 4 et 2 ans et demi, l’illustre parfaitement : « Mes enfants grandissent ici, à la Maison des familles. C’est notre bulle. Il n’y a pas de jugement. On s’apaise et quand on rentre chez soi, on est bien. »
Photo d'ouverture : Résidence sociale Élisabeth-Reinaud à Marseille
(c) Philippe Besnard/Apprentis d'Auteuil
Témoignages Coup d'Pouce 92 Châtenay-Malabry
Julie, 13 ans
« Je suis accueillie ici depuis le mois de juin avec mon frère Paul qui a 15 ans. Nous sommes ici parce que notre mère avait besoin de souffler. Nous continuons à la voir lorsqu’elle vient rencontrer les éducatrices ou pour préparer les repas avec nous. Au début, j’avais un peu de mal à m’habituer à la vie en collectivité, car ici nous sommes 14 enfants, avec des petits et des grands. Aujourd’hui, ma mère va mieux. Elle a plus de temps pour s’occuper d’elle. Elle connaît mieux ses limites aussi. Quand elle vient ici, elle est plus disponible pour nous. Ma relation avec mon frère qui était assez tendue s’est améliorée aussi. On se chamaille moins. Et les éducatrices lui mettent des limites. »
Mme Touti Touré, maman de Mariatha (18 mois) et d’Aicha (8 ans)
« Je viens à Coup d’Pouce parce que j’ai beaucoup de mal à confier mes enfants à des inconnus, avec le lâcher prise d’une manière générale. Ma fille de 18 mois vient ici depuis ses 3 mois. Sa sœur, âgée de 8 ans, est venue aussi. Ici, nous avons beaucoup travaillé sur la séparation parent-enfant. J’ai aussi du mal à avoir confiance en moi, en mes capacités à être parent. Je travaille dans le domaine de la petite enfance. J’ai dû faire un stage de nuit à l’hôpital. Mes deux enfants ont pu être accueillis ici pendant cette période. Je suis très contente de l’aide que je reçois. Lorsque j’ai des questions, les professionnelles sont toujours là pour y répondre. Elles sont très accueillantes. Coup d’Pouce est devenu ma deuxième maison. »
ZOOM
9 000 familles accompagnées dans leurs responsabilités parentales
25 Maisons des familles coportées par Apprentis d'Auteuil et le Secours catholique
Coup d’Pouce 92 (2 relais familiaux dans les Hauts-de-Seine)
Résultats de l’étude d’impact (Cabinet Archipel and Co)
- 84 % des parents se disent soulagés car ils peuvent souffler, passer le relais, prendre du temps pour eux et se concentrer sur leurs problématiques.
- 90 % des parents ont le sentiment que leur situation s’est améliorée grâce à l’intervention de Coup d’Pouce.
- Près de 100 % des enfants confiés dans le cadre de la prévention ont pu retourner dans leur famille.
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